dimanche 6 décembre 2015

Le rôle vital des comités de pilotage


De nombreux projets sont réalisés sans qu’un comité de pilotage soit mis en place. On trouve encore des responsables qui déclarent : "à quoi cela peut servir ?", "cela ne sert à rien", "c'est une perte de temps", " c’est un truc de consultant voulant augmenter ses honoraires", .... Dans d'autres cas il existe bien un comité de pilotage mais il n'en a que le nom. Il regroupe quelques personnes de bonnes volontés choisies un peu au hasard et qui ne savent pas très bien ce qu'on attend d'eux.
Souvent on considère que les comités de pilotage constituent un luxe dont il serait possible de se passer. Il existe encore des chefs de projet qui affirment qu'il suffit de rencontrer les différentes responsables de l'entreprise afin de les interroger sur leurs besoins. A leur avis c'est largement suffisant pour maîtriser le projet. Les échecs à répétition d’un certain nombre de projets montre que c'est une illusion. En fait l’absence d’un comité de pilotage est une des causes les plus fréquentes des dérives de projets.
L'observation montre que la présence d'un comité de pilotage est un facteur clé de réussite des projets. C'est une bonne pratique connue, malheureusement, elle est trop souvent oubliée. Ainsi, sous prétexte qu'un projet a une petite taille certains considèrent qu’il n'est pas nécessaire de mettre en place un comité de pilotage. Dans d'autres cas, lorsque le projet est trop complexe ou s’il se déroule dans un délai trop court, on décide qu'un comité de pilotage est sans objet. Ceci explique qu'aujourd'hui encore on constate la dérive d’un trop grand nombre projets.

Trop de projets n'ont pas de comité de pilotage

Il est important de comprendre les raisons qui incitent un certain nombre de chefs de projets et de maîtres d'ouvrage à ne pas mettre en place de comité de pilotage. Il est important de comprendre leurs raisons. Elles sont de différents ordres :
       Certains chefs de projets affirment que les comités de pilotage sont inutiles dans leur cas car leur équipe est soudée et ses membres savent parfaitement ce qu'ils doivent faire : "Dans ces conditions il est inutile de mettre en place un comité de pilotage car il n’apportait à rien".
       D'autres pensent que la mise en place d'un comité de pilotage va alourdir et compliquer la gestion des opérations : "Les professionnels doivent assurer leurs responsabilités", "Un comité de pilotage développe la bureaucratie et dilue les responsabilités", "Nos décideurs ne sont pas demandeurs de ce type de réunions", ....
       La préparation d'une réunion du comité de pilotage représente une charge de travail non négligeable et finalement elle retarde les projets : "Il faut préparer des documents, établir une présentation et rédiger un compte-rendu. C'est une charge de travail significative pour un résultat aléatoire ".
       Rien n'est décidé dans le cadre des réunions des comités de pilotage : "Cela commence par une présentation préparée d'avance, puis ensuite chacun cherche à se faire valoir", "Dans ces comités on ne décide jamais rien", "Ce sont des réunions purement formelles",.....
       C'est trop souvent un tribunal chargé de juger le chef de projet : "Je n'ai pas vocation au martyr", "Chez nous on a la mauvaise habitude de tout critiquer", "Dans un comité de pilotage il n'y a personne pour arbitrer entre les informaticiens et les utilisateurs", ....
       Les comités de pilotage sont souvent considérés comme des comités "Théodule" où viennent des personnes car ils n'ont rien de mieux à faire : "ils viennent boire du café ou du jus d'orange et écoutent d'une oreille distraite ce qui se dit", "on envoie au comité de pilotage les second couteaux qui ne peuvent rien décider", "lorsqu'il y a un véritable problème à traiter et qu'il est nécessaire de prendre d'urgence une décision ils rapportent le problème aux vrais décideurs et ensuite ils apportent leur réponse à la prochaine réunion", .....
Toutes ces réticences expliquent le fait que trop souvent des projets importants n'ont pas de comité de pilotage ou, s'il y en a un, il n'a pas la bonne composition et il ne joue pas le rôle qu'il devrait assurer.

Le comité de pilotage n'est pas la cerise sur le gâteau

Trop souvent on présente l'existence du comité de pilotage comme la cerise sur le gâteau. L'image est séduisante mais elle est en grande partie inexacte. Ce n'est pas la cerise sur le gâteau mais le gâteau lui-même. S’il n’y a pas un comité de pilotage performant le projet ne peut que dériver et finalement se diluer. C’est un des facteur clé de succès.
En effet, la réussite d'un projet repose en grande partie sur une coordination efficace entre toutes les parties prenantes concernées et sur une solide maîtrise de l'enchaînement des opérations. Ce sont les deux fonctions clés que doit assurer le comité de pilotage. Si les principales parties prenantes n'ont pas participé aux choix effectués il y a peu de chances qu'elles se reconnaissent dans les solutions adoptées. De plus la coordination entre les différentes parties-prenantes est un point très important. Ainsi, par exemple, une fois que la rédaction des programmes est terminée il est nécessaire que les utilisateurs soient prêts à les tester. Si cela n’a pas prévu et discuté avec les intéressés, le projet ne peut que déraper.
Cependant, le comité de pilotage n'a pas responsable du déroulement du projet. Si les choix techniques sont irréalistes ou si les développements sont réalisés par des personnes peu compétentes, le comité de pilotage a beaucoup de mal à corriger ces erreurs.
Par contre si les spécifications de la future application sont inadaptées ou si les futurs utilisateurs sont aux "abonnés absents" le comité de pilotage peut intervenir et corriger ces errements. Or, on le sait, si certains projets rencontrent ces types de difficultés ils ne peuvent que se traduire par la dérive traditionnelle des projets informatiques qui est de l’ordre de 40 %.
Dans ces conditions l'absence d'un comité de pilotage peut amener à constater ex-post une dérive significative d’un projet. A l'inverse les succès obtenus par les comités de pilotage sont dus à la conjonction de trois facteurs :
       Définir un cadre de référence. Il doit préciser la manière de découper le projet en étapes ou en tâches, d'établir le planning du projet, de calculer la charge nécessaire de développement et de tests, d'estimer le montant du budget de projet, ... ([1])
       Avoir un regard distant sur le projet. Le comité de pilotage a pour rôle de rappeler régulièrement aux maîtrises d’œuvre les objectifs du projet, de détecter d'éventuelles dérives et de réagir rapidement.
       Arbitrer entre des demandes contradictoires. Il est fréquent que les différentes parties prenantes n'ont pas les mêmes attentes et il est nécessaire d'arriver à établir des compromis entre eux.
Ces trois facteurs permettent aux comités de pilotages d'améliorer de manière significative la maitrise du développement des projets.

Les rôles du comité de pilotage

Un comité de pilotage est avant tout un organe de régulation du projet. Il assure simultanément différents rôles :
       Organiser le dialogue entre les différents managers de l'entreprise notamment sur le contenu du futur projet. Ce débat préalable permet d'éviter des déceptions lors de la recette de l'application qui se traduisent par des difficultés de démarrage pouvant aller jusqu'au blocage lors de la mise en œuvre de l’application. La discussion entre tous les décideurs concernés est importante. Pour cette raison il est nécessaire de s'assurer que toutes les parties prenantes se sont complétement exprimés sur le contenu du projet.
       Fixer les objectifs et les orientations du projet. C'est le rôle clé du comité de pilotage. Deux systèmes d'information ayant les mêmes fonctions peuvent avoir une organisation et des résultats très différents selon les priorités qui ont été fixées par le comité de pilotage. Lors de l'étude d'expression des besoins des objectifs et des orientations doivent avoir été déterminés par le maître d'ouvrage. Il est ensuite nécessaire que le comité de pilotage les valide et s'assure que le cahier des charges permet effectivement de les atteindre.
       Effectuer les arbitrages notamment entre la richesse fonctionnelle de la future application, son budget, ses délais et la qualité attendue. C'est un équilibre difficile à trouver car les attentes des différents parties prenantes concernées sont variables et hétérogènes. Les discussions et les négociations se déroulent au sein du comité de pilotage. Le chef de projet et le maître d'ouvrage ont la responsabilité de l'informer de manière complète afin qu'il puisse faire des choix éclairés.
       Valider, arrêter le planning et le budget. Une fois le cahier des charges rédigé le comité de pilotage à la responsabilité de confirmer ces choix. Les nouveaux plannings et budgets du projet à l’issu de ce travail d’analyse fonctionnelle sont souvent assez différents de ceux qui ont été défini à l'origine. C'est un sujet essentiel de discussion au sein du comité de pilotage car il est toujours possible d’envisager de s'y prendre autrement.
       Suivre le projet au cours des différentes étapes. Le comité de pilotage doit s’assurer que tout se passe comme prévu, notamment au cours de l'étape de réalisation. Pour cela on va périodiquement évaluer l’avancement du projet et rapporter cet indice à la charge de travail consommée de façon à détecter d'éventuelles dérives. Il est alors possible de prendre les mesures nécessaires pour les corriger. 
Comme on le voit le comité de pilotage a un rôle d’animation et en même temps une mission de contrôle du projet au sens large du terme. Il doit s'assurer que tout se passe comme prévu et que le résultat de chaque étape est conforme à ce qui est attendu, par exemple que le document appelé "cahier des charges" a un contenu conforme, qu'il est complet et qu'il est bien aligné sur le document de référence antérieur, généralement appelé dossier d'expression des besoins. De même au cours de chaque étape le comité de pilotage doit s’assurer que le travail prévu est effectivement terminé et que la consommation de la charge est conforme à ce qui est prévu.

Le rôle clé du cahier des charges 

Dans ce contexte l'étape d'analyse fonctionnelle débouchant sur le cahier des charges est un moment très importante et le comité de pilotage joue un rôle clé dans l'élaboration et la validation du cahier des charges.
Bien entendu, le comité de pilotage ne va pas rédiger le cahier des charges. Il n’en a pas le temps ni forcement les compétences. Il n'a pas non plus la responsabilité de son établissement. Ce travail incombe aux futurs utilisateurs sous l’autorité de la maîtrise d'ouvrage. Si c'est nécessaire ils se font aider par une assistance à la maîtrise d'ouvrage.
Parfois la maîtrise d'œuvre (l'équipe informatique) assure ce travail mais il risque d’être ensuite contesté lors de la mise en place de l’application.
De manière plus générale le comité de pilotage a la responsabilité de s'assurer que ces opérations se sont déroulés normalement, conformément à ce qui était prévu.
Le comité de pilotage n'a pas la possibilité d’effectuer la validation détaillée du cahier des charges. Ses membres n'ont ni la compétence ni le temps de le faire. Par contre il a la responsabilité de s'assurer qu'il y a bien eu une validation, que les corrections nécessaires ont été effectuées et que toutes les parties prenantes ont bien été consultées. En cas de doute il peut nommer un groupe de travail chargé de valider le document et de lui rendre compte. Dans ce cas, il faut le savoir, le projet perd un à deux mois, parfois plus, par rapport au planning initial.
Soyons précis, le comité de pilotage a la responsabilité de s'assurer qu'il y a bien eu une double validation, fonctionnelle et technique, qu'elle a été faite par les personnes concernées et qu'un nouveau budget et un nouveau planning alignés sur ceux établis à l'origine. De plus il doit vérifier que toutes les parties concernées ont effectivement participé à la validation. Si ce contrôle n'est pas effectué il arrive qu'on s'aperçoit ensuite, en cours de réalisation, voir lors des tests, que des fonctions importantes ont été oubliées ou que le budget prévu est nettement insuffisant.

Le rôle particulier du comité de pilotage dans le suivi des opérations

Durant les phases de conception du projet mais surtout au cours de l'étape de réalisation et de tests le comité de pilotage a la responsabilité de s'assurer que le planning et le budget du projet sont respectés. Pour cette raison un tableau de bord du projet doit être régulièrement établi dont ses membres sont les principaux destinataires. Généralement il est établi tous les mois par le chef de projet ou l’assistance à la maitrise d’ouvrage. Il permet de suivre un certain nombre d'indicateurs concernant :
       L'avancement du projet,
       La charge de travail consommée,
       Le planning constaté par rapport au planning prévu,
       Les dépenses engagées et constatées,
       Différents ratios de productivité et d'efficacité.
Le tableau de bord permet de rapprocher les valeurs actuelles de ces différents indicateurs et les valeurs objectifs ou prévues.
Par contre le comité de pilotage ne va pas se réunir pas tous les mois pour analyser le tableau de bord du projet. Normalement il se réunit aux moments clés du projet comme à la fin d'une étape ou au début de l'étape suivante. S'il se réunit tous les mois il est possible que ce ne soit pas un vrai comité de pilotage mais plutôt un comité d'avancement chargé de suivre les opérations et de prendre les décisions correctives nécessaires. S'il se réunit périodiquement ce n'est plus un comité de pilotage mais un comité chargé de l'avancement suivant le détail des opérations.
Cependant le comité de pilotage n'a pas à se substituer au chef de projet ni d’essayer de diriger le projet à sa place les opérations. Au contraire, son rôle est de le renforcer et de l'aider à mener à bien sa mission.
A défaut de tableau de bord il est utile de communiquer a minima aux membres du comité de pilotage chaque mois le planning et le relevé des dépenses effectuées au titre du projet. Il est important que ces documents soient transmis aux intéressés accompagnés d'une courte note d'explication. Il n'est, par contre, pas utile de réunir le comité de pilotage pour commenter ces chiffres car tout décideur expérimenté sait les lire. Par contre en cas de dérive significative, de défaillance d'un fournisseur important ou si on constate que la solution technique envisagée ne donne pas les résultats attendus, le président du comité de pilotage peut prendre l’initiative de réunir en urgence.

Le comité de pilotage n'est pas un groupe de travail parmi d’autres

Comme nous venons de le voir trop souvent on confond le comité de pilotage avec d'autres instances concourant au projet comme :
       Le comité projet ou le comité d'avancement. Il se réunit tous les mois dans les premiers jours du mois pour faire le point sur le projet et régler les différents problèmes qui peuvent survenir. Il est chargé de mesurer l’avancement du projet. Il comprend les principaux responsables de l’équipe de réalisation (la maitrise d’œuvre) et des représentants de la maîtrise d’ouvrage ([2]).
       Un groupe de validation. Il est constitué à la fin de l'étape d'analyse fonctionnelle afin de s'assurer que le cahier des charges est complet et qu'il est conforme aux demandes figurant dans le document d'expression des besoins. S'il trouve des absences ou des incohérences il demande à l'équipe projet de corriger ou de compléter le cahier des charges.
       Un groupe d'information. Il a pour but d'informer sur le contenu du projet toutes les personnes intéressées. Viennent à ses réunions toutes les personnes qui le souhaitent. C'est une réunion ouverte. Ces réunions se tiennent deux ou trois fois au cours de l'étape de l'analyse fonctionnelle puis ensuite une ou deux fois au moment des tests.
       Un groupe de travail. Il regroupe quelques personnes concernées par l'étude d'un point particulier ou pour effectuer un travail spécifique comme de recenser tous les écrans qu'il sera nécessaire de développer ou de rédiger un ou plusieurs chapitres du cahier des charges. Par contre l’idée de faire dessiner par un groupe de travail tous les écrans risque d'entraîner des dérives importantes dans le temps car cela représente une importante charge de travail. Il est préférable de faire faire ce travail par des professionnels puis de faire valider le résultat par un groupe de travail.
       Une réunion de l'équipe de développement. C'est une instance très utile pour informer et motiver les développeurs. Le but de ces séances est de leur rappeler les objectifs du projet, de faire le point sur l'avancement des opérations, de leur signaler les difficultés rencontrées, de leur présenter les solutions adoptées, d’analyser les causes des retards constatés sur le planning d'origine, ...et surtout de rappeler à chacun l’importance de son rôle.
Ces différentes instances ont leur utilité et leur rôle mais elles ne doivent pas être confondues avec le comité de pilotage qui est un organe tout à fait spécifique car son rôle est de garantir l’évolution régulière du projet.

Nécessité d'avoir dans le comité de pilotage des décideurs de bon niveau

La composition du comité de pilotage est un point très important à examiner. Pour être efficace ce doit être un groupe de taille limitée ne comprenant que des décideurs ([3]). Ils doivent être choisis en fonction de leur intérêt particulier pour le projet. Généralement ils sont directement concernés par la mise en œuvre de la future application, et ils veulent s'assurer de ses orientations et de l'avancement du projet.
Le chef de projet et le maître d'ouvrage participent au comité de pilotage. Leur rôle est de décrire l'avancement du projet, les résultats obtenus, les difficultés rencontrées, ... Pour cette raison ils n’est pas souhaitable qu’ils dirigent pas les débats. C'est, normalement, le rôle du président du comité de pilotage. Généralement on choisis pour assurer ce rôle le décideur le plus directement concerné par le projet. On peut aussi choisir une personne ayant déjà eu à gérer des projets complexes du même type.
Parfois on nomme le chef de projet où le maître d'ouvrage président du comité de pilotage. Ce n'est pas une solution conseillée car, dans ce cas, cette personne est à la fois juge et partie. Lorsqu'un problème délicat survient ils risquent de ne pas avoir une attitude neutre à l'écoute de l'ensemble des parties prenantes.
De même, comme nous l'avons vu, il n'est pas nécessaire que toute l'équipe informatique participe au comité de pilotage. Ils ont souvent le sentiment de perdre leur temps car leurs préoccupations sont assez loin des discussions entre les autres membres du comité de pilotage. Ils sont plus intéressés de participer à un comité projet ou un comité d'avancement. De même il n’est pas indispensable de faire venir les chefs d'équipe de la maitrise d’œuvre au comité de pilotage sauf s'ils sont directement concernés par un des points de l'ordre du jour ([4]).
Autre point important : le comité de pilotage n'est pas un tribunal chargé de juger le chef de projet. Ce n'est pas non plus un face à face entre les informaticiens et les utilisateurs. C'est au contraire un lieu de discussion, de recherche de solutions en vue de l'établissement de compromis entre des visions et des approches différentes.
On a parfois tendance à faire du comité de pilotage un organe où toutes les départements de l'entreprise sont représentés de façon à en faire une sorte une assemblée générale. Cela risque de faire beaucoup de monde autour de la table alors seuls quelques personnes sont directement concernés. Dans ces conditions les débats sont chaotiques et il devient difficile de faire prendre des décisions. Les comités efficaces ont en général une taille réduite.  
Cas pratique. Une entreprise du secteur de l'industrie lourde décide de lancer un projet informatique permettant d'améliorer la coordination et le suivi des commandes clients entre les différents départements. Son budget est de 5 millions d’euros. Le comité de pilotage comprend cinq personnes :
       Le directeur commercial,
       Le directeur de production,
       Le directeur informatique,
       Le maître d'ouvrage,
       Le chef de projet.
Ce sont tous des décideurs. Le président du comité de pilotage est le directeur de production car il est responsable de l'équipe de planification de la production qui aura ensuite la responsabilité d’assurer le fonctionnement courant de la future application.
On notera que généralement le directeur général n'est pas membre du comité de pilotage. Ce n'est pas nécessaire. Cependant, dans certains cas sa présence peut être utile notamment si on estime que des décisions délicates doivent être prises au cours du projet.

Le rôle clé du président du comité de pilotage

Le choix du président du comité de pilotage est une décision importante. Si on choisit une personne trop autoritaire on risque de subir des tensions et des conflits. Au contraire si c'est une personne trop laxiste le projet risque de s'enliser. Le président idéal doit être une personne patiente et raisonnable.
Son rôle principale est d'animer les réunions du comité de pilotage. Il doit notamment veiller à ce que toutes les parties prenantes puissent s’exprimer. En cas de difficulté il doit s'efforcer de trouver des compromis acceptables par toutes les parties prennantes.
Le président du comité de pilotage peut être amené à prendre des décisions comme :
       Nommer le chef de projet. La nomination du chef de projet par le président du comité de pilotage est un moyen efficace permettant de développer une relation de confiance entre eux. Cependant ce n'est pas toujours le cas car il peut avoir été nommé avant que soit désigné les membres du comité de pilotage. Le président du comité de pilotage peut aussi être amener à remplacer le chef de projet. C’est une situation plus délicate.
       Valider les notes de cadrage ou le PMP, Plan de Management de Projet. Ces documents définissent le fonctionnement d'une étape à venir ou de l'ensemble du projet et notamment la répartition des tâches entre les différents intervenants. L'existence de ces documents est pour le comité de pilotage l’assurance d’une meilleure maîtrise du projet ([5]).
       Valider le principe de la sous - traitance d'une partie ou de l'intégralité du projet. Il peut arriver que face à des difficultés notamment des retards constatés par rapport au planning initial le président du comité de pilotage décide qu'il est nécessaire de sous-traiter une partie du projet ([6]).
       Convoquer le comité de pilotage en urgence. En cas d'incident grave risquant de mettre en difficulté le projet il peut décider qu'il est nécessaire de faire le point et, le cas échéant prendre des décisions. 
       .....
Comme on le voit le choix du président du comité de pilotage est une décision importante et elle a une forte influence sur la maîtrise du projet.


Pour avoir une gestion de projet efficace il est d’abord nécessaire d'avoir une démarche fiable et éprouvée et ensuite de la confier à un chef de projet efficace et compétent. Le comité de pilotage n'est pas là pour dicter au chef de projet la méthode de gestion de projet ni à lui imposer la manière de gérer le projet. De même il n'a pas à se substituer à un chef de projet insuffisant. Par contre il a la responsabilité de détecter les fragilités de la méthode employée ou les limites des compétences du chef de projet.



[1] - Ce cadre de référence peut être une simple note de cadrage, un plan de management de projet (PMP) ou un plan d’assurance qualité (PAQ). Ce peut aussi être une méthodologie de gestion de projet mais dans ce cas on reste au niveau des principes et il manque dans ce document les modalités pratiques du projet.
[2] -  La composition du comité d’avancement et du comité de pilotage est très différente. Généralement le comité de pilotage ne comprend pas tous les membres de l'équipe projet mais seulement le chef de projet et si c'est nécessaire, un ou deux collaborateurs pour l'assister. Le participants du comité de pilotage sont pour l’essentiel des décideurs des différents métiers concernés par le projet.
[3] - Un décideur est une personne ayant de larges responsabilités. Selon une jolie formule on dit : "qu'il a charge d'âmes".  
[4] - Il faut prendre garde au fait que leur présence peut être interprétée par les autres membres du comité de pilotage comme la volonté de « faire la salle » pour inverser le rapport de force.
[5] - Dans certains cas il existe un Plan d’Assurance Qualité (PAQ). Dans ce cas le comité de pilotage a la responsabilité de valider ce document et de s’assurer de son application effective.
[6] - Par contre le choix du ou des prestataires relève de la maitrise d’œuvre sous le contrôle de la maîtrise d’ouvrage.

mardi 8 septembre 2015

Quelques réflexions à propos de la transformation numérique

Le terme de la transformation numérique est à la mode. Toutes les grandes entreprises et une partie croissante des moyennes entreprises ont nommé des CDO, Chef Digital Officer. Le terme est ambitieux. Mais, quel est réellement leur rôle ? Est-ce que sont des organisateurs, des stratèges, des responsables marketing ou des informaticiens d'un nouveau type.
Le terme de transformation numérique tend à être l'utilisé tout propos. Est-ce du marketing ? Ou la gestion des grandes bases de données ? Ou une nouvelle approche de la stratégie ? Ou une redéfinition de l’organisation ? Pour s'y retrouver il est nécessaire de clarifier ce que ce terme recouvre. 

Les différentes approches de la transformation numérique  

Lorsqu'on compare les nombreuses déclarations concernant la transformation numérique on constate que tout le monde ne parle pas toujours de la même chose. Globalement on peut identifier trois approches différentes :
l  L'amélioration des relations avec les clients. Il est aujourd'hui possible de suivre chaque internaute pour ensuite lui faire des offres personnalisées adaptées à ses attentes. On peut aussi suivre les comportements de chaque client afin de le relancer au moment opportun. Grâce à des bases de données de très grande taille (Big Data) il est possible de suivre les comportements et les attentes d'un très grand nombre de clients et de prospects pour leur faire des offres originales et adaptées. Cette approche correspond à la volonté de sortir du traditionnel marketing de masse pour aller vers un marketing mieux ciblé. Dans ce cas la transformation numérique consiste à imaginer et développer des outils de CRM et de Big Data.
l  La création de nouveaux produits ou de nouveaux services. Grâce à Internet et à des centres de traitements puissants il est possible d'imaginer de nouvelles applications proposant des services nouveaux. Ceci permet de bouleverser la chaîne classique de conception, de réalisation et de production de produits industriels. On peut ainsi passer de l'idée d'un produit nouveau ou d'un service original à un système opérationnel. L'outil informatique est au cœur de cette révolution. On assiste ainsi à la multiplication de nouveaux services comme la billetterie, la réservation hôtelière, les appels de taxis, .... Tous ces services ont comme point commun de changer les relations du client à l'entreprise. Cela se traduit par un nouveau positionnement stratégique des entreprises de ces différents secteurs. Celles qui auront une réponse trop tardive ou inadéquate risquent de se trouver marginaliser et peuvent voir s'évaporer une partie significative de leur chiffre d'affaires. Ainsi un grand nombre d'entreprises de VPC ont été victimes des nouveaux venus du commerce électronique. De nombreux secteurs ont ainsi été déstabilisés comme les agences de voyages, les taxis, la presse, la Poste, les éditeurs de musique,… 
l  L'évolution de l'organisation de l'entreprise. L'emploi des nouvelles technologies à pour effet de modifier l'organisation des entreprises. Ainsi la généralisation de la messagerie a rendu obsolète dans les entreprises les hiérarchies intermédiaires. En quelques années le nombre de niveaux hiérarchiques est passé de cinq à trois. Les transformations concernent aussi d'autres domaines comme la production, la logistique ou la distribution. La généralisation de l'informatique à tous les postes de travail et le recours massif à Internet et le développement du Cloud Computing sont en train de définir une nouvelle organisation. Ce mouvement n'est pas nouveau. Il a commencé il y a plus de cinquante ans. Depuis quelques années on constate que ce phénomène tend à s'accélérer.
Nous assistons donc à une série de mutations profondes qui sont en train de modifier les procédures, les structures et les stratégies des entreprises. L’ensemble de ces changements sont regroupés sous le terme de transformation numérique. Les entreprises n'ont pas choisi ces mutations, elles y ont été contraintes. En fait, elles sont forcées de s'y adapter.

Trois problèmes importants

La mise en œuvre de la transformation numérique soulève de nombreux problèmes. Parmi ceux-ci trois sont particulièrement importants :
l  La capacité des entreprises à saisir les opportunités. Aujourd'hui tous les dirigeants pensent à Uber et craignent qu'à leur tour leur entreprise va être "uberiser". Mais ce n'est pas le premier raz - de – marée survenu dans ce domaine. Avant Uber il y a eu Naspter qui a ruiné les majors du disque, Amazon qui a déstabilisé le monde de l'édition et de la librairie puis a attaqué le monde de la distribution, Google News et son journal a accru la crise de la presse, Wikipédia a fait disparaître les éditeurs d'encyclopédie, et actuellement Airbnb commence à déstabiliser l'hôtellerie après qu'elle ait subi les chocs de TripAdvisor, de Booking, d'Hotel.com, de Tivago, d'Expedia,... Il est certain que la liste des secteurs qui ont été perturbés par l'irruption du numérique est loin d’être close.
Mais ces changements ne sont pas uniquement porteur de menaces mais aussi d’importantes opportunités. Le succès de Google, d'Amazon, de Facebook, d'Apple, .... montre le potentiel de développement de l’économie du numérique. Cependant, on constate que les entreprises traditionnelles éprouvent une certaine difficulté à saisir ces opportunités. Si on analyse les opérations de ce type lancées par les entreprises du CAC 40 on s’aperçoit que moins de 10 ont lancé des opérations de transformation numériques qui fonctionnent réellement et donnent des résultats. De plus, à ce jour aucune n'a annoncé un succès pattant dans ce domaine. Quand aux trois - quart des autres entreprises ils parlent ou annoncent des plans très ambitieux mais il y a peu de chance qu’elles se réalisent.
·       Le rôle des informaticiens dans le processus de la transformation numérique . Les transformations numériques reposent en grande partie sur l'emploi massifs d'outils informatique : matériels, logiciels, système de communication,.... Mais curieusement on voit peu d'informaticiens dans le cadre des opérations de transformation numérique. Dans ces conditions quel est le rôle dévolu aux informaticiens ? L'informatique serait-elle une chose trop sérieuse pour la confier aux seuls informaticiens ? Mais, il faut être raisonnable, peut-on serieusement faire de l'informatique sans informaticien ?
Mais à l'inverse on peut s'interroger sur la capacité des DSI à prendre en charge des opérations de transformation numérique ? On peut être un développeur de logiciels compétent et efficace et ne pas être capable d'imaginer un nouveau service où définir une nouvelle organisation. Il est probable qu'en formant ses collaborateurs et en recourant à la sous-traitance les DSI finiront par acquérir les compétences nécessaires. Mais est-ce qu'elles ont pour autant un positionnement adaptés ? Pour s'en convaincre il suffit de constater le faible nombre d'informaticiens se trouvant parmi les CDO.
De manière plus générale on note qu'à peine la moitié des responsables de DSI sont membre du Comité de Direction de leur entreprise. Cela veut dire qu'une majorité des responsables informatiques sont positionnés comme des responsables techniques et non comme des managers et des décideurs. Dans ces conditions il semble difficile qu'ils puisse jouer un rôle dans la définition de ces nouvelles stratégies. D'une manière plus générale si un certain nombre de métiers comme la finance et la comptabilité ont de bonnes relations avec la DSI de nombreux métiers et notamment la fonction commerciale et le marketing ont de médiocres relations, voir aucune relation, avec la DSI.
·       L’importance des savoirs et des savoir-faire. Face aux mutations majeures apportées par la transformation numérique on s'interroge si les hommes, et les femmes, de terrain sont capables de prendre en charge ces changements. Deux obstacles freinent cette évolution :
o   L’inculture informatique de la majorité des décideurs (pour ne pas dire de la quasi-totalité). Comme ils savent utiliser leur messagerie, se débrouillent avec Word et Excel et connaissent quelques fonctions de base de leur smartphone ils pensent connaître l’informatique. Est-ce que ces maigres connaissances sont suffisantes pour comprendre la mutation en cours ? N'ayant pas les concepts de base de l'informatique et des systèmes d'information ils ne peuvent que rester dubitatif devant tous ces changements.
o   Le flou des responsabilités en matière de transformation numérique. Qui doit avoir l’initiative de lancer de nouveaux produits ou de nouveaux services ? A priori ce sont les responsables de marketing mais sauf exception ils ont une vision assez limité de l’informatique pour ne pas dire un certain rejet. C'est de l’illettrisme informatique. Dans ce contexte dominé par l'ignorance comment peuvent-ils se développer les idées qui feront le chiffre d'affaires de demain.  
Or la mutation en cours nécessite de recourir à des connaissances informatiques avancées concernant les réseaux, les techniques de codage de l’information, les bases de données, la gestion de serveurs, la conception de dispositifs de sécurité efficaces,… [1]. Le succès de la transformation numérique repose sur le mariage de deux cultures : l’anticipation des besoins des clients ou des usagers et une solide culture technique. On peut avoir des craintes sérieuses sur ces deux points.

Une évolution qui risque d'être chaotique

Dans ces conditions la transformation numérique des entreprises risque d’être une opération assez délicate à mettre en œuvre faute d’avoir en interne des connaissances informatiques nécessaires, une faible capacité à lire les évolutions du marché, notamment pour décoder ce que font les concurrents, une imagination incertaine pour créer de nouveaux produits et de nouveaux services, … Cela fait beaucoup d’interrogations. Examinons ces différents points particuliers :
l   Disposer en interne les compétences informatiques nécessaires. Pour réussir des projets de transformation numérique il est nécessaire de disposer de professionnels de bon niveau capables d'imaginer ces nouveaux systèmes. Il est pour cela nécessaire qu'ils aient une bonne culture informatique notamment dans le domaine des technologies Internet et des outils de développement adaptés à cet environnement. Il est bien entendu toujours possible de faire appel aux compétences des sociétés de services mais faut-il encore être capable de leur dire ce qu'il faut faire. Faute d'avoir en interne les compétences nécessaires le sous-traitant risque de devenir une sorte de maîtrise d'ouvrage auto-proclamée. Le résultat risque d'être assez surprenant.
l   La capacité d'observation et de compréhension du marché. Les évolutions sont très rapides. Elles peuvent venir de loin. Elles ne viennent pas forcément d'acteurs reconnus mais des nouveaux venus : c'est "l'invasion de nouveaux barbares". Très souvent ces initiatives ont lieu à l'étranger, généralement aux USA mais aussi parfois d'europe. Pour détecter ces signaux faibles il faut avoir une vue persante et surtout être capable de les décoder. Souvent c'est un produit ou un service différents de l'activité principale de l'entreprise mais qui risque de l'impacter.
Cette activité est voisine de la veille stratégique avec une dimension technologique importante et une bonne dose d'imagination. Elle doit amener à la rédaction d'une étude de faisabilité [2] qui amorce le processus de gestion du projet. 
l  La connaissance et l'anticipation du comportement des concurrents. Sur un marché donné il est nécessaire de connaitre et de décoder les stratégies des différents concurrents présents, mais aussi celles des partenaires, des fournisseurs, des distributeurs ... L'arrivée de nouvelles technologies se traduit souvent par des changements des rôles des différents intervenants. Certaines activités sont dèsintermédiées comme la vente de billets d'avions faites directement par les compagnies aériennes alors que d'autres sont réintermèdiées comme Uber-Pop avec des automobilistes qui deviennent chauffeurs de taxi occasionnels. C’est aussi le cas de ces "soldeurs" chargés de liquider les fins de séries qui se sont inventés le nom de « ventes privées sur Internet ». Les « rossignols » de fond de boutique ont ainsi eu une seconde jeunesse.
On assiste ainsi à une série de changements de positionnement des entreprises. Certaines sont des opportunités tandis que d'autres sont des menaces qui peuvent en quelques mois bouleverser un marché qui jusque-là paraissait stable. On pense, bien sûr à Uber et les taxis, mais il y a aussi eBay et Le Bon Coin qui ont raflé le marché des petites annonces locales et mis en péril la presse gratuite et de manière générale les quotidiens. Il existe de nombreuses exemples comme l’arrivée des smartphones qui ont déstabilisé l'industrie des appareils photographiques ou celui des GPS et des logiciels de cartographie qui a rendu obsolète la petite industrie des cartes routières. Ces exemples vont se multiplier dans les années à venir.
l   La capacité à imaginer et à mettre en scène de nouveaux produits et de nouveaux services. C'est un des facteurs clés déterminant le succès d'une offre. Qui aurait imaginé en 2004 le succès planétaire de Facebook ? Ce n'est pourtant qu'un trombinoscope [3] avec quelques fonctions amusantes. La notion de réseau social est née de ce raz - de - marée. Pourtant des applications de ce type existaient avant Mark Zuckerberg. De nombreuses associations d'anciens élèves d'école avaient créé des annuaires en ligne mais aucun n'avait atteint 1,5 milliard de membres. Le succès est basé sur une bonne idée mais aussi sur un savoir-faire et une capacité à le faire savoir afin d'attirer le chaland qui cherche des contacts sur Internet. De même Google n'a pas été le premier moteur de recherche. Avant lui il y a eu Lycos, Altavista, Ask, Yahoo !, MSN Search, Voilà, .... Google s'est imposé grâce à sa facilité de mise en œuvre et grâce à la pertinence de ses réponses.
Comme on le voit le succès de la transformation numérique n'est pas le fait du hasard mais le résultat d'un subtil dosage de pertinence, de qualité et d'audace. Toutes les grandes et les moyennes entreprises peuvent réussir leur transformation numérique mais, il faut bien le reconnaître, actuellement, les succès indiscutables des entreprises traditionnelles sont rares, même aux USA.

Quelques démarches permettant d'améliorer cette transition

Pour faciliter le processus de transformation numérique différentes mesures sont envisageables. Elles ont pour but de faciliter cette évolution. Mais elles ne produiront leurs effets que s'il y a un réel engagement du management. Sans la volonté du comité de direction, voir du conseil d'administration, il est probable qu'il ne se passera pas grand-chose :
l  Observer les évolutions du marché. La technologie offre un nombre croissant d’opportunités de business. Il est nécessaire que l'entreprise les détectent le plus rapidement possible et s'assure que cette activité est rentable. Il est pour cela nécessaire d’avoir une attitude ouverte et positive en observant les concurrents directs et indirects, qu'ils soient locaux, internationaux et mondiaux [4]. Les décideurs doivent être très attentifs à toutes les évolutions pouvant survenir dans des domaines voisins. Nous l’avons vu les exemples d'aveuglement sont nombreux dans ce domaine. Un exemple parfait de refus est celle du management de Kodak qui n'a pas cru à la photographie numérique alors que cette technologie avait été inventée dans ses propres laboratoires. De même les entreprises de VPC, nous l'avons déjà évoqué, n'ont pas vu venir le commerce électronique. Une partie d’entre elles ont déjà disparues et les autres souffrent. Autre exemple : les fabricants de téléphone portable n'ont pas compris les smartphones. Ceci a entraîné la quasi-disparition des leaders du marché : BlackBerry, Motorola, Nokia,... La liste des bévues en ce domaine est longue et, probablement, n’est pas close.
l  Gérer les connaissances existantes. Pour réussir dans ces domaines il est nécessaire de trouver les hommes, et les femmes, capables de porter ces projets. Il est ensuite nécessaire de les mettre dans des structures adaptées leur permettant de le développer et d'assurer sa mise en place. Si on les fait travailler dans les structures en place ils risquent d'être étouffés et leur projet va se diluer puis s'étioler.
Ces personnes peuvent venir de l'entreprise mais souvent, faute de candidats de valeur, ils peuvent être externes comme le recrutement, des recherches faites par les chasseurs de tête, le rachat de start-up, l’alliance avec des entreprises ayant le savoir-faire,… Mais, il ne faut pas se le cacher on risque d'avoir du mal à les trouver car la qualification d’expert en transformation numérique, qui, jusqu'alors n'existait pas. Il est sage de commencer par regarder si dans l'entreprise il n'existe pas des personnes intéressées par la transformation numérique et ayant les compétences nécessaires pour mener à bien ce type de projet.
l  Développer les compétences de l'entreprise. La transformation numérique n'est pas l'affaire d'une petite équipe d'experts. Elle concerne toute l'entreprise. Il s'agit de faire évoluer en même temps son organisation et sa culture. Certain affirme que pour y arriver qu'il faut la mettre en mode start-up. La formule est amusante mais elle n'est pas très réaliste. On ne transforme pas une grande entreprise comme un constructeur automobile ou une grande banque en une start-up.
Pour arriver à faire évoluer les mentalités il est nécessaire de développer les compétences internes. Ceci se fait par des actions de formation, des politiques actives de recrutement, la promotion des hommes (et des femmes) porteurs des projets de transformation numérique,… sans oublier l'introduction de "quelques canard sauvage" afin de casser le conformisme des vieilles structures. Il est certain que si on ne dispose pas des personnes capables de porter la mutation numérique l’entreprise aura du mal à évoluer.
l  Gérer le déploiement. Il est toujours difficile de passer d'un prototype à une application utilisée par un très grand nombre d'utilisateurs. Il est pour cela nécessaire de s'assurer qu'elle est conviviale, facile d'emploi et résistante à la charge transactionnelle. Dans un deuxième temps il est possible d'envisager un déploiement mondial. Il est alors nécessaire de le faire fonctionner en plusieurs langues, avoir une facturation spécifique à chaque pays, assurer le paiement en fonction des contraintes propres à chaque pays, tenir compte des réglementations locales, disposer de lieu de stockage de proximité, organiser la livraison, faire la promotion du site, le cas échéant gérer la publicité affichée sur le site, … Il est pour cela souhaitable de mettre en place une mécanique bien huilée avec une approche globalisée. Le succès a un prix.
l  Gérer le changement. La transformation numérique va avoir un impact sur les relations de l’entreprise avec ses clients, ses usagers, ses fournisseurs,… Les habitudes vont changer. Les travaux que le personnel doit effectuer vont être profondément modifiés. Cela va se traduire par une révision des procédures de travail et du contenu des postes de travail. Ceci a deux conséquences importantes : le périmètre traditionnel de l’entreprise va changer et les règles de contrôle interne vont devoir s’adapter à ces changements. La sécurité va devenir un enjeu primordial. C'est déjà une préoccupation actuelle. Mais depuis quelques années les risques augmentent et leur maîtrise vont devenir un enjeu vital.
De manière plus générale on va à assister à un changement profond des systèmes d’information. Ils vont s'appliquer à des domaines qui, jusqu'alors, étaient très éloignés de leur utilisation traditionnelle. Ceci va notamment concerner l’élargissement de la notion de l'entreprise avec la prise en compte d'un écosystème de l’entreprise plus large que celui traditionnellement pris en compte.
l  Contrôler. Parmi toutes les idées de transformation numérique envisagées certaines sont excellentes mais de nombreuses autres n'ont pas beaucoup d'intérêt, voir n'ont aucun avantage ni pour les clients, ni pour les usagers, ni pour l'entreprise. Il est pour cela nécessaire de s’assurer a priori mais aussi a posteriori que ces idées nouvelles sont créatrices de valeur. Souvent, à l'expérience on découvre qu'un grand nombre d’innovations n’apportent rien. Il est pour cela important d’être rigoureux dans l’évaluation de ces idées. Elles doivent, non seulement être rentables mais il faut, de plus, s'assurer que ce sont des projets maitrisables et réalisables dans des délais courts. C'est le rôle fondamental des études amont. Or trop souvent on se lance dans des développements sans avoir effectué cette évaluation. Ceci se traduit inéluctablement par des difficultés et finalement des pertes.

Comme on le voit la transformation numérique repose sur des évolutions importantes des entreprises. Elle nécessite de recourir à des méthodes de travail plus rigoureuses et va les obliger à accepter de donner un rôle plus stratégiques aux informaticiens. On peut dans ces conditions s'interroger sur la capacité des entreprises françaises à effectuer un tel redéploiement ? Rassurons-nous, pour l'instant la situation n'est pas franchement meilleure dans les autres pays d'Europe. Mais est-ce vraiment rassurant ?


[1] - Trop souvent on réduit la culture informatique à la connaissance d’un langage. C’est comme de réduire les mathématiques à la connaissance des tables de multiplication.  
[2] - Le terme étude de faisabilité a de nombreux équivalents : le dossier d'investissement, l’étude d'expression des besoins, l’étude d'opportunité, un business case, l’étude de rentabilité, .... Sous des noms différents on retrouve des démarches et des contenus voisins. 
[3] - La traduction de Facebook en français est trombinoscope. C'est un peu moins glamour. 
[4] - Rien n’est pire, en ce domaine, que le NIH : Not Invented Here.

mardi 23 juin 2015

Et avec ça Docteur, vous croyez qu’on sera sauvé ?

Parfois on rencontre des rapprochements de dates curieux. Le 18 Juin 2015 Manuel Valls, Axelle Lemaire et Emanuel Macron ont présenté la "Stratégie Numérique du Gouvernement" à l'occasion de la remise du rapport du CNNum établi à la suite de la "grande concertation sur le numérique" lancé à l'automne dernier. Le rapport porte le nom de "l’Ambition Numérique" ([1]). Annoncé le 18 Juin, 75 ans après le discours de Londres on pouvait s'attendre à de grandes ambitions du type "On a perdu une bataille mais on n'a pas perdu la guerre". Comme on va le voir il y a une certaine distance entre les grandes ambitions annoncées et les mesures effectivement proposées.

La situation de la France n'est pas brillante

Comme nous l'avons vu récemment, (voir le message du mercredi 10 juin 2015 sur ce blog : "Le classement informatique du World Economic Forum 2015 : La France perd une place" ) la France est à la traîne du classement des pays développés en matière de numérique, d’Internet et de TIC. Elle se trouve en 26ème position en compagnie de la Belgique, de l'Irlande, du Portugal et de Malte, loin derrière la Grande-Bretagne et l'Allemagne et à une année-lumière de deux champions exæquo : Singapour et de la Finlande.
A l'origine du rapport « Ambition Numérique » il y a la demande du 1er Ministre de lancer une grande consultation pour faire prendre conscience du retard français en ce domaine et demander aux personnes compétentes et avisées les mesures à prendre. C'est indiscutablement une bonne idée.

Un rapport bien sous tous rapport

L'affaire a été confiée au CNNum qui venait d'être renouvelé et doté d'un nouveau dirigeant : Benoît Thieulin. Ils ont organisés à travers toute la France 70 ateliers sur les sujets les plus divers. 1.300 personnes ont participé à ces séances. Le site Web de l'opération a reçu 17.678 contributions. 
Cela s'est traduit par un rapport de 398 pages abordant de nombreux sujets concernant le numérique. Le rapport "Ambition Numérique" est disponible en ligne en format PDF. 
Il se compose de quatre grandes parties appelés volets dotées de titres ronflants  :
       « Loyauté et liberté dans un espace numérique en commun »
       « Vers une nouvelle conception de l’action publique : ouverture, innovation, participation »
       « Mettre en mouvement la croissance française : vers une économie de l'innovation »
       « Solidarité, équité, émancipation : enjeux d'une société numérique »
Chaque partie, après une courte présentation du domaine, détail un certain nombre de propositions. Au total il y en a 70.
Couverture du rapport Ambition Numérique
Pour résumer le contenu de ces domaines le mieux est de citer in extenso leur présentation pages 26 et 27 du rapport :
       "Le premier volet, intitulé “Loyauté et liberté dans un espace numérique en commun” veut fixer un cadre juridique pour assurer les droits individuels et collectifs des consommateurs et des citoyens dans la société numérique. Les relations des acteurs numériques entre eux et avec les utilisateurs doivent être régulées afin d’assurer la constitution d’un environnement loyal et ouvert et de garantir le respect des droits humains dans le monde numérique. La gouvernance d’Internet doit sortir de sa technicité pour devenir un objet politique à part entière".
       "Le deuxième volet, intitulé “Vers une nouvelle conception de l’action publique : ouverture, innovation, participation” insiste sur la nécessité pour la puissance publique de mettre à profit le numérique pour repenser ses missions et ses modes d’intervention, en promouvant une culture de l’innovation ouverte et en renouvelant la conception des politiques et des services publics".
       "Le troisième volet, intitulé “Mettre en avant la croissance française : vers une économie de l’innovation” a pour objectif de promouvoir une économie audacieuse et créative qui permette d’augmenter la compétitivité des acteurs numériques français. Il s’agit donc de soutenir le tissu numérique français en facilitant le financement de l’innovation, en élaborant une véritable stratégie industrielle française relative au numérique ainsi qu’en menant une politique d’attractivité à différentes échelles. "
       "Le quatrième volet, intitulé “Solidarité, équité, émancipation : enjeux d’une société numérique”, s’engage à repenser les champs fondamentaux du vivre ensemble - santé, éducation, citoyenneté, communs - tout en esquissant les premiers contours de chantiers auxquels il nous faudra collectivement nous confronter dans les années à venir - travail, justice, nouveaux modèles de protection sociale…à l’heure du numérique."
Comme on le voit le domaine couvert est vaste. Mais est-ce que les 70 mesures proposées permettrons de combler le retard français constaté année après année par le World Economic Forum ?

La traduction gouvernementale du rapport « Ambition Numérique »

Il est probable que le gouvernement, un peu perdu dans les 398 pages du rapport et ses 70 propositions, a choisi de présenter un document court de 28 pages appelé "Stratégie Numérique du Gouvernement". Il est consultable en cliquant ici.  C'est une liseuse où, lorsqu'on tourne les pages on droit à un joli « slurp » du plus bel effet. Il est aussi possible de télécharger le texte en format PDF
Curieusement ce document de stratégie commence par un : "Edito du Premier Ministre". Voilà Manuel Valls devenu rédacteur en chef ! En quelques lignes il définit la stratégie du gouvernement en matière de numérique et, plus généralement, dans le domaine des TIC :
"Cette stratégie vise à faire de la France une République numérique, fondée sur 4 piliers :
       la Liberté d’innover : nous devons libérer tout le potentiel du numérique pour lui permettre de jouer pleinement son rôle de moteur de la croissance ;
       l’Égalité des droits, pour protéger encore davantage les citoyens et leurs données personnelles ;
       la Fraternité d’un numérique accessible à tous les Français, quels que soient leur âge, leur lieu de vie, leurs revenus ;
       l’Exemplarité d’un État qui se modernise en accomplissant la transformation numérique de son administration pour un meilleur service au public."
Liberté, Égalité et Fraternité. ... Cela rappelle quelque chose. Quelle drôle d'idée ! On est pas loin de « Aux armes citoyens ». Comme si la République était menacée ! Surement une idée d’une agence de communication car tout le monde connaît la devise de la République ! Après tout , peu importe, c’est de l’emballage, ce qui compte c'est la liste des mesures qui seront prises.

Couverture du plan : Stratégie Numérique du Gouvernement
Un plan en 14 mesures

Au-delà de ces curieuses formulations le gouvernement présente 14 mesures :
"1 - Soutenir la montée en puissance et l’ouverture à l’international de la « French Tech »
2 - Promouvoir une économie de la donnée en créant la notion de données d’intérêt général
3 - Créer une véritable alliance autour de l’innovation ouverte en encourageant la coopération
entre entreprises traditionnelles et startups
4 - Organiser la transition numérique des TPE-PME
5 - Favoriser une science ouverte par la libre diffusion des publications et des données de
la recherche
6 - Sud(s) et Numérique(s) : accompagner la révolution technologique dans les pays du Sud
7 - Plan de transition numérique dans le bâtiment : promouvoir la « maquette numérique »
8 - Réguler les plateformes pour protéger les utilisateurs sans brider l’innovation
9 - Renforcer la médiation numérique pour accompagner son usage par les particuliers
10 - Déployer le plan numérique pour l’éducation
11 - Développer les « startups d’État » pour produire du service public autrement
12 - Déployer le plan médecine du futur
13 - Ouvrir l’« Emploi Store », un bouquet de services pour les demandeurs d’emploi
14 - Lancer la « Grande École du Numérique"

Quelques commentaires s’imposent

Pour les apprécier quelques mots de commentaire :
1.      Soutenir la montée en puissance et l’ouverture à l’international de la « French Tech ». Il s'agit de renforcer le dispositif d'aide aux startups en renforçant la présence d'une Agence du numérique chargée de les aider par une présence accrue à l’international.
2.      Promouvoir une économie de la donnée en créant la notion de données d’intérêt général. L'objectif de cette mesure est de renforcer l'Open Data en prouvant des "données d'intérêt général" en incitant les acteurs publics et privés à mettre ces informations en commun tout en garantissant la confidentialité. Ce sont des objectifs un peu contradictoire : une bien curieuse gymnastique.
3.      Créer une véritable alliance autour de l’innovation ouverte en encourageant la coopération entre entreprises traditionnelles et startups. Le gouvernement veut inciter à la coopération entre les grands groupes et les PME dynamiques en garantissant l'application de bonnes pratiques. Cette idée est intéressante, faut-il encore s'assurer que les acteurs concernés sont effectivement intéressés et sont prêts à jouer le jeu.
4.      Organiser la transition numérique des TPE-PME. C'est un vrai problème même si l'enjeu économique est faible. Par contre la solution proposée est dérisoire : "élaborer  un cahier des charges pour que les acteurs du numérique développent des produits numériques adaptés aux besoins des TPE-PME et des PME". Ce n’est pas très sérieux.
5.      Favoriser une science ouverte par la libre diffusion des publications et des données de la recherche. Il s'agit de mettre aux chercheurs de publier sur le Web des articles sans passer par le contrôle d'un comité de lecture. Il existe aux USA le site SSRN, Social Science Research Network, avec un stock de plus de 600.000 articles. On peut faire le "French Research Network". Mais ce n'est rien par rapport à Scholar Google. Peut-on encore lui faire concurrence ?
6.      Sud(s) et Numérique(s) : accompagner la révolution technologique dans les pays du Sud. L'idée d'aider les pays en voie de développement est excellente. Faudrait il encore que nous soyons en avance ! Malheureusement nous ne sommes que 26ème, pas loin de pays du Sud.
7.      Plan de transition numérique dans le bâtiment : promouvoir la « maquette numérique ». C'est une excellente idée mais, on le sait bien le secteur de la construction n'est pas parmi les plus dynamiques. Un comité de pilotage a été mis en place avec un organisme technique en appui. Espérons que cela marche et donne des résultats.
8.      Réguler les plateformes pour protéger les utilisateurs sans brider l’innovation. Il est nécessaire d'adapter la législation sur la protection des consommateurs dans l’environnement Internet et de renforcer l'action de la Direction de la Concurrence. C’est bien mais ses effets se manifestent à long terme.
9.      Renforcer la médiation numérique pour accompagner son usage par les particuliers. La médiation numérique consiste avoir 10.000 lieux ouverts à tous les publics où les enfants et les personnes âgées trouveront des jeunes gens compétents et disponibles. Une partie de ces lieux existent. Mais quel sera leur impact ?
10.   Déployer le plan numérique pour l’éducation. Ce programme d'un milliard d'euros sur trois ans a déjà été annoncé. Dès la rentrée 2015 on a annoncé que 200 collèges et 340 écoles seront équipées ou rééquipées. Les professeurs seront formées de façon à les aider à transformer leurs pratiques pédagogiques. Ce n'est que le nième plan d'informatisation de l’Education Nationale. Espérons qu’il produira des effets positifs.
11.   Développer les « startups d’État » pour produire du service public autrement. Comme il est très difficile de développer des applications originales dans le cadre de l'administration des petites équipes, rattachées au Secrétariat Général à la Modernisation, seront chargées de ces développements. Une approche intéressante.
12.   Déployer le plan médecine du futur. Dans le cadre des 34 plans de la Nouvelle France Industrielle 3 plans concernent la santé. Le but est d'offrir une médecine personnalisée dans le cadre des soins quotidiens. Un comité de pilotage est chargé d'élaborer une feuille de route. A voir.
13.   Ouvrir l’« Emploi Store », un bouquet de services pour les demandeurs d’emploi. Il s'agit de quatre plateformes gérées par Pôle Emploi de façon à aider les chômeurs à choisir un métier et trouver un emploi. Intéressant mais est-ce que cela sera suffisant pour diminuer le taux de chômage ?
14.   Lancer la « Grande École du Numérique". Il ne s'agit pas d'une grande école capable de former les 3.000 à 4.000 informaticiens du niveau ingénieur Bac + 5 par an qui manquent mais de lancer 50 centres de formation orientées vers des jeunes sans formation. C'est la généralisation de l'initiative de Xavier Noël de l'école 42 qui forme déjà 800 jeunes par an sur une durée de trois ans. C’est bien mais c’est loin d’être suffisant.
Tout cela est intéressant mais est-ce que cela va permettre un développement rapide du numérique et plus généralement des TIC ?

Est-ce que cela sera suffisant ?

Une stratégie est un ensemble de mesures permettant de mobiliser les ressources et les compétences autour de quelques grandes orientations. Pour qu'une stratégie soit efficace il est de bonne pratique de commencer par un audit mettant en avant les points forts, les points faibles, les menaces et les opportunités. Il permet de dégager les objectifs. Les mesures permettent de lancer les actions sont ensuite choisies pour leur effet d'entraînement.
Manifestement on n'a pas procédé de cette façon. Manuel Valls a demandé au CNNum un rapport concernant un vaste domaine basé sur une large consultation. Parmi les nombreuses propositions 14 ont été choisies. On peut dans ces conditions se demander si ces 14 mesures auront l'effet mobilisateur attendu et entraîneront le processus de développement espère ? On peut en douter. En effet ce sont de nombreuses petites mesures. Aucune n'est suffisamment parlante pour mobiliser l'opinion publique ni même celles des professionnelles concernées.
Il est probable que le choix de ces mesures est le résultat du processus de travail adopté. Cette consultation nationale a été une sorte de gigantesque boîte à idées. Sont sorties de cette gigantesque collecte les mesures qu'un certain nombre de gens pouvaient accepter ou du moins celles n'entraînant pas trop de réaction d'hostilité.
Si César avait demandé l'avis de tous les centurions et de tous les soldats de l'armée romaine il est probable qu'il n'aurait jamais conquis la Gaule. En effet une stratégie est une construction intellectuelle permettant d'agir pour faire changer la situation. Elle exprime la vision du commandement. Dans le cas de la guerre l'objectif est de vaincre l'ennemi. Dans le cas d'une entreprise l'objectif est de gagner des parts de marché. Dans celui d'une situation comme celle de la France qui a la volonté de corriger son retard en matière numérique et d'une manière plus générale sa faiblesse dans le domaine des TIC il s'agit de corriger les points faibles, et ils sont nombreux, en se basant sur les points forts, qui, hélas, sont peu nombreux.
Or cette construction n'a pas pu être. En effet il manque dans la démarche un diagnostic préalable solide. Faute de cette base on a ramassé quelques mesures qui étaient déjà dans le "pipeline", on l'a complète par quelques annonces sympathiques, on l'a emballé d'un terme qui ne veut rien dire : "la république numérique" et on a ajouté un ruban avec la devise : « liberté, égalité, fraternité ». C'est un peu léger.
A l'automne une loi sur le numérique va permettre de concrétiser cette stratégie. Elle sera consultable sur un site Web dès la fin du mois de juin et sur ce site de simples citoyens comme vous et moi pourront donner leur avis et même proposer des amendements. Je sens que sur le front du numérique l’été sera chaud. 





[1] - Pour la petite histoire cette présentation a eu lieu à la Gaieté Lyrique, le palais de l'opérette. Elle n’a pas eu lieu en souvenir de Jacques Offenbach et de la Belle Hélène mais tout simplement parce que cette salle est devenue un centre culturel dédié aux arts numériques depuis 2011.