dimanche 22 avril 2012

Economie numérique : 5 candidats à la présidentielles ont parlé

La semaine dernière nous signalions dans notre précédente chronique ([1]) les curieux silences de la campagne présidentielle concernant l’économie numérique. Quelques jours plus tard, retournement de situation, un nouveau site publiait à l’initiative du Collectif du Numérique les textes de cinq candidats à l’élection présidentielle concernant notre domaine. La lecture de ces textes est riche d’enseignements. 
Une heureuse initiative 
Le Collectif du Numérique ([2]), lancé il y a quelques semaines, a eu l’excellente idée de poser quelques questions aux 10 candidats. 5 candidats ont répondu et les 5 autres ne l’ont pas fait. Ces réponses se trouvent sur le site du Collectif et je ne peux que vous encourager à les télécharger et pour les lire.
Six thèmes leur ont été suggérés :
·       l’enjeu de la transformation numérique de l’économie et de la société,
·       la vision stratégique de la compétitivité du numérique pour la création d'emplois,
·       les aspects réglementaires et fiscaux,
·       l’engagement pour l'accompagnement de l’innovation numérique,
·       l’effort de formation au numérique,
·       la modernisation numérique de l’Etat et l’exemplarité des services publics.
Ce sont six excellentes questions qui recouvrent globalement les questions importantes concernant l’économie numérique.
Les cinq candidats n’ayant pas répondu sont ([3]) : Nathalie Arthaud, Jacques Cheminade, Marine Le Pen, Jean-Luc Melanchon et Philippe Poutou. Est-ce un oubli ou bien à une certaine gêne pour se positionner sur le thème de l’économie numérique ?
Les cinq candidats ayant répondu sont : François Bayrou, Nicolas Dupont-Aignan, François Hollande, Eva Joly et Nicolas Sarkozy. Ils ont répondu sous forme d’une lettre faisant de deux à cinq pages à l’exception de Nicolas Sarkozy qui propose un véritable rapport faisant 37 pages. Ce texte est assez étonnant car sur 33 pages de texte 14, soit presque la moitié, sont consacrées à l’éducation et à la formation. Le rédacteur du texte est probablement un enseignant. Il est aussi très significatif de constater que ce texte tend à ramener l’économie numérique à Internet. C’est une vision un peu réductrice du sujet. Le réseau est important mais ce n’est qu’une partie du domaine.
On retrouve sous une forme ou une autre la même réduction dans les contributions des quatre autres candidats qui ont du mal à avoir une vision d’ensemble de l’économie numérique. 
Des approches assez voisines 
Il est assez frappant de constater la convergence des mesures proposées par les cinq candidats concernant un certain nombre de points clés :
·       Appréciation de l’importance du secteur de l’économie numérique. Les cinq candidats ayant répondus sont convaincus de son rôle. Pour François Bayrou : « Le numérique a créé 700.000 emplois ([4]) ces dix dernières années, pendant que l’industrie en supprimait ». On retrouve la même idée chez François Hollande : « Je souhaite que l’ensemble de la Nation tire le potentiel de la révolution numérique et que celle-ci permette de créer nos emplois de demain ». Eva Joly va plus loin en déclarant : « je souhaite souligner encore une fois le lien fort qui unit transition écologique et transformation numérique ». On retrouve la même idée chez Nicolas Sarkozy en proposant d’avoir « un Etat exemplaire, à la pointe de la transition numérique ». Il en conclut : « Je considère que le numérique est une industrie à part entière, à caractère stratégique ». Nous voilà rassuré !
·       Par contre ils ont une vision incertaine du domaine. Lorsqu’on lit la suite des déclarations on est frappé du flou de leur définition du secteur. Pour Nicolas Sarkozy, nous l’avons vu, le secteur du numérique se résume pour l’essentiel à Internet. Cela se traduit de sa part par des propositions originales comme : « Je souhaite que nous ouvrions le chantier de la diplomatie numérique, qui doit mettre le pouvoir d’Internet et du numérique au service de la voix de la France dans le monde ». De même il propose « la formation numérique », « la santé numérique », « l’école à l’aide du numérique », … et même « Internet au cœur de la sécurité ». Pour Nicolas Dupont-Aignan : « les artistes doivent retrouver leur place de défricheurs dans nos sociétés assoupies et cela ne pourra se faire qu’en embrassant pleinement la Révolution Numérique ». Tout cela est sympathique mais un peu loin du sujet.
·       Ignorance du cœur de l’activité informatique. Il est frappant de constater que les mots clés de l’informatique comme la gestion de projet, l’édition de progiciels, l’exploitation, l’externalisation, les logiciels intégrés, la bureautique,… n’apparaissent jamais dans leur différents textes des candidats. Ils ignorent plus de 80 % de l’activité du secteur. Il n’y a que Nicolas Dupont-Aignan pour constater que : « l’informatique doit être un des piliers de notre économie. Les progrès rendus possible par l’industrie logicielle irriguent l’ensemble des secteurs. J’y vois là un des principaux leviers d’action pour la reconquête de la compétitivité de nos entreprises ». Quant aux autres … c’est un grand silence.
·       Rôle important accordé aux PME. Tous les candidats mettent l’accent sur le rôle clé des petites entreprises et notamment des entreprises innovantes. Les termes utilisés sont voisins. Pour François Hollande : « j’ai fait des PME et des entreprises innovantes une priorité de mon projet pour la France ». Eva Joly va plus loin : « dès aujourd’hui, des mesures fortes et concrètes doivent être prises … notamment en direction des TPE-PME ». François Bayrou : « les TPE, PME, ETI ont besoin d’être valorisées et, parmi elles, les entreprises innovantes du numérique ». Enfin Nicolas Sarkozy précise : « je veux insister sur l’importance d’agir pour le développement de nos entreprises à l’international, qui est souvent la condition nécessaire pour la croissance des PME qui veulent devenir des ETI (entreprises de taille intermédiaire) ».
·       Nécessité d’un Small Business Act français ou européen. De même tous les candidats mettent l’accent sur la mise en place d’un dispositif de ce type. François Bayrou : « j’établirai … un « Small Business Act », comme aux Etats-Unis, avec des règles propres aux petites entreprises ». Nicolas Dupont-Aignan : « le secteur … profitera sans doute SBA à la française que je veux instaurer ». Eva Joly : « je souhaite réserver les marchés publics d’un montant inférieur à environ 70.000 € aux PME ». Nicolas Sarkozy : « je propose également un Small Business Act, par lequel 25 % de ces commandes publiques seront réservées à des PME ». François Hollande : « l’accès des PME et des entreprises innovantes aux marchés publics sera également assuré. Je suis favorable à la proposition d’un médiateur du marché public ». Pareil unanimité est rare dans notre pays. Il n’y a plus qu’à attendre pour voir.
·       Création d’une banque des investissements. Deux candidats proposent la création d’une banque spécialisée : François Hollande : « je créerai une Banque publique d’investissement », « je compte doubler le plafond du livret de développement durable, en le portant de 6.000 à 12.000 euros ». Nicolas Sarkozy : « j’ai souhaité la création d’une Banque de l’Industrie pour financer les PME industrielles ». De plus « j’ai annoncé la création d’une banque de la jeunesse qui se portera caution pour les jeunes ». Deux autres candidats proposent d’autres approches : Eva Joly propose de « faciliter du crowdfunding » et François Bayrou évoque : « une reconfiguration des actions de Oseo et du FSI ».
·       Rôle de l’Etat. Tous les candidats insistent sur le rôle de l’Etat dans la réussite de l’économie numérique mais aussi la nécessité qu’il revoit sa gouvernance des systèmes d’information. C’est notamment le cas de François Hollande : « L’Etat devra se doter … d’une véritable stratégie technologique : …le maintien de compétences internes fortes, … l’agilité, … la mutualisation des besoins, … l’interopérabilité ». Nicolas Dupont-Aignan prévoit de créer « une mission auprès du Premier Ministre pour l’informatisation des administrations ». Quant à François Bayrou il « propose la création d’un Haut-Commissariat aux systèmes d’information de l’Etat, qui aura à construire une stratégie ». Eva Joly réclame « l’exemplarité numérique de l’Etat » et affirme que : « la transformation numérique touche également l’Etat et les services publics, qui se doivent d’être exemplaire sur le sujet ». Il est intéressant de noter que Nicolas Sarkozy emploi les mêmes termes : « je suis pleinement conscient du devoir d’exemplarité de l’Etat sur des sujets liés au numérique », « l’Etat doit être le pionnier et le modèle », « je propose la création d’une Agence nationale pour l’innovation numérique, qui sera chargée de coordonner et d’articuler les chantiers de numérisation de nos services publics ». Tous reconnaissent qu’il y a des progrès importants à faire en ce domaine.
·       Open Data des données publiques. Ce point rencontre aussi une quasi-unanimité des candidats. Nicolas Sarkozy signale que : « l’ouverture des données publiques, pour contribuer à la transparence de l’action de l’Etat et à la modernisation de notre démocratie ». On retrouve les mêmes termes chez Eva Joly : « l’ouverture des données publiques constitue à la fois la mise à disposition des informations nécessaires à un plus grand contrôle démocratique ». Pour François Bayrou : « nous devons faire de l’ouverture des données publiques non-nominatives un droit garanti pour tous les citoyens ». François Holland pense « qu’il faudra … aller plus loin dans l’ouverture des données publiques, à tous les niveaux de la sphère publique. Il en va de la démocratie et de la transparence, mais aussi la vitalité du tissu d’entreprises ».
Comme on le voit les cinq candidats ont des propositions assez convergentes : appréciation de l’importance du secteur de l’économie numérique, même importance accordée aux PME, nécessité de créer un Small Business Act, souhait d’assurer le développement de l’Open Data, volonté de créer une banque d’investissement et surtout l’importance accordé au rôle de l’Etat. C’est l’aspect positif. Par contre, il faut bien le constater, les candidats n’ont pas toujours une vision très claire du secteur et ils tendent à le résumer au seul usage d’Internet. Ils ignorent très souvent le contenu de l’activité informatique. C’est leur point faible. 
Trois points faibles communs 
La lecture des textes des candidats fait apparaître un certain nombre de faiblesses. Elles montrent que la réflexion sur ce sujet ne fait que commencer :
·       L’absence de vision stratégique de l’économie numérique. Il est frappant de constater qu’aucun des cinq candidats à l’élection présidentielle n’a une approche globale du secteur. Pourtant les questions posées par le Collectif du Numérique étaient très précises. Il demandait leur avis sur « l’enjeu de la transformation numérique de l’économie et de la société » et leur « vision stratégique de la compétitivité du numérique pour la création d'emplois ». Il faut bien le constater il n’y a pas de réponse à ces questions. On peut penser que ceci est dû à l’absence de réflexion sur le sujet au sein des différents partis politiques.
·       Le rapport Attali n’est jamais cité (« Rapport de la Commission pour la libération de la croissance française »). Il est frappant qu’aucun candidat, y compris Nicolas Sarkozy, ne fait référence à ce texte qui avait, il y a maintenant trois et demi ans, permis de fixer quelques orientations sur le sujet, en particulier son chapitre 3 : « les révolutions à ne pas manquer » et spécialement les pages sur « le numérique, passeport de la croissance ». Même si la réflexion était incomplète et méritait d’être poussée c’est encore le document de référence sur le sujet. Le rapport était très orienté vers le développement des réseaux, la TNT et le logiciel libre mais il ignorait le rôle structurant de l’informatique d’entreprises et les investissements qu’effectuent les entreprises.
·       L’absence d’une démarche globale. Cette absence de réflexion d’exemple explique en grande partie la difficulté à dégager des mesures globales. Dans ces conditions on se rabat sur des mesures ponctuelles. Elles sont probablement intéressantes mais est-ce qu’elles seront suffisantes pour créer le supplément de croissance recherché. Il ne peut venir que d’une augmentation significative des investissements informatiques. L’INSEE les évaluent en 2008 à 49 milliards d’euros ([5]) ce qui est relativement faible. Pour contribuer de manière significative à la croissance économique globale. Il serait souhaitable d’augmenter en quelques années cette masse de 30 à 50 %. Un programme de stimulation massif serait nécessaire. On en est loin.
Ceci montre que la réflexion sur le développement de l’économie numérique n’en est qu’à ses débuts et qu’il sera urgent de la poursuivre activement une fois la période électorale terminée. 
Améliorer la situation 
Dans ces conditions que peut-on suggérer ? La première chose à faire est de former les politiques à l’économie du numérique. Ils ont une connaissance très superficielle du sujet. Nicolas Sarkozy le reconnaît en déclarant dans sa réponse « j’ai personnellement beaucoup appris sur un secteur qui m’était encore peu familier il y a quelques années » grâce à sa participation au Conseil National du Numérique. Au moins cet organisme, à la mission un peu floue, a servi à ça !
Il est certain que dans ces conditions il ne pas attendre que la classe politique soit capable de proposer une stratégie claire pour assurer le développement de l’économie numérique. Il faut, au contraire, leur apporter une stratégie reposant sur une vision claire du domaine. Deux séries de mesures doivent permettre d’améliorer la situation ([6]) :
-      Faire baisser les coûts des télécommunications qui sont anormalement élevés en France.
-      Améliorer l’environnement administratif et légal des entreprises, pas seulement des PME mais de toutes les entreprises.
Ensuite il est nécessaire d’inciter les entreprises à investir plus dans le domaine des applications informatiques, des centres de traitement, des postes de travail, des réseaux,… C’est le cœur des mécanismes de développement que les candidats ignorent et rendent leurs réponses insatisfaisantes.

[1] - - Voir ci-dessous le message du 15 avril 2012 : « Economie numérique : les silences de la campagne »
[2] - Le collectif comprend aujourd’hui 21 organismes. Aux 13 membres d’origine sont venus d’ajouter 8 nouveaux partenaires : ACN, GESTE, Aproged, Cap Digital, CICF Informatique, FNTC, GITEP TICS, IGNES.
[3] - Classés par ordre alphabétique.
[4] - Ce chiffre est très optimiste car l’INSEE ne recense que 900.000 personnes dans le secteur en adoptant d’ailleurs une définition très large.
[5] - Voir ci-dessous le message du 17 janvier 2012 : « Enfin l’INSEE prend en compte l’informatique ».
[6] - Voir ci-dessous le message du 19 mars 2012 : « Le classement informatique du World Economic Forum : Une triste réalité »

dimanche 15 avril 2012

Economie numérique : les silences de la campagne

La campagne présidentielle domine l’actualité. Elle fait l’essentiel des journaux télévisés et radios, sans compter les journaux. De nombreux sujets sont abordés et font l’objet de prises de positions des candidats comme le déficit des comptes publics, leur redressement, l’euro, la mondialisation, le made in France, l’école, le permis de conduire,… C’est un grand déballage d’idées et de propositions. Mais, il faut bien le constater, l’économie numérique est un des grands absents de la campagne. Personne n’en parle.
Un certain nombre d’acteurs du secteur du numérique comme le Syntec Numérique, le Sfib, l’Afdel (éditeurs de logiciels), le FFT (opérateurs de télécoms), l’Acsel (vente en ligne), l’Apeca (dématerialisation), le Crip (responsable infrastructure et production), l’Eurocloud (éditeurs du cloud), la Fevad (e-commerce), le Forum Atena (télécoms et sécurité), la Renaissance Numérique (think tank), le Snjv (éditeurs de jeux en ligne), et Systematic (pôle de compétitivité) se sont regroupés dans le collectif « Union du Numérique » ([1]) pour rappeler l’importance de l’économie numérique. Ils n’hésitent pas à annoncer quelques chiffres significatifs : le secteur emploie 1,5 million de salariés et ce chiffre a doublé en 15 ans ([2]). De plus la croissance du secteur représente 25 % de la croissance économique globale.
Comme nous l’avons vu dans une précédente chronique (Voir sur ce blog le message du 17 janvier 2012 « Enfin l’INSEE prend en compte l’informatique ») l’INSEE estime que les effectifs de l’économie numérique sont inférieurs de l’ordre de 900.000 personnes et considère que la croissance du secteur est en moyenne période de 0,4 % de PIB soit 20 % de la croissance moyenne. Ceci montre, une fois de plus, que quand on aime on ne compte pas. Malgré ces exagérations il est certain que le dynamisme du secteur des TIC tire la croissance économique globale. De plus ces investissements ont un impact sur le dynamisme du reste de l’économie qui est souvent ignoré.
Lorsqu’on évoque dans la campagne présidentielle l’économie numérique seule deux thèmes apparaissent :
- La loi Hadopi. Certain la défende bec et ongle alors que d’autres rêvent de la supprimer, mais entre nous, c’est un peu un sujet accessoire. L’enjeu est faible et il peut probablement être traité de manière moins répressive,
- Le Très Haut Débit. Il consiste à faire venir la fibre optique jusqu’au domicile de l’utilisateur. C’est une excellente idée mais c’est un investissement considérable évalué à 25 milliards d'euros pour couvrir 50 % du territoire français pour un gain qui reste à démontrer.
Les autres sujets sont ignorés. Est-ce bien l’essentiel des sujets concernant l’économie numérique ? N’y a-t-il pas des thèmes de débats intéressants et des enjeux ? Ne serait-il pas opportun de fixer de nouvelles orientations ? Manifestement il n’y a pas de réponse.
Sœur Anne ne vois-tu rien venir ?
Aucun des dix candidats à la présidence de la république ne propose dans son programme une quelconque mesure concernant l’économie numérique. Tout le monde attend le retour de la croissance mais en oubliant les moyens permettant d’y arriver et notamment les TIC. Ceci est dû à la conjonction de trois facteurs :
- La méconnaissance de l’économie numérique par les candidats mais plus généralement par les politiques et les élites françaises. Ils considèrent que ce sont des sujets techniques qui ne les concernent pas. C’est une véritable faiblesse. Manifestement le rapport Attali (« Rapport de la Commission pour la libération de la croissance française ») a été oublié, en particulier son chapitre 3 :« les révolutions à ne pas manquer » et spécialement les pages sur« le numérique, passeport de la croissance ».
- L’opinion est peu sensible au thème de l’économie numérique. Il existe pourtant de nombreuses « success story” dans le secteur mais elles sont peu connues. Les entreprises californiennes comme Apple, Google, Amazon,… sont mondialement connues mais on ignore les leaders de la technologie se trouvant en Europe ou en France. Les innovations motrices de la croissance sont exclusivement vues comme américaines alors qu’il existe sous nos yeux de nombreuses mises en œuvre originales et efficaces.
- Les usages quotidiens de l’informatique se sont banalisés. Depuis longtemps, dans la plupart des entreprises françaises les applications informatiques ne font plus rêver. On a le sentiment que les projets mis en œuvre sont nécessaires mais ils ne permettraient pas de dégager les gains spectaculaires qui étaient attendues. Trop peu de projets permettent de créer de la valeur. Mais ce n’est pas exact car de nombreuses applications sont rentables mais il est vrai que ce n’est pas systématiquement le cas.
Les décideurs ayant des idées claires sur l’économie numérique sont assez rares. Ceci explique qu’ils ont du mal à fixer les orientations à mettre en œuvre dans ce domaine. Le faible impact du plan Besson de 2008 et le probable échec du plan Besson 2011 sont dues à la même cause : ils proposent de nombreuses mesures ponctuelles, dont certaines sont intéressantes, mais il y a peu d’orientations globales. Dans les entreprises ce n’est pas mieux. Souvent il n’y a pas de stratégie informatique et quand il y en a une, elle est peu innovatrice.
Quelques axes d’amélioration
Pour améliorer cette situation il est nécessaire convaincre les décideurs de l’importance de l’économie numérique. Pour cela on doit s’attacher à communiquer autour de quelques idées claires et compréhensibles. Ce sont par exemple les cinq orientations suivantes :
1. Faire baisser les coûts des télécommunications. Elles sont notablement plus élevées en France que dans les autres pays développés et explique en partie le médiocre positionnement de notre pays dans le classement NRI, le Networked Readiness Index ([3]), du World Economic Forum de Davos ([4]). Il montre qu’il existe un « gap » important en ce domaine et qui freine le développement de l’économie numérique. Il est certain que la récente offensive de Free Mobile va dans le bon sens mais il y a encore du chemin à parcourir.
2. Améliorer le contexte administratif et réglementaire. Ce terme recouvre de nombreux points différents ([5]) signalés par l’étude du World Economic Forum et qui met en évidence un certain nombre de fragilités structurelles de l’Etat français. Depuis de nombreuses années les entreprises françaises et notamment les PME souffrent de ce contexte lourd et peu efficace. Le défaut de compétitivité de ces entreprises est, en grande partie, dû à ces insuffisances.
3. Inciter les entreprises à investir dans les TIC. L’informatique n’a pas une bonne image. De nombreux dirigeants pensent que c’est un coût sans contrepartie. Ils sont toujours réticents à effectuer des investissements sans contrepartie. Cette situation paradoxale est probablement due au fait que trop de projets ont un impact trop incertain sur la capacité des entreprises à créer de la valeur. Mais c’est surtout dû à leur faible connaissance de l’économie numérique.
4. Formation des décideurs et des managers à la mise en œuvre des TIC. Les maîtres d’ouvrage et les maîtres d’œuvre n’utilisent pas les mêmes termes, les mêmes démarches et les mêmes concepts. Il est indispensable qu’ils parlent le même langage, qu’ils maîtrisent les concepts de gestion de projet, de pilotage de l’activité informatique et plus généralement qu’ils aient une réelle maîtrise des systèmes d’information.
5. Mieux communiquer sur les résultats des TIC. Il existe en France de nombreuses « success story » liées à la mise en œuvre de l’informatique, mais elles sont souvent ignorées. De plus il existe dans le monde de nombreuses applications intéressantes. Pour éviter ce type de situation il serait souhaitable de mieux les faire connaître ces réussites au management des entreprises, aux politiques et aussi au grand public.
Ces axes d’amélioration sont simples. S’ils étaient mis en œuvre ils permettraient de changer l’attitude des décideurs envers l’économie numérique. C’est la base d’un meilleur usage des TIC au profit de la croissance.


[1]- Sur les 13 organismes 9 sont des syndicats professionnels.
[2]- Un doublement en 15 ans correspond à une croissance de 4,7 % par an.
[4]- Ceci concerne les coûts d’installation du téléphone fixe, son coût d’abonnement et le coût des communications mais aussi le tarif de la téléphonie mobile et le tarif de connexion fixe à Internet.
[5]- L’enquête du World Economic Forum de Davos pointe la difficulté d’accès au « venture capital », la faiblesse des pôles de développement, le poids de la régulation administrative sur les entreprises, l’impact du niveau des taxes sur l’incitation à travailler ou à investir, le poids des différentes taxes par rapport au total des profits commerciaux, la liberté de la presse, l’indépendance de la justice, le taux d’inscription dans l’éducation supérieure, la qualité du système d’éducation, la collaboration université-industrie en matière de R&D,...