mardi 8 septembre 2015

Quelques réflexions à propos de la transformation numérique

Le terme de la transformation numérique est à la mode. Toutes les grandes entreprises et une partie croissante des moyennes entreprises ont nommé des CDO, Chef Digital Officer. Le terme est ambitieux. Mais, quel est réellement leur rôle ? Est-ce que sont des organisateurs, des stratèges, des responsables marketing ou des informaticiens d'un nouveau type.
Le terme de transformation numérique tend à être l'utilisé tout propos. Est-ce du marketing ? Ou la gestion des grandes bases de données ? Ou une nouvelle approche de la stratégie ? Ou une redéfinition de l’organisation ? Pour s'y retrouver il est nécessaire de clarifier ce que ce terme recouvre. 

Les différentes approches de la transformation numérique  

Lorsqu'on compare les nombreuses déclarations concernant la transformation numérique on constate que tout le monde ne parle pas toujours de la même chose. Globalement on peut identifier trois approches différentes :
l  L'amélioration des relations avec les clients. Il est aujourd'hui possible de suivre chaque internaute pour ensuite lui faire des offres personnalisées adaptées à ses attentes. On peut aussi suivre les comportements de chaque client afin de le relancer au moment opportun. Grâce à des bases de données de très grande taille (Big Data) il est possible de suivre les comportements et les attentes d'un très grand nombre de clients et de prospects pour leur faire des offres originales et adaptées. Cette approche correspond à la volonté de sortir du traditionnel marketing de masse pour aller vers un marketing mieux ciblé. Dans ce cas la transformation numérique consiste à imaginer et développer des outils de CRM et de Big Data.
l  La création de nouveaux produits ou de nouveaux services. Grâce à Internet et à des centres de traitements puissants il est possible d'imaginer de nouvelles applications proposant des services nouveaux. Ceci permet de bouleverser la chaîne classique de conception, de réalisation et de production de produits industriels. On peut ainsi passer de l'idée d'un produit nouveau ou d'un service original à un système opérationnel. L'outil informatique est au cœur de cette révolution. On assiste ainsi à la multiplication de nouveaux services comme la billetterie, la réservation hôtelière, les appels de taxis, .... Tous ces services ont comme point commun de changer les relations du client à l'entreprise. Cela se traduit par un nouveau positionnement stratégique des entreprises de ces différents secteurs. Celles qui auront une réponse trop tardive ou inadéquate risquent de se trouver marginaliser et peuvent voir s'évaporer une partie significative de leur chiffre d'affaires. Ainsi un grand nombre d'entreprises de VPC ont été victimes des nouveaux venus du commerce électronique. De nombreux secteurs ont ainsi été déstabilisés comme les agences de voyages, les taxis, la presse, la Poste, les éditeurs de musique,… 
l  L'évolution de l'organisation de l'entreprise. L'emploi des nouvelles technologies à pour effet de modifier l'organisation des entreprises. Ainsi la généralisation de la messagerie a rendu obsolète dans les entreprises les hiérarchies intermédiaires. En quelques années le nombre de niveaux hiérarchiques est passé de cinq à trois. Les transformations concernent aussi d'autres domaines comme la production, la logistique ou la distribution. La généralisation de l'informatique à tous les postes de travail et le recours massif à Internet et le développement du Cloud Computing sont en train de définir une nouvelle organisation. Ce mouvement n'est pas nouveau. Il a commencé il y a plus de cinquante ans. Depuis quelques années on constate que ce phénomène tend à s'accélérer.
Nous assistons donc à une série de mutations profondes qui sont en train de modifier les procédures, les structures et les stratégies des entreprises. L’ensemble de ces changements sont regroupés sous le terme de transformation numérique. Les entreprises n'ont pas choisi ces mutations, elles y ont été contraintes. En fait, elles sont forcées de s'y adapter.

Trois problèmes importants

La mise en œuvre de la transformation numérique soulève de nombreux problèmes. Parmi ceux-ci trois sont particulièrement importants :
l  La capacité des entreprises à saisir les opportunités. Aujourd'hui tous les dirigeants pensent à Uber et craignent qu'à leur tour leur entreprise va être "uberiser". Mais ce n'est pas le premier raz - de – marée survenu dans ce domaine. Avant Uber il y a eu Naspter qui a ruiné les majors du disque, Amazon qui a déstabilisé le monde de l'édition et de la librairie puis a attaqué le monde de la distribution, Google News et son journal a accru la crise de la presse, Wikipédia a fait disparaître les éditeurs d'encyclopédie, et actuellement Airbnb commence à déstabiliser l'hôtellerie après qu'elle ait subi les chocs de TripAdvisor, de Booking, d'Hotel.com, de Tivago, d'Expedia,... Il est certain que la liste des secteurs qui ont été perturbés par l'irruption du numérique est loin d’être close.
Mais ces changements ne sont pas uniquement porteur de menaces mais aussi d’importantes opportunités. Le succès de Google, d'Amazon, de Facebook, d'Apple, .... montre le potentiel de développement de l’économie du numérique. Cependant, on constate que les entreprises traditionnelles éprouvent une certaine difficulté à saisir ces opportunités. Si on analyse les opérations de ce type lancées par les entreprises du CAC 40 on s’aperçoit que moins de 10 ont lancé des opérations de transformation numériques qui fonctionnent réellement et donnent des résultats. De plus, à ce jour aucune n'a annoncé un succès pattant dans ce domaine. Quand aux trois - quart des autres entreprises ils parlent ou annoncent des plans très ambitieux mais il y a peu de chance qu’elles se réalisent.
·       Le rôle des informaticiens dans le processus de la transformation numérique . Les transformations numériques reposent en grande partie sur l'emploi massifs d'outils informatique : matériels, logiciels, système de communication,.... Mais curieusement on voit peu d'informaticiens dans le cadre des opérations de transformation numérique. Dans ces conditions quel est le rôle dévolu aux informaticiens ? L'informatique serait-elle une chose trop sérieuse pour la confier aux seuls informaticiens ? Mais, il faut être raisonnable, peut-on serieusement faire de l'informatique sans informaticien ?
Mais à l'inverse on peut s'interroger sur la capacité des DSI à prendre en charge des opérations de transformation numérique ? On peut être un développeur de logiciels compétent et efficace et ne pas être capable d'imaginer un nouveau service où définir une nouvelle organisation. Il est probable qu'en formant ses collaborateurs et en recourant à la sous-traitance les DSI finiront par acquérir les compétences nécessaires. Mais est-ce qu'elles ont pour autant un positionnement adaptés ? Pour s'en convaincre il suffit de constater le faible nombre d'informaticiens se trouvant parmi les CDO.
De manière plus générale on note qu'à peine la moitié des responsables de DSI sont membre du Comité de Direction de leur entreprise. Cela veut dire qu'une majorité des responsables informatiques sont positionnés comme des responsables techniques et non comme des managers et des décideurs. Dans ces conditions il semble difficile qu'ils puisse jouer un rôle dans la définition de ces nouvelles stratégies. D'une manière plus générale si un certain nombre de métiers comme la finance et la comptabilité ont de bonnes relations avec la DSI de nombreux métiers et notamment la fonction commerciale et le marketing ont de médiocres relations, voir aucune relation, avec la DSI.
·       L’importance des savoirs et des savoir-faire. Face aux mutations majeures apportées par la transformation numérique on s'interroge si les hommes, et les femmes, de terrain sont capables de prendre en charge ces changements. Deux obstacles freinent cette évolution :
o   L’inculture informatique de la majorité des décideurs (pour ne pas dire de la quasi-totalité). Comme ils savent utiliser leur messagerie, se débrouillent avec Word et Excel et connaissent quelques fonctions de base de leur smartphone ils pensent connaître l’informatique. Est-ce que ces maigres connaissances sont suffisantes pour comprendre la mutation en cours ? N'ayant pas les concepts de base de l'informatique et des systèmes d'information ils ne peuvent que rester dubitatif devant tous ces changements.
o   Le flou des responsabilités en matière de transformation numérique. Qui doit avoir l’initiative de lancer de nouveaux produits ou de nouveaux services ? A priori ce sont les responsables de marketing mais sauf exception ils ont une vision assez limité de l’informatique pour ne pas dire un certain rejet. C'est de l’illettrisme informatique. Dans ce contexte dominé par l'ignorance comment peuvent-ils se développer les idées qui feront le chiffre d'affaires de demain.  
Or la mutation en cours nécessite de recourir à des connaissances informatiques avancées concernant les réseaux, les techniques de codage de l’information, les bases de données, la gestion de serveurs, la conception de dispositifs de sécurité efficaces,… [1]. Le succès de la transformation numérique repose sur le mariage de deux cultures : l’anticipation des besoins des clients ou des usagers et une solide culture technique. On peut avoir des craintes sérieuses sur ces deux points.

Une évolution qui risque d'être chaotique

Dans ces conditions la transformation numérique des entreprises risque d’être une opération assez délicate à mettre en œuvre faute d’avoir en interne des connaissances informatiques nécessaires, une faible capacité à lire les évolutions du marché, notamment pour décoder ce que font les concurrents, une imagination incertaine pour créer de nouveaux produits et de nouveaux services, … Cela fait beaucoup d’interrogations. Examinons ces différents points particuliers :
l   Disposer en interne les compétences informatiques nécessaires. Pour réussir des projets de transformation numérique il est nécessaire de disposer de professionnels de bon niveau capables d'imaginer ces nouveaux systèmes. Il est pour cela nécessaire qu'ils aient une bonne culture informatique notamment dans le domaine des technologies Internet et des outils de développement adaptés à cet environnement. Il est bien entendu toujours possible de faire appel aux compétences des sociétés de services mais faut-il encore être capable de leur dire ce qu'il faut faire. Faute d'avoir en interne les compétences nécessaires le sous-traitant risque de devenir une sorte de maîtrise d'ouvrage auto-proclamée. Le résultat risque d'être assez surprenant.
l   La capacité d'observation et de compréhension du marché. Les évolutions sont très rapides. Elles peuvent venir de loin. Elles ne viennent pas forcément d'acteurs reconnus mais des nouveaux venus : c'est "l'invasion de nouveaux barbares". Très souvent ces initiatives ont lieu à l'étranger, généralement aux USA mais aussi parfois d'europe. Pour détecter ces signaux faibles il faut avoir une vue persante et surtout être capable de les décoder. Souvent c'est un produit ou un service différents de l'activité principale de l'entreprise mais qui risque de l'impacter.
Cette activité est voisine de la veille stratégique avec une dimension technologique importante et une bonne dose d'imagination. Elle doit amener à la rédaction d'une étude de faisabilité [2] qui amorce le processus de gestion du projet. 
l  La connaissance et l'anticipation du comportement des concurrents. Sur un marché donné il est nécessaire de connaitre et de décoder les stratégies des différents concurrents présents, mais aussi celles des partenaires, des fournisseurs, des distributeurs ... L'arrivée de nouvelles technologies se traduit souvent par des changements des rôles des différents intervenants. Certaines activités sont dèsintermédiées comme la vente de billets d'avions faites directement par les compagnies aériennes alors que d'autres sont réintermèdiées comme Uber-Pop avec des automobilistes qui deviennent chauffeurs de taxi occasionnels. C’est aussi le cas de ces "soldeurs" chargés de liquider les fins de séries qui se sont inventés le nom de « ventes privées sur Internet ». Les « rossignols » de fond de boutique ont ainsi eu une seconde jeunesse.
On assiste ainsi à une série de changements de positionnement des entreprises. Certaines sont des opportunités tandis que d'autres sont des menaces qui peuvent en quelques mois bouleverser un marché qui jusque-là paraissait stable. On pense, bien sûr à Uber et les taxis, mais il y a aussi eBay et Le Bon Coin qui ont raflé le marché des petites annonces locales et mis en péril la presse gratuite et de manière générale les quotidiens. Il existe de nombreuses exemples comme l’arrivée des smartphones qui ont déstabilisé l'industrie des appareils photographiques ou celui des GPS et des logiciels de cartographie qui a rendu obsolète la petite industrie des cartes routières. Ces exemples vont se multiplier dans les années à venir.
l   La capacité à imaginer et à mettre en scène de nouveaux produits et de nouveaux services. C'est un des facteurs clés déterminant le succès d'une offre. Qui aurait imaginé en 2004 le succès planétaire de Facebook ? Ce n'est pourtant qu'un trombinoscope [3] avec quelques fonctions amusantes. La notion de réseau social est née de ce raz - de - marée. Pourtant des applications de ce type existaient avant Mark Zuckerberg. De nombreuses associations d'anciens élèves d'école avaient créé des annuaires en ligne mais aucun n'avait atteint 1,5 milliard de membres. Le succès est basé sur une bonne idée mais aussi sur un savoir-faire et une capacité à le faire savoir afin d'attirer le chaland qui cherche des contacts sur Internet. De même Google n'a pas été le premier moteur de recherche. Avant lui il y a eu Lycos, Altavista, Ask, Yahoo !, MSN Search, Voilà, .... Google s'est imposé grâce à sa facilité de mise en œuvre et grâce à la pertinence de ses réponses.
Comme on le voit le succès de la transformation numérique n'est pas le fait du hasard mais le résultat d'un subtil dosage de pertinence, de qualité et d'audace. Toutes les grandes et les moyennes entreprises peuvent réussir leur transformation numérique mais, il faut bien le reconnaître, actuellement, les succès indiscutables des entreprises traditionnelles sont rares, même aux USA.

Quelques démarches permettant d'améliorer cette transition

Pour faciliter le processus de transformation numérique différentes mesures sont envisageables. Elles ont pour but de faciliter cette évolution. Mais elles ne produiront leurs effets que s'il y a un réel engagement du management. Sans la volonté du comité de direction, voir du conseil d'administration, il est probable qu'il ne se passera pas grand-chose :
l  Observer les évolutions du marché. La technologie offre un nombre croissant d’opportunités de business. Il est nécessaire que l'entreprise les détectent le plus rapidement possible et s'assure que cette activité est rentable. Il est pour cela nécessaire d’avoir une attitude ouverte et positive en observant les concurrents directs et indirects, qu'ils soient locaux, internationaux et mondiaux [4]. Les décideurs doivent être très attentifs à toutes les évolutions pouvant survenir dans des domaines voisins. Nous l’avons vu les exemples d'aveuglement sont nombreux dans ce domaine. Un exemple parfait de refus est celle du management de Kodak qui n'a pas cru à la photographie numérique alors que cette technologie avait été inventée dans ses propres laboratoires. De même les entreprises de VPC, nous l'avons déjà évoqué, n'ont pas vu venir le commerce électronique. Une partie d’entre elles ont déjà disparues et les autres souffrent. Autre exemple : les fabricants de téléphone portable n'ont pas compris les smartphones. Ceci a entraîné la quasi-disparition des leaders du marché : BlackBerry, Motorola, Nokia,... La liste des bévues en ce domaine est longue et, probablement, n’est pas close.
l  Gérer les connaissances existantes. Pour réussir dans ces domaines il est nécessaire de trouver les hommes, et les femmes, capables de porter ces projets. Il est ensuite nécessaire de les mettre dans des structures adaptées leur permettant de le développer et d'assurer sa mise en place. Si on les fait travailler dans les structures en place ils risquent d'être étouffés et leur projet va se diluer puis s'étioler.
Ces personnes peuvent venir de l'entreprise mais souvent, faute de candidats de valeur, ils peuvent être externes comme le recrutement, des recherches faites par les chasseurs de tête, le rachat de start-up, l’alliance avec des entreprises ayant le savoir-faire,… Mais, il ne faut pas se le cacher on risque d'avoir du mal à les trouver car la qualification d’expert en transformation numérique, qui, jusqu'alors n'existait pas. Il est sage de commencer par regarder si dans l'entreprise il n'existe pas des personnes intéressées par la transformation numérique et ayant les compétences nécessaires pour mener à bien ce type de projet.
l  Développer les compétences de l'entreprise. La transformation numérique n'est pas l'affaire d'une petite équipe d'experts. Elle concerne toute l'entreprise. Il s'agit de faire évoluer en même temps son organisation et sa culture. Certain affirme que pour y arriver qu'il faut la mettre en mode start-up. La formule est amusante mais elle n'est pas très réaliste. On ne transforme pas une grande entreprise comme un constructeur automobile ou une grande banque en une start-up.
Pour arriver à faire évoluer les mentalités il est nécessaire de développer les compétences internes. Ceci se fait par des actions de formation, des politiques actives de recrutement, la promotion des hommes (et des femmes) porteurs des projets de transformation numérique,… sans oublier l'introduction de "quelques canard sauvage" afin de casser le conformisme des vieilles structures. Il est certain que si on ne dispose pas des personnes capables de porter la mutation numérique l’entreprise aura du mal à évoluer.
l  Gérer le déploiement. Il est toujours difficile de passer d'un prototype à une application utilisée par un très grand nombre d'utilisateurs. Il est pour cela nécessaire de s'assurer qu'elle est conviviale, facile d'emploi et résistante à la charge transactionnelle. Dans un deuxième temps il est possible d'envisager un déploiement mondial. Il est alors nécessaire de le faire fonctionner en plusieurs langues, avoir une facturation spécifique à chaque pays, assurer le paiement en fonction des contraintes propres à chaque pays, tenir compte des réglementations locales, disposer de lieu de stockage de proximité, organiser la livraison, faire la promotion du site, le cas échéant gérer la publicité affichée sur le site, … Il est pour cela souhaitable de mettre en place une mécanique bien huilée avec une approche globalisée. Le succès a un prix.
l  Gérer le changement. La transformation numérique va avoir un impact sur les relations de l’entreprise avec ses clients, ses usagers, ses fournisseurs,… Les habitudes vont changer. Les travaux que le personnel doit effectuer vont être profondément modifiés. Cela va se traduire par une révision des procédures de travail et du contenu des postes de travail. Ceci a deux conséquences importantes : le périmètre traditionnel de l’entreprise va changer et les règles de contrôle interne vont devoir s’adapter à ces changements. La sécurité va devenir un enjeu primordial. C'est déjà une préoccupation actuelle. Mais depuis quelques années les risques augmentent et leur maîtrise vont devenir un enjeu vital.
De manière plus générale on va à assister à un changement profond des systèmes d’information. Ils vont s'appliquer à des domaines qui, jusqu'alors, étaient très éloignés de leur utilisation traditionnelle. Ceci va notamment concerner l’élargissement de la notion de l'entreprise avec la prise en compte d'un écosystème de l’entreprise plus large que celui traditionnellement pris en compte.
l  Contrôler. Parmi toutes les idées de transformation numérique envisagées certaines sont excellentes mais de nombreuses autres n'ont pas beaucoup d'intérêt, voir n'ont aucun avantage ni pour les clients, ni pour les usagers, ni pour l'entreprise. Il est pour cela nécessaire de s’assurer a priori mais aussi a posteriori que ces idées nouvelles sont créatrices de valeur. Souvent, à l'expérience on découvre qu'un grand nombre d’innovations n’apportent rien. Il est pour cela important d’être rigoureux dans l’évaluation de ces idées. Elles doivent, non seulement être rentables mais il faut, de plus, s'assurer que ce sont des projets maitrisables et réalisables dans des délais courts. C'est le rôle fondamental des études amont. Or trop souvent on se lance dans des développements sans avoir effectué cette évaluation. Ceci se traduit inéluctablement par des difficultés et finalement des pertes.

Comme on le voit la transformation numérique repose sur des évolutions importantes des entreprises. Elle nécessite de recourir à des méthodes de travail plus rigoureuses et va les obliger à accepter de donner un rôle plus stratégiques aux informaticiens. On peut dans ces conditions s'interroger sur la capacité des entreprises françaises à effectuer un tel redéploiement ? Rassurons-nous, pour l'instant la situation n'est pas franchement meilleure dans les autres pays d'Europe. Mais est-ce vraiment rassurant ?


[1] - Trop souvent on réduit la culture informatique à la connaissance d’un langage. C’est comme de réduire les mathématiques à la connaissance des tables de multiplication.  
[2] - Le terme étude de faisabilité a de nombreux équivalents : le dossier d'investissement, l’étude d'expression des besoins, l’étude d'opportunité, un business case, l’étude de rentabilité, .... Sous des noms différents on retrouve des démarches et des contenus voisins. 
[3] - La traduction de Facebook en français est trombinoscope. C'est un peu moins glamour. 
[4] - Rien n’est pire, en ce domaine, que le NIH : Not Invented Here.