Ce texte est la suite de ma réflexion sur l'impact du télétravail : "Plus rien ne sera comme avant"
La plupart des entreprises sont passés au télétravail pendant les deux confinements pour toute ou partie de leur activité. Selon les estimations cela a concerné entre 8 et 11 millions de personnes soit entre 29 % et 40 % des salariés. Ce chiffre est très nettement supérieur aux seuls cadres qui représentent 17 % des salariés. Pour comprendre l’importance de ce phénomène il faut se rappeler qu’avant le Covid 19 les télétravailleurs qui travaillaient à distance 3, 4 ou 5 jours par semaine sont de l’ordre de 1 % du total des salariés. Il est vrai qu’a cela s’ajoutait 6 % des salariés travaillaient 1 ou 2 jours par semaine chez eux. Au total cela faisait 7 %. On est passé en quelques jours à 35 %. C’est un changement considérable qui va profondément impacter l’organisation traditionnelle des entreprises et des administrations.
Est-ce un
événement exceptionnel lié à une crise unique dans notre histoire et qui ne se
reproduira plus où bien est-ce une mutation fondamentale qui va profondément modifier
l’organisation des entreprises ?
Le grand basculement du 17 Mars
Pendant
longtemps les dirigeants d’entreprise français se sont méfiés du télétravail.
Ils craignaient que les tire-au-flanc en profiteraient pour se « rouler
les pouces ». Ils redoutaient en particulier une chute de la productivité
et une dégradation de la qualité du travail. De plus, de nombreux dirigeants aimaient
bien passer de temps à autre dans les bureaux et constater que les salariés sont
effectivement au travail. Bien entendu dans les grandes entreprises ayant de
nombreux établissements ils ne voyaient qu’exceptionnellement les personnes qui
travaillaient hors du siège. Or, les personnes en télétravail échappent ainsi à
« l’œil du maître ». C’était « le monde d’avant ».
Le
17 mars il a fallu, contraint et forcé, basculer dans un nouveau monde. En
moins de 24 heures il a été nécessaire de s’organiser pour continuer à
travailler et on a demandé à une grande du personnel de rester chez eux et de
travailler à distance. Ces annonces ont été un véritable choc. Cependant, dans un
grand nombre d’entreprises, il y avait eu au préalable une répétition avec les
grèves des transports de décembre 2019 et de janvier 2020. Elles avaient alors distribué
des portables à leurs salariés qui n’en avaient pas encore afin qu’ils puissent
se connecter de chez eux aux serveurs de l’entreprise grâce à la box Internet
familiale.
Et
le plus étonnant, c’est que dans l’ensemble, les entreprises ont continué de
fonctionner. Bien entendu, il y a eu quelques loupés mais globalement les
entreprises ont continué de travailler comme d’habitude. Selon les sondages
entre 62 % et 73 % des salariés ayant pratiqués le télétravail ont été satisfaits
de cette expérience à tel point qu’un certain nombre d’entreprises ont décidé de
continuer de télétravailler après le mois de juin. Quand le 2ème
confinement a été décidé elles ont pu repasser en télétravail sans difficulté. Mieux
des grandes et des moyennes entreprises ont décidé de généraliser le
télétravail à une partie de ses salariés. Le cas le plus spectaculaire est
celui de PSA qui a décidé de mettre en télétravail 40.000 personnes sur 200.000.
Cela concerne les fonctions de support mais aussi l’ingénierie. Aux USA il y a
eu quelques annonces spectaculaires : Google, Facebook, Twitter, Apple,
Amazon, ... Mais derrière il y a toutes les autres entreprises selon une étude
menée par la NABE (National Association for Business Economics) 80 % des
entreprises américaines comptent maintenir le télétravail quand la crise du
Covid sera terminée. Il est probable qu’il en sera de même en France. La
récente signature d’un nouvel accord national interprofessionnel (ANI) sur le
télétravail entre les syndicats patronaux et de salariés montre bien le sens de
l’évolution.
Cependant
tout n’est pas parfait dans le télétravail. Il y a des avantages indiscutables
mais aussi des difficultés. Les facteurs favorables :
-
La gestion de l’emploi du temps. Le
salarié n’est plus tenu au respect des horaires de bureau classique 8 h-12 h, 14
h-16 h. Il peut commencer plus tôt ou finir plus tard. Le télétravail permet
une plus grande souplesse dans la gestion de l’emploi du temps de chacun.
Chacun est libre d’adapter son emploi du temps à condition que le soir le
travail prévu soit terminé.
-
L’auto-organisation. Le télétravail
permet à chacun de s’organiser comme il le souhaite à condition de maintenir le
lien avec les autres collaborateurs qui travaillent en amont ou en aval de lui.
Bien sûr un certain nombre de personnes n’ont pas la capacité d’organiser leur
travail. Dans ce cas ils doivent suivre le modèle d’organisation préconisé par
leurs encadrants.
-
L’amélioration des processus. Dans la
plupart des entreprises la répartition des tâches et leur enchainement se fait
par tradition. Cette organisation a été revue il y a quelques années lors de la
mise en place des applications informatique. Le télétravail est une bonne occasion
pour que les entreprises réévaluent leurs procédures et les améliorent pour les
rendre plus souples et plus efficaces.
-
Le développement de la polyvalence. Une
des conditions de l’amélioration des processus est de développer la polyvalence
des salariés. Il faut que les salariés puissent, en cas de surcharge, appeler certains
de leurs collègues à la rescousse de façon à éviter d’allonger les délais de
traitement de leurs dossiers. Aujourd’hui les outils informatiques et
l’amélioration des niveaux de qualification du personnel le permet.
-
La réduction des coûts des sièges et
notamment ceux liés à l’immobilier. Les mètres carrés des centres-villes ou
des grandes zones de bureaux pèsent sur les comptes des entreprises. Les
open-spaces ont permis de réduire ces dépenses mais il serait souhaitable d’aller
au-delà.
-
Eviter 1 à 2 heures de transport par jour.
Ceci concerne d’abord les grandes métropoles mais aussi, dans une moindre
mesure les villes moyennes qui connaissent des embouteillages le matin et le
soir et des transports en commun bondés. C’est une perte de temps sans compter
l’accroissement de la pollution par les gaz d’échappement.
-
La diminution de l’absentéisme de convenance.
Ceci concerne notamment la garde des enfants en cas de maladie ou pour s’en
occuper le Mercredi. Mais ceci peut aussi concerner une course urgente. Le
télétravail permet de faciliter la vie des salariés sans perturber le
fonctionnement de l’entreprise.
Face
à ces avantages il existe un certain nombre de facteurs négatifs en défaveur du
télétravail :
-
Les risques liés à l’isolement. La
personne travaillant seule dans son appartement ou dans sa maison ne voit
personne toute la journée. En cas de difficulté elle est très vite submergée et
ne sait comment résoudre ses problèmes. Pire, en ne rencontrant personne toute
la journée elle finit par se désocialiser. Le télétravail comporte des risques
psychologiques dus à l’isolement ([1]).
-
La perte de l’esprit d’équipe. A force de
rester seule et de devoir faire face seule à de nombreux problèmes la personne s’éloigne
de son équipe et finit par perdre tout contact avec l’entreprise. Ceci renforce
sa tendance à l’individualisme. A la fin, ils risquent de prendre des décisions
sans tenir compte des enjeux et des objectifs de l’entreprise.
-
L’encadrement des jeunes et des nouveaux
embauchés. Ces personnes ne connaissent pas l’entreprise, notamment ses
règles et ses manières de travailler. C’est particulièrement le cas des jeunes
sortant d’une école ou de l’université. Laissé seul chez eux ils risquent de
perdre du temps et finissent par désespérer car ils ont le sentiment de ne pas
arriver à réaliser leur travail.
-
Les salariés sont sur-sollicités. On peut
les appeler à tout moment et les obliger à travailler, y compris le soir, le
week-end et même pendant leurs vacances. Il n’y a plus de respect de la vie
privée et cela peut finir par perturber la vie de la famille et se traduit par des
tensions, voire des drames.
-
La surexploitation des salariés. Ils
deviennent « taillables et corvéables à merci ». Ceci se traduit par
un allongement déraisonnable de la journée de travail et le temps consacré à la
vie familiale en est réduit d’autant, voire il finit par rogner sur les temps
de repos nécessaire.
-
Le cas particulier des femmes. Cette
situation est particulièrement grave dans leur cas car elles ont très souvent une
double journée de travail. Avec le télétravail elles doivent passer sans
interruption de l’activité professionnelle et leurs activités privées. Elles
finissent par se mélanger et au bout d’un certain temps elles ne savent plus
elles en sont.
-
Le manque de place dans les logements.
Les personnes qui habitent dans une maison n’ont pas de problème pour trouver
une place pour installer un bureau. Par contre dans les appartements de
centre-ville, souvent très exigus, il est impossible de trouver la place
nécessaire pour installer un bureau et s’isoler pour travailler.
-
Difficultés pour les organisations de
représentation des salariés. L’éloignement des personnes rend difficile leur
mobilisation. Cela risque d’affaiblir encore les syndicats et fragiliser les négociations
sociales. Il va leur être nécessaire de trouver de nouvelles manières d’agir.
-
La perte de productivité. Les personnes,
mal encadrées et laissées à elles-mêmes vont perdre leur efficacité. C’est la
grande crainte du management des entreprises. Comme ils n’ont plus leurs
collaborateurs sous leurs yeux ils ont peur de ne pas pouvoir contrôler ce
qu’ils font.
-
La dégradation de la qualité. C’est
l’autre grande crainte du management. L’absence de l’encadrement ou le fait
qu’il est à distance font que les contrôles sont plus lâches et des
non-qualités peuvent survenir.
-
L’embouteillage de dossiers en instance. Ceci
risque de se traduire par l’allongement des délais. Bien entendu, chacun essaie
de traiter la pile d’opérations qui s’accumulent devant lui et, comme chacun est
seul chez lui, personne ne peut venir à leur secours pour éviter l’accumulation
des opérations en attente. Tout ceci se traduit par des délais de traitement
croissants.
-
Le non-respect de la confidentialité des
informations. Le télétravail se traduit par le fait que des informations
vitales sortent des locaux de l’entreprise. Elles peuvent être consultées par
des personnes indiscrètes au domicile des salariés et surtout dans les espaces
de coworking. Il est aussi possible qu’en pénétrant dans le réseau les
communications entre les PC et les serveurs de l’entreprise soient piratées.
-
L’archivage local. C’est un autre risque
important car les domiciles sont moins surveillés que locaux des entreprises.
Rares sont les particuliers ayant des systèmes de détection des intrusions, des
serrures de sureté, des armoires de sécurisées et des coffres-forts. Dans ces
conditions il est quasiment impossible de garantir la sécurité des documents
confidentielles et les informations nominatives qu’ils détiennent.
Comme
on le voit la liste des « contre » est nettement plus longue que
celle des « pour » car on est dans un monde très conservateur et de
nombreuses personnes craignent les changements que risquent de provoquer le
télétravail, surtout si ceux-ci ont des conséquences importantes. Ceci explique
en grande partie le fait qu’en France 50 ans après l’invention du concept par
Jack Nilles seulement 1 % des personnes font du télétravail la majorité de leur
temps de travail et que 6 % le font de 1 à 3 jours par semaine.
En
vérité la plupart des arguments contre le télétravail se règlent par des
mesures d’organisation et surtout par des outils permis par les progrès technologiques.
C’est le cœur de la transformation numérique.
Quatre
mesures, parmi de nombreuses autres, permettent d’apprécier ces
possibilités :
-
L’utilisation systématique d’un VPN,
Virtual Private Network. En cryptant les échanges il permet d’assurer la
confidentialité des communications entre les PC se trouvant à distance et les
serveurs de l’entreprise.
-
L’amélioration de la sécurité des postes de
travail. De grands progrès ont été faits ces dernières années pour
renforcer la sécurité des PC : la double authentification, la clé USB, le
cryptage des bases de données, ….
-
Le bureau sans papier. A partir du moment
où toute la documentation et toutes les informations nécessaires sont
accessibles en ligne il est possible d’effectuer toutes les opérations souhaitées
sans émettre de documents papier pouvant ensuite être volés.
-
L’utilisation de logiciel de workflow. Il
est ainsi possible de suivre le flux des opérations permet de détecter les
goulets d’étranglement et de renforcer, si c’est nécessaire, les effectifs pour
mieux maîtriser les délais.
-
La vidéo-conférence. Les confinements ont
permis de découvrir les possibilités de ces logiciels. Pendant longtemps ils
servaient à échanger avec sa famille et ses amis. Depuis on a découvert qu’ils
évident de longs déplacements et permettant de réduire la durée de ces
réunions.
Cependant
l’impact du télétravail est très différent d’une fonction de l’entreprise à
l’autre et aussi selon son secteur d’activité. Les métiers qui interviennent
sur le produit, comme la construction de voiture, ou certains métiers qui se
font en présence des clients comme la coupe de cheveux, sont peu ou pas
concernés par le télétravail. Il est évident que les coiffeurs ne vont pas
couper les cheveux par Internet !
Cependant
il ne faudrait pas en conclure que tous les services doivent se faire en
présentiels. En effet de nombreux services peuvent être rendus en télétravail
comme :
-
L’assistance à la vente. Le vendeur et le
prospect sont à distance en visio-conférence. Le vendeur présente le produit ou
le service qu’il souhaite vendre et répond aux questions du prospect. La vente
proprement dite peut se faire ensuite par échange de mail et authentifiée grâce
à une signature électronique.
-
L’assistance technique. Le client a souvent
besoin d’aide. Il se connecte au site du fournisseur où un assistant lui donne
des conseils adaptés. Cela peut se faire par une messagerie synchrone, par
téléphone, en vocal sur ordinateur ou en visio-conférence. Cette dernière solution
permet de voir le produit ou le service et facilite les explications.
-
La réparation à distance. Si le système
peut se connecter à un PC ou à un smartphone il est possible de prendre son
contrôle à distance, d’effectuer des tests et, le cas échéant de prendre la
main à distance et de changer des paramètres ou de télécharger des logiciels.
-
…
De
même un grand nombre de fonctions de l’entreprise sont directement concernées
par le télétravail :
-
La comptabilité et la gestion. Toutes les
opérations de contrôle des données, d’enregistrement, de traitement, de
contrôle et d’analyse des résultats peuvent être effectuées en télétravail. De
même les opérations d’encaissement et de paiement peuvent être faits à
distance. De plus en plus de paiements se font par carte de crédit à distance. Cela
fait de nombreuses années que les grandes entreprises ont regroupé les
différents services comptables dans des plateformes traitant toutes les
opérations de l’ensemble de leurs filiales et de leurs établissements. C’est
une forme de télétravail. S’ils effectuent leur travail de leur domicile ou
d’un lieu de coworking cela devient du télétravail.
-
La gestion de dossiers, d’affaires et de
projets. La gestion de toutes ces opérations peut se faire en en
télétravail. Le développement des vidéo-conférences permet d’éviter des
déplacements coûteux et consommateur de temps. La planification des opérations
et leur suivi peut être considérablement améliorées par des outils adaptés. Il
est, par exemple, possible de relancer à tout moment les personnes responsables
de tâches qui sont en retard.
-
Les achats et les approvisionnements. Les
appels d’offre et le choix des fournisseurs peut être effectué en télétravail.
La négociation peut être faits en vidéo-conférences. Par contre l’examen des
produits ou la visite des fournisseurs ne peuvent pas être effectué en
télétravail. De même la plus grande part du travail d’approvisionnement, y
compris la fixation des quantités à commander peut-être réalisés en télétravail,
par contre le contrôle physique des réceptions et des stocks doivent
impérativement effectués sur place.
-
L’administration des ventes. Cela
comprend de nombreux travaux de prise de commandes, de traitement des retours,
de gestion des comptes clients, l’analyse des ventes, … Ce travail peut sans
difficultés être effectuées en télétravail.
-
L’établissement des propositions commerciales
De même une bonne partie des opérations d’avant-vente, peuvent être effectués
en télétravail. Une partie de la négociation peut être fait en
vidéo-conférence. Par contre il est actuellement difficile d’imaginer que tout
le processus se fasse à distance. Ce n’est pas une contrainte technique ou
commerciale mais un fait culturel.
-
La paie et une partie des activités des
ressources humaines. Il s’agit de gérer le fichier des salariés, de saisir
les heures supplémentaires, les primes, … Ceci se peut être réalisé en
télétravail. De même il est possible d’effectuer à distance les diverses
déclarations demandées par le fisc, les URSSAF, Pôle emploi, … Il est aussi possible
de gérer les actions de formation et de plus en plus d’actions de formation se
font en visio-conférence.
-
Le juridique. De nombreux travaux juridiques
peuvent se faire en télétravail notamment l’établissement des contrats et la
confection de dossiers de contentieux. Il est aussi possible de faire des
recherches de jurisprudence car les lois, décrets et la plupart des décisions
judicaires sont en ligne.
-
La recherche et développement. Une grande
partie des travaux de conception, d’ingénierie et des études peuvent être
effectués en télétravail. C’est en particulier le cas du travail des bureaux
d’étude. Par contre les travaux de laboratoire, la fabrication des maquettes et
des prototypes, les tests et les essais doivent, bien entendu, se faire en
présentiel. Mais la rédaction des rapports peut être effectué en télétravail.
-
Les études d’industrialisation. Une fois
que le prototype est validé il faut définir la manière dont il va être produit.
Ce travail est souvent réalisé par des bureaux d’étude spécifiques. Une partie
de ce travail peut être réalisé en télétravail mais une partie doit être faite
sur place dans les ateliers.
-
Les études informatiques. Le travail de
programmation et de tests peut se faire en télétravail. Il est aussi possible
d’effectuer une grande partie de la conception en télétravail. Bien entendu le
concepteur a besoin de rencontrer les futurs utilisateurs, recueillir leurs
besoins et leurs attentes, assister à l’utilisation de l’application
actuellement opérationnelle. Si une partie peut se faire en vidéo-conférence une
autre partie doit se faire en présentiel.
-
La gestion de l’exploitation. Elle peut
se faire à distance à condition que l’exploitation ai été, au préalable,
largement automatisée. De même la gestion du réseau peut être géré en
télétravail.
-
L’assistance aux utilisateurs. Elle est
très souvent assurée par une « hot-line » et, fréquement, les
opérateurs sont en télétravail. Par contre, en cas de panne matériel, les
utilisateurs en télétravail doivent ramener leur PC ou leur imprimante au
service technique. Par contre le travail de l’atelier et de réparation sur site
se fait en présentiel.
-
Le marketing. Ce travail de réflexion sur
les clients et les produits peut se faire sans problème en télétravail,
notamment les traitements statistiques et le Big Data, l’établissement des
cahiers des charges, ... Par contre les opérations de promotion et de
démonstration ne peuvent être effectués qu’en présentiel.
-
La publicité. Dans la plupart des
entreprises la conception et la réalisation sont sous-traitées à des agences de
communication. Le service interne de publicité sont des donneurs d’ordre et des
pilotes des opérations de promotion. Ce travail peut se faire en télétravail.
-
La vente assise. Traditionnellement la
vente se fait au comptoir mais souvent le client prend contact avec son
fournisseur par téléphone ou par mail. Cela concerne surtout la vente aux
entreprises mais elle peut aussi concerner des particuliers. Ce travail peut se
faire en télétravail sauf, bien sûr, la ventes au comptoir.
-
L’établissement des devis et des propositions
commerciales. C’est un travail délicat et les personnes qui les établissent
ont besoin de calme et surtout ils ne doivent pas être sans cesse interrompues.
C’est l’exemple d’activité qu’il est recommandé de faire en télétravail.
-
L’assistance aux clients. Les clients ont
souvent besoin d’être aidés pour mieux utiliser les produits et les services
fournis. Les plateformes de hotlines peuvent être décentralisés et faites par
des salariés en télétravail comme on peut le faire pour l’assistance aux
utilisateurs de l’informatique.
-
…
Comme on le voit de très nombreuses activités peuvent se faire en télétravail. On notera qu’un certain nombre de ces tâches peuvent en tout ou en partie être sous-traités. Cela ne veut pas dire qu’elles le seront effectivement mais cela montre que ces différentes activités peuvent être effectuées en dehors des locaux de l’entreprise.
Un certain nombre de fonctions ne sont pas concernées
Par
contre certaines fonctions notamment celles qui sont liées à la production et à
la vente ne peuvent pas être effectués en télétravail :
-
Les fonctions de direction :
direction générale, direction commerciale, direction de la production, … Il est
difficile d’imaginer des directeurs ayant la charge d’une partie importante de
l’activité de l’entreprise ne soient pas physiquement présent dans
l’entreprise. Mais, à terme, qui sait ?
-
La vente dans des magasins, au comptoir ou
dans des show-rooms. Rien ne replacera la présence des vendeurs et des
employés de libre-service. Il est possible que certaines tâches soient
remplacées par des automates comme c’est déjà le cas des caissières mais il
restera encore de nombreuses années des vendeurs.
-
La vente chez le client. De même pour un
certain nombre de produits ou de services le vendeur, l’ingénieur
technico-commercial ou le responsable d’avant-vente doit se rendre physiquement
chez le client pour évaluer ses besoins, lui présenter les solutions qu’il envisage
et lui faire une offre. Si celle-ci nécessite un travail d’analyse et de
chiffrage il peut par contre être fait en télétravail.
-
L’activité de production industrielle et les
services associés. Il n’est pas envisageable de produire des voitures ou des
télévisions ([2])
en télétravail. Des usines et des ateliers existerons encore pendant longtemps.
Cependant il existe des activités de production qui peuvent être faites à
domicile comme dans l’habillement, la fabrication de chaussures, la production
de pièces mécaniques, …
-
La gestion de la production. Le pilotage
et le contrôle de la production sont liés à l’activité de production et ces
opérations se font sur place. Seul quelques opérations peuvent être fait en
télétravail comme le reporting périodique de l’activité de production.
-
Le contrôle qualité. Ces contrôles sont
effectués au cours du cycle de production ou en fin de traitement. Différentes
mesures et des tests sont effectués par des contrôleurs. Ils doivent être
présents dans les ateliers.
-
Les méthodes. Il est nécessaire
d’analyser la manière dont les opérations de production sont organisées. Ce
travail repose sur l’analyse des tâches et leur enchainement. Pour l’essentiel ce
travail se fait dans les ateliers. Cependant quelques travaux ponctuels peuvent
être effectués en télétravail.
-
La fabrication des outillages. Cette
activité est directement liée à la production. Elle consiste à fabriquer ou à
adapter des outils utilisés pour prendre en charge une nouvelle fabrication ou
pour améliorer un process existant. Ce travail est fait par le personnel de
l’entreprise qui intervient sur l’outil de production. Il est fait, pour
l’essentiel, dans les ateliers de l’entreprise.
-
Le planning – ordonnancement - lancement.
Cette fonction est directement liée à la production. Elle consiste à créer des
ordres de fabrication, de fixer quand et dans quel ordre ils doivent être mis
en production, de suivre l’avancement des opérations, de connaître les encours
et finalement de s’assurer que les délais de livraison prévus seront respectés.
Ce travail est fait en présentiel.
-
La comptabilité analytique. Une partie du
travail consiste à collecter les informations de bases comme les sorties de
stocks, les temps travaillés, la charge machine, … Ce travail ne peut que se
faire sur place et il est en grande partie effectué par le personnel de
production. Par contre les contrôles des données, les calculs et le reporting
peut se faire en télétravail.
-
La gestion des stocks et notamment les inventaires
périodiques. Ce sont des opérations physiques effectuées dans les magasins
et dans les ateliers. Ce travail ne peut se faire qu’en présentiel.
-
L’entretien des équipements et du matériel
roulant (la maintenance). Ce travail se fait uniquement dans les ateliers
et dans les garages en présentiel. Par contre la planification et la
préparation des interventions peut, pour partie, se faire en télétravail.
-
La réalisation des maquettes et de
prototypes, les tests et les essais. Ces activités faisant partie de la recherche
et développement se font dans des ateliers spécifiques et des laboratoires.
Elles se font en présentiels.
-
La gestion des ressources humaines. Les
activités en lien direct avec les collaborateurs se font en présentiels comme,
par exemple, les entretiens d’embauche, d’évaluation ou préalable à un
licenciement ne peuvent pas se faire de manière efficace en vidéo-conférence
mais il est possible que les habitudes puissent, à terme, évoluer. Ces actions
se font encore en présentiel.
-
Les déménagements internes. Dans les
grandes entreprises et aussi dans les moyennes on déplace souvent des matériels,
des bureaux, des archives, ... Par nature ce travail est fait en présentiel.
-
La gestion des matériels informatique. Il
nécessaire d’installer des PC ([3]),
des imprimantes, des serveurs, des routeurs, des réseaux, … Il est aussi
fréquent de déplacer ou de remplacer des équipements. Le personnel chargé de
ces tâches à l’obligation de travailler sur place.
-
La maintenance des matériels informatique et
des réseaux. Une partie de ces opérations peuvent être effectués à distance
notamment le traitement des incidents système et la gestion des paramétrages
d’application mais une grande partie des interventions de maintenance doivent
se faire sur place ou en atelier.
-
La gestion des locaux. Il est nécessaire
que du personnel intervienne sur place pour nettoyer, chauffer et assurer la
sécurité des établissements de l’entreprise : siège sociales, usines,
magasins, … Toutes ces opérations se font en présentiel. De plus des travaux
d’entretien ou d’aménagement doivent de temps à autre être effectués.
-
La fourniture de services aux clients. Un
grand nombre d’entreprises vendent des services et souvent des services liés
aux produits. Une grande partie de ces services sont fournis sur place chez les
clients en présentiel. Mais de plus en plus d’opérations peuvent être effectuées
à distance et dans ces cas le personnel peut intervenir en télétravail.
-
…
Comme on le voit, un certain nombre d’opérations se font et continuerons de se faire dans les locaux de l’entreprise et chez les clients. L’idée, souvent répétée, selon laquelle toutes les opérations se feront à l’avenir en télétravail avec des personnes se trouvant bloquées cinq jours par semaine à leur domicile sans jamais mettre les pieds dans leur entreprise est une affirmation contredite par la réalité. Un volume important de travail se fait 2 à 3 jours par semaine et le reste du temps ils sont présents dans l’entreprise.
Les améliorations organisationnelles et informatiques à envisager
Pour
réussir le télétravail sur la longue durée il va être nécessaire d’améliorer le
fonctionnement des entreprises notamment en repensant leur organisation et leur
informatique car ils ont été conçus pour effectuer des opérations réalisées,
pour l’essentiel, en présentiel dans les locaux de l’entreprise. Les
changements nécessaires concernent les points suivants :
-
Des processus efficaces et bien maîtrisés.
Dans la plupart des entreprises l’organisation du travail a été conçue pour que
le travail soit effectué sur place. Le télétravail oblige de revoir les
processus existants en cherchant à mieux les sécuriser, à améliorer le suivi
des opérations et à renforcer les contrôles. Mais il faut éviter d’avoir deux
procédures : une sur place et une autre à distance. On ne doit avoir
qu’une seule procédure valable dans les deux cas.
-
Un responsable de chaque processus majeur.
Dans une grande entreprise il peut exister plusieurs dizaines de processus. Par
contre dans une PME elles sont nettement moins nombreuses mais elles sont aussi
importantes. Une personne doit être chargée de suivre l’ensemble des opérations
et de repérer les problèmes qui peuvent survenir, notamment les engorgements des
processus qui se traduisent par des allongements des délais. Il a la
responsabilité du processus de bout en bout quel que soit le ou les services qui
interviennent. Il est souhaitable qu’il ait aussi la responsabilité de définir
les changements nécessaires.
-
La polyvalence du personnel. Pour être
efficace en télétravail il ne faut pas que le travail soit trop morcelé entre
un grand nombre de personnes. Dans la mesure du possible, il est souhaitable de
confier un certain nombre de tâches à une même personne. Il faut donc former
les intervenants pour leur permettre d’avoir une réelle polyvalence afin de pouvoir
travailler en toute sécurité.
-
Une maîtrise satisfaisante des outils
informatiques. Il faut que les salariés en télétravail soient à l’aise avec
les applications informatiques mises à leur disposition. Il est pour cela
nécessaire de renforcer les compétences informatiques des salariés. Il est
aussi nécessaire de veiller à améliorer la facilité d’utilisation de ces
applications afin qu’elle soit fluide.
-
Eviter d’utiliser le matériel informatique personnel
ou familial. Il fut un temps où la mode était au BYOD : « Bring
Your Own Devices ». Mais cette pratique est dangereuse car il existe des risques
d’attaque du système de l’entreprise par des virus, des pièces jointes contenant
un code malicieux caché et des ransomwares. La sécurité de tous les matériels
et du réseau doivent être gérés par l’équipe centrale chargée de la sécurité
informatique.
-
Des applications informatiques fiables et
performantes. Trop souvent les applications développées par l’entreprise
posent différents problèmes d’utilisations : écrans de saisie mal conçus,
tests incomplets ou bâclés, difficultés à maîtriser les données, … Ces
applications fonctionnent en local plus ou moins bien mais à distance cela peut
devenir délicat. Pour éviter cela il est nécessaire de renforcer les phases de
tests et de mieux maîtriser les corrections.
-
La remontée des incidents. Il est
important de détecter et de corriger rapidement toutes les anomalies et les
erreurs qui peuvent survenir. Il est pour cela nécessaire que les utilisateurs
signalent systèmatiquement les incidents qui surviennent et pour cela on doit
veiller à faciliter ces opérations. Ces incidents doivent être suivis et
s’assurer qu’ils sont effectivement clôturés.
-
La numérisation de tous les documents.
Ils sont émis ou reçus par l’entreprise comme les factures, les bons de commande,
les bons de livraison, ... Mais ce sont aussi toutes les données permanentes nécessaires
pour travailler efficacement comme les codes ou paramètres nécessaires qui
servent aux opérateurs. Tous ces documents doivent être stockés sur les
serveurs et les postes de travail de façon à ce que les salariés puissent
travailler à distance sans difficulté.
-
Des moteurs de recherche efficaces. Il
est nécessaire que les opérateurs puissent retrouver rapidement une information
recherchée. Ce peut être le nom d’un client ou d’un produit, un taux de remise
ou une adresse. Rien n’est pire qu’une personne, loin de tout, soit bloquée
dans son travail à cause d’informations manquantes.
-
Des VPN chiffrés de bout en bout, efficaces
et performants. Pour des raisons de sécurité évidente il est nécessaire
d’empêcher toute tentative de pénétration dans le réseau de l’entreprise ou de tout
détournement de trafic. Toutes les transactions doivent être cryptés à partir
du PC de l’utilisateur jusqu’au serveur de l’entreprise.
Ces
règles paraissent simples et évident mais l’observation montre qu’elles ne sont
pas systèmatiquement appliquées. Lors du premier confinement il y a eu quelques
difficultés et des incidents. Ceci montre qu’il reste encore des progrès à
faire.
Il
manque actuellement encore quelques outils importants pour avoir une
organisation qui soit efficace et performante comme par exemple :
-
Le suivi des flux de dossiers. Ce peut être des
commandes reçues ou des lettres reçues des clients. C’est le rôle des logiciels
de workflow qui ont eu leur heure de gloire et qui ont été, depuis, un peu oubliés.
Il est aussi possible de détecter des goulets d’étranglement et des
allongements de délai.
-
La visualisation d’une base de données en mode
page comme si on était dans un tableur afin de retrouver rapidement une
information. Des fonctions de recherche et de tri doivent faciliter la
recherche d’une information précise.
-
La possibilité d’effectuer des appels
téléphoniques sur l’ordinateur en appuyant sur une seule touche du clavier pour
pouvoir consulter un collègue se trouvant à distance. En effet il est
nécessaire de faciliter les échanges au sein d’une équipe notamment pour
demander une information ou obtenir une confirmation.
-
Pouvoir appeler quelqu’un au cours d’une
visio-conférence et le faire intervenir sans qu’il soit nécessaire d’effectuer
une planification préalable par l’envoi d’un mail.
-
Permettre facilement et rapidement à une
personne de reprendre la main d’un PC se trouvant chez un autre salarié, les
deux se trouvant à distance. C’est actuellement possible mais ce sont des
utilitaires conçus par des informaticiens pour les informaticiens. Il faut
simplifier et permettre de basculer en quelques instants tout en sécurisant les
deux postes de travail.
-
….
Ce ne sont pas de nouvelles applications mais des compléments de celles existantes. Ceci montre le type d’adaptation nécessaire des applications informatique au télétravail.
Les conditions de la réussite
La
réussite du télétravail repose sur quelques règles simples :
-
Le télétravail n’est pas fait pour tout le
monde. De nombreuses activités ne peuvent pas se faire en télétravail. On
oppose souvent les personnes travaillant dans les fonctions indirectes et
celles travaillant dans des activités directes, les premiers pouvant faire du
télétravail et les autres obligées de faire du présentiel. Cependant cette
distinction doit être nuancée car, nous l’avons vu, une partie des personnes travaillant
dans des fonctions de frais généraux sont obligées de travailler en présentiel.
Et à l’inverse un certain nombre de personnes travaillant dans des activités
directement liées aux produits ou aux services peuvent effectuer une partie de
leur travail en télétravail.
-
Pour réussir le télétravail il faut s’assurer
que les personnes concernées sont suffisamment autonomes et motivées. S’il est
nécessaire d’intervenir en permanence pour aider une personne il est préférable
qu’elle soit présente dans les locaux l’entreprise. Ce sont, par exemple, le
cas des jeunes sortant de leur école ou de l’université, des apprentis et des
nouveaux embauchés. On doit prévoir de les encadrer par des personnes
expérimentées capables de les aider lorsque c’est nécessaire.
-
Un salarié ne peut pas rester en télétravail
en permanence. Il est nécessaire qu’il soit physiquement présent au moins
une fois par semaine ou, au pire, une fois par quinzaine afin qu’il puisse
échanger avec les autres membres de son équipe et sa hiérarchie. L’idéal serait
qu’il y ait un mi-temps : deux à trois jours en télétravail et trois ou
deux jours de présence dans les locaux de l’entreprise.
-
La manifestation de la confiance accordée aux
collaborateurs. Très souvent le management craint que les salariés, laissés
à eux même, commettent de nombreuses erreurs qui risquent de se traduire par
une dégradation de la qualité, et une perte de temps puis finalement par une perte
de productivité. Pour que ce ne soit pas le cas il est important que le
management et les décideurs manifestent aux salariés leur satisfaction et leur
confiance.
-
La surveillance des RPS : Risque Psycho
Sociaux. L’isolement des personnes risque de se traduire par une
augmentation des angoisses et des dérives psychologiques. C’est une des raisons
poussant à éviter le télétravail à 100 %. Il est pour cela nécessaire que les
personnes soient volontaires et il faut veiller à maintenir une alternance de
présentiel et de travail à distance. Le télétravail imposé par les confinements
sont des situations exceptionnelles qui ne doit pas tendre à se péréniser.
-
Améliorer les contrôles. Pour éviter que
des erreurs surviennent il est nécessaire de renforcer les contrôles existants.
Cependant il faut veiller à ne pas les multiplier de manière excessive ce qui
ne peut qu’alourdir les procédures.
-
…
Le
développement du télétravail est un mouvement de grande ampleur. Il est là pour
longtemps. Nous entrons dans un monde qui sera plus centré sur la vie au
bureau. Lorsque la Covid-19 aura disparu les nouvelles organisations mises en
place dans l’urgence resterons là. C’est un fait. Il est pour cela nécessaire
d’adapter dès aujourd’hui les méthodes de travail et les systèmes d’information
pour un fonctionnement en mode dual. Ceci fait que dans les années à venir les
tours de bureaux vont progressivement se vider, les transports en commun bondés
ne seront plus qu’un mauvais souvenir et les embouteillages du matin et de la
fin d’après-midi vont finir par disparaître.
[1]
- Ce risque incite un certain nombre de personnes à vouloir travailler dans des
espaces de « coworking » proche de leur domicile.
[2]
- Je ne suis pas certain que beaucoup de téléviseurs soient encore produits en
France.
[3]
- Y compris l’installation de PC au domicile des salariés. Pour éviter de
nombreux déplacement ces opérations peuvent être sous-traitées à des prestataires
locaux.