Dans un article
prémonitoire paru en 2011dans
le Wall Street Journal : « Why
Software is eating the World » Marc
Andreessen ([1]) a démontré que les start-ups qui
réussissent sont des « software compagnies ». Pour lire le texte de Marc Andreessen cliquez ici. C’est un changement de perspectives considérables car jusqu’alors
on considérait que le développement d’applications informatiques était un mal
nécessaire qu’il fallait supporter. C’était long, laborieux et souvent assez
frustrant, un véritable travail de mercenaire. D’ailleurs il était pour cette
raison fréquemment sous-traité à des sociétés de service. Aujourd’hui on
découvre que c’est le cœur de métier d’un nombre croissant d’entreprises, y
compris des compagnies anciennes, exerçant jusqu’alors leurs activités dans des
mondes très différents du développement de software.
Cette mutation est pour l’essentiel constituée par
des évolutions notables des systèmes d’information des entreprises et des
administrations. Jadis ils s’occupaient de fonctions de service comme la paie,
la facturation, la comptabilité, …. Aujourd’hui ils sont au cœur des business
et représentent des enjeux importants. Ils permettent d’élargir le champ des
offres faits aux clients, d’apporter de nouveaux services aux clients, de faire
face à des volumes de données sans cesse croissants, de fournir des analyses
plus fines, de permettre une réduction du niveau des stocks ou des comptes
clients, …
Cependant, on note de grandes différences entre
deux systèmes d’information voisins installés dans deux entreprises différentes.
Dans un cas on constate que l’un est efficace et que l’autre ne l’est pas. Les
fonctions sont voisines mais la manière dont elles sont mises en œuvre n’est
pas la même. La différence entre ces deux systèmes est la plupart du temps due
à la qualité de la conception de ces logiciels.
L’importance
de la conception des logiciels
La conception des logiciels est un art un peu
mystérieux permettant à partir d’éléments éparts, de contraintes techniques et
d’exigences fonctionnelles d’arriver à une solution élégante et efficace. C’est
une démarche très particulière, d’ailleurs les concepteurs ont souvent du mal à
expliquer leur cheminement. Certains disent que c’est l’inspiration et d’autres
que c’est le métier ([2]).
En fait c’est une combinaison des deux. L’observation montre qu’il existe de
bons concepteurs et d’autres qui le sont moins.
La qualité de la conception se mesure de manière assez
simple à l’aide de ratios empiriques comme le nombre de transactions par minute
supportées par le système, le nombre de bons de livraisons ou de factures
émises par jour et par personne, le coût du traitement d’une pièce comptable ou
d’un bulletin de paie, … L’observation montre qu’il y a des écarts
considérables entre des applications semblables. Certaines sont rapides et
efficaces et d’autres se traînent lamentablement. Dans ce dernier cas la
moindre opération devient très vite complexe. Les utilisateurs se plaignent de
la médiocrité de l’outil. Il suffit de les écouter pour sentir les faiblesses
de la conception. Deux exemples permettent d’illustrer le type de difficultés
rencontrées :
·
Le site de commerce électronique d’une
entreprise de vente par correspondance de produits électroniques et
informatiques est visuellement une réussite mais à partir du moment où le
client commence par consulter le catalogue des produits le serveur
« rame » et la passation des commandes deviennent une opération
délicate. Il est parfois nécessaire de s’y prendre à plusieurs fois. Résultat :
les clients se plaignent de recevoir deux fois la même commande ou de ne pas la
recevoir. Ceci explique que le trafic réalisé sur le site Web est faible malgré
la qualité des produits et les prix très attractifs proposés. Manifestement on
a passé du temps à concevoir l’écran et bâclé la conception de la base de
données et de la gestion des commandes.
· Une application commerciale classique dans une
entreprise vendant des fournitures pour le bâtiment gère la prise de commandes,
les livraisons, la facturation et la tenue des comptes clients. Cette
application est lourde et complexe à mettre en œuvre. Le coût informatique
d’une facture est anormalement élevé et le coût global, y compris ceux liés par
le personnel de l’administration des ventes, est trop important. Le personnel
se plaint de passer plus de temps à attendre devant le clavier-écran que de
temps à saisir les données. L’analyse cette application montre qu’elle est
construite de bric et de broc et que les écrans ont été « revampés »
pour leur donner bonne apparence mais derrière, les traitements sont mal conçus
et peu fiables.
Très souvent cette situation est due à la
complexité et à la longueur des développements qui ont été nécessaires. Ces
errements de réalisation sont elles-mêmes la conséquence d’erreurs de
conception. L’expérience montre que de nombreuses itérations ont été
nécessaires et elles ont pour effet d’alourdir le système. Or ces erreurs sont ensuite
très difficiles à corriger.
Critères permettant
d’évaluer la qualité de la conception
Il est dans ces conditions important d’évaluer la qualité
de la conception de l’application. Une fois l’application opérationnelle elle peut
se faire de différentes manières :
· L’efficacité
en exploitation de l’application. On peut l’évaluer de différentes manières
notamment en se basant sur les temps de réponse des transactions courantes. Il
est aussi possible de l’apprécier par la capacité de l’application de résister à
la charge transactionnelle durant les heures de pointe. On peut aussi l’évaluer
par l’importance des traitements de batch dont les sauvegardes, les
réorganisations des bases de données, les traitements périodiques, … Une
application qui se traîne a de fortes chances d’avoir des problèmes de qualité
de la conception.
·
L’effort
de maintenance nécessaire. Normalement la charge annuelle de maintenance d’une
application informatique est de l’ordre de 15 % à 20 % de la charge de
développement initial. Ainsi un développement représentant une charge de
développement de 1.000 jours se traduit normalement par une charge annuelle de 150
à 200 jours de travail. Quand on s’approche des 30 % à 40 % il est probable que
des erreurs de conception ont été commises. Au-delà de 50 %, c’est une
certitude.
· La
qualité de l’interface utilisateur. C’est un critère simple. Il suffit
d’observer un utilisateur effectuant des opérations courantes pour apprécier la
qualité de la conception. Dans certains cas l’emploi de cet interface est
simple et facile, dans d’autres cas c’est un véritable casse-tête. Cette
évaluation se fait simplement en interrogeant les utilisateurs à l’aide de
questionnaires permettant d’évaluer la facilité d’utilisation de l’application
ou de l’interface utilisateur. C’est un critère permettant de faire apparaître les
faiblesses de la conception de l’application.
· La
productivité des opérateurs. Pour l’apprécier on va s’efforcer de mesurer
le temps nécessaire aux utilisateurs effectuent les opérations courantes comme
d’ouvrir un compte client, de saisir une pièce comptable, de passer une
commande, …. Une conception de qualité permet d’avoir des interfaces faciles
d’emploi et d’améliorer de manière significative l’efficacité des opérations.
Comme on le voit une application peu performante souffre probablement
d’une conception fragile ou médiocre. Les critères sont simples à
mettre en œuvre et permettent de détecter, avec une bonne probabilité, d’éventuelles
faiblesses de conception.
Evaluer la
qualité de la conception dès l’étape de la conception
Il est, par contre, beaucoup plus difficile
d’évaluer a priori la qualité d’élaboration d’une application lorsque le projet
est encore en phase d’élaboration de la solution. Généralement le cahier des
charges permet de se faire une idée de la qualité de la conception. Un document
complexe, difficile à lire, avec des schémas incompréhensibles et des
explications inutilement bavardes sont des signes avant-coureur d’une
conception fragile.
Il est certain que l’absence de cahier des charges
n’est pas une situation la plus confortable. Il est certain que les démarches,
comme les méthodes agiles, où on passe directement de la phase d’expression des
besoins à la réalisation risquent d’aboutir à des conceptions fragiles et donc à
des solutions peu performantes.
Malgré les lourdeurs de la démarche le cahier des
charges est un moyen efficace de se protéger contre des conceptions faibles et
insuffisantes cependant ce n’est pas une assurance tous risques contre toute
dérive.
Le rôle clé
de la conception
La qualité de la conception des systèmes
d’information a deux effets : la qualité du système opérationnel et la
qualité des développements effectués. Les deux sont, bien entendu, liés.
· La
qualité du système d’information s’apprécie, nous l’avons vu, par son
efficacité opérationnelle : temps de réponse, facilité d’utilisation, résistance
à la charge, …
· La
qualité des développements effectués se mesure par la maîtrise du projet
(respect des délais, de la charge et du budget), la vitesse d’exécution du code
et le nombre limité de bugs découverts pendant la phase de tests. Un système
bien conçu se réalise facilement et s’exécute rapidement.
Dans ces conditions il est important de chercher à
simplifier les opérations. Rien n’est pire que d’aboutir à un système trop
complexe. La mise au point de l’application risque d’être laborieuse et son
exploitation sera toujours délicate. Elle risque de se traduire par de nombreux
incidents et finalement par un taux de maintenance de l’application
opérationnelle anormalement élevé.
La qualité des développements se mesure aussi par la
taille du code produit et par le nombre de bugs résiduels découverts après la
mise en production de l’application. Un code obèse ne peut pas être efficace. A
l’inverse, un code resserré s’exécute plus rapidement. Bien sûr les processeurs
sont de plus en plus puissants et résistent mieux à la charge mais
l’observation montre que la taille du code à tendance à augmenter plus vite que
la puissance des processeurs.
La qualité
de la conception a une influence directe sur la stratégie de l’entreprise
La qualité de la conception des systèmes
d’information joue sur leurs performances et ceci a de multiples effets sur l’ensemble
de l’entreprise. Le premier impact est d’améliorer l’efficacité du personnel au
travail ce qui se traduit par l’amélioration de sa productivité. Avec les mêmes
effectifs l’entreprise est capable de réaliser un chiffre d’affaires et une
marge supérieurs. C’est l’effet traditionnel de l’informatisation qui est à
l’œuvre depuis son origine, c’est-à-dire depuis plus de 60 ans. Cette idée a
été très discutée et de nombreux auteurs économiques ont contesté l’apport de
l’informatique à la productivité des entreprises ([3]).
Aujourd’hui encore certains universitaires comme Robert Gordon continuent de
nier la contribution de l’informatique à la croissance de la productivité et
plus généralement son impact sur la croissance économique ([4]).
Il est vrai que cet auteur n’hésite pas d’affirmer que la période de la croissance
économique est terminée. Et le pire est que certain croit ce genre d’affirmation,
bien que les faits montrent le contraire.
En réalité la plupart des investissements
informatiques ont une rentabilité significative, du moins s’ils reposent sur des
applications bien conçues et efficaces. La qualité de la conception de ces applications
informatique a aussi un fort impact sur la réactivité de l’entreprise. Deux
exemples montrent l’importance de ces changements :
· Dans une entreprise de construction il fallait
traditionnellement entre 3 et 4 semaines pour établir un devis avec de nombreux
échanges entre le service commercial, le bureau d’études, les métreurs et le
contrôle de gestion. Avec une application bien conçue permettant d’échanger
rapidement entre les différents intervenants l’entreprise est maintenant capable
d’établir, de valider et d’envoyer un devis en 48 heures.
· Avec des procédures classiques même bien
informatisées il n’est pas possible de livrer les commandes en moins de 24
heures. Dans une entreprise de commerce électronique dès que la commande est validée
par le client le prélèvement sur le stock est immédiatement lancé par radio aux
stockistes qui sont dans les travées de l’entrepôt, le colis est fait, les
étiquettes sont éditées et dans l’heure qui suit le colis est remis à la Poste
ou au transporteur.
Le succès de ces entreprises repose en grande
partie sur la qualité des applications développées reposant sur une conception
intelligente et efficace.
La qualité de la conception d’une application peut
aussi avoir un impact sur le volume d’affaires de l’entreprise. Il est pour
cela nécessaire de veiller à avoir des applications faciles d’emploi :
· La
rapidité d’affichage des pages Web. L’utilisateur n’accepte pas d’attendre
plusieurs secondes avant de voir la page s’afficher et encore moins de devoir patienter
des dizaines de secondes pour que les données saisies soient validées. Rien
n’est pire que de saisir des données puis d’appuyer sur la touche d’envoi et de
voir s’afficher un écran vide sans savoir ce qui s’est passé et même sans être
informé que les données saisies ont effectivement été pris en compte. On se rappellera
que le protocole HTTP n’est pas un moniteur de télécommunication.
·
La
simplicité d’emploi de la page affichée. Certains sites sont d’une grande
facilité d’emploi alors que d’autres sont particulièrement difficiles à
employer. Il est nécessaire de pouvoir se déplacer facilement dans la page, de voir
tout sans avoir des parties cachées, d’accéder sans peine à toutes les parties
de la page, … Les pages des sites comme Amazon, Google, Wikipedia, You Tube, ….
sont des standards de faite. Leur succès est dû au fait qu’une grande attention
a été portée à la qualité de l’affichage, l’ordre des informations données et
la clarté des termes employés.
·
La
fiabilité des traitements. Certaines applications sont d’une grande
fiabilité, d’autres sont plus délicates à maîtriser et certaines sont à éviter.
Il est certain que les utilisateurs se méfient des applications trop fragiles.
Certains sites ont une fiabilité excellente. Qui a réussi à « planter »
le moteur de recherche de Google ou le site d’Amazon ? Il doit encore
exister des bugs mais ils tendent à disparaître. Pour y arriver dès qu’un utilisateur
signale une anomalie elle est immédiatement corrigée.
Comme on le voit la qualité de la conception se traduit
par un haut niveau d’excellence des opérations de réalisation. Si ce n’est pas
le cas, l’application sera médiocre et peu efficace.
L’enjeu
stratégique de la conception
Le véritable enjeu stratégique de la qualité de la
conception porte sur la création de nouvelles activités. Les opportunités offertes
par la technologie sont nombreuses. On note qu’actuellement on constate
qu’elles sont surtout saisies par des start-ups américaines. Les entreprises plus
classiques ont plus de mal à prendre en compte ce nouveau type d’opération. On
parle dans ce cas de la transformation numérique. Celle-ci repose en grande
partie sur le développement de nouvelles applications. C’est bien mais on
constate que ces entreprises ont beaucoup de mal à se lancer dans de nouvelles activités
ou d’améliorer les opérations existantes.
Mais il ne faut pas être trop négatif. Il existe
quelques entreprises européennes et françaises qui ont réussi cette évolution
comme en France : Publicis ou Axa, mais il faut le reconnaître, elles ne
sont pas très nombreuses. Par contre les échecs sont nombreux. Ainsi les tentatives
pour créer deux opérateurs nationaux du Cloud, Cloudwatt et Numenergy, n’ont
pas été des succès. De même l’idée de créer des moteurs de recherche nationaux ou
européen comme Exalead, Quaero ou Qwant n’ont pas été des réussites. Cependant
on note qu’il existe aussi aux USA de nombreux échecs. Cependant il semble
qu’il y a plus de réussites d’un côté de l’Atlantique que de l’autre et surtout
ces réussites sont très vite des succès mondiaux comme Amazon, Facebook,
Airbnb, ou Uber.
Les gains liés
à la conception se mesurent
La qualité de la conception d’un système
d’information peut s’évaluer en se basant sur l’élégance de l’architecture ou en
se basant sur la structure des bases de données. Mais c’est une évaluation très
subjective pouvant faire l’objet de discussion. Il est plus simple de mesurer
son impact. Une des plus efficace consiste à mesurer l’impact global des
systèmes d’information. On va pour cela mesurer leur capacité à créer de la
richesse en rapportant la valeur ajoutée créée par l’entreprise au nombre de ses
salariés. Ce ratio permet de mesurer la capacité de l’entreprise à créer de la richesse.
Les investissements informatiques rentables se traduisent, normalement, par une
augmentation du chiffre d’affaires grâce à des gains d’efficacité ou par une diminution
des dépenses de l’entreprise grâce à des gains de productivité.
Mais il est aussi possible de mesurer la capacité
de l’entreprise à payer de bons salaires. Tout le monde connait des « boîtes
où on paie bien » et d’autres « qui ne paient pas ». Celles qui peuvent
payer de bons salaires sont capables de générer un volume de valeur ajouter
plus élevée que les autres entreprises du même secteur et de la même taille. C’est
notamment le cas des grandes entreprises et des petites firmes dynamiques.
Généralement celles-ci disposent de systèmes d’information efficaces qui
permettent d’accroître leur productivité globale et contribuent de manière
significative à l’augmentation de leur chiffre d’affaires. Ces succès sont la
plupart du temps fortement liés à la qualité de la conception de ces
applications. Cependant il faut être prudent car d’autres facteurs peuvent
jouer.
Les actions
à entreprendre
Dans ces conditions les entreprises qui veulent profiter
de l’impact des systèmes d’information moderne doivent miser sur les
applications ayant de forts enjeux stratégiques :
1.
Elargir
l’offre de service de l’entreprise. Les clients sont demandeurs de services
efficaces. Ils peuvent être gratuits mais de plus en plus de services sont payants
à condition qu’ils soient bons. Actuellement la plupart des entreprises ne
fournissent qu’un nombre limité de services et préfèrent les déléguer à
d’autres notamment des distributeurs (installation, prise en main, SAV,
assistance téléphonique, …). Très souvent ces services sont de médiocres qualité
([5]).
Il existe dans ce domaine une marge de progrès important.
Autre
action possible : étendre la gamme des produits et des services vendus.
Par exemple l’entreprise peut proposer des produits peu demandés ou destinés à
des clientèles spécifiques dont les effectifs limités font qu’ils n’intéressent
pas les distributeurs. C’est le phénomène de la « long tail ». Il a fait
la fortune d’Amazon. Autre approche possible : chercher à développer la
complémentarité entre les distributeurs, les boutiques possédées en propre par
l’entreprise et son site Web.
2. Fidéliser
la clientèle existante. Les clients réguliers qui s’adressent toujours au
même fournisseur sont devenu
une rareté. De nombreux clients sont infidèles. Ils changent de fournisseur
sans raison. Or le coût d’acquisition d’un nouveau client est élevé. Il est
donc important de le fidéliser. Les programmes de fidélité type Miles ou carte
de fidélité des distributeurs ont pour but d’inciter les clients à revenir
moyennant une petite remise. Mais ce n’est pas suffisant. Pour fidéliser un
client il est nécessaire d’arriver à développer avec lui une relation régulière
en lui envoyant des mails ou une newsletter, en lui proposant des offres
exclusives, en lui demandant son avis à l’aide d’enquêtes, …. Ces applications
reposent toutes sur la mise en œuvre d’une base de données des clients de bonne
qualité.
3.
Rechercher
de nouveaux clients. La détection de nouveaux clients est un enjeu
considérable. C’est le domaine du Big Data qui permet de détecter parmi des
millions d’informations les personnes susceptibles de devenir des clients. Il
est frappant de constater la pertinence des bandeaux affichés lorsqu’on
consulte des sites Web. C’est le fruit des analyses comportementales faites par
des intermédiaires comme Criteo, deeplink.me, RadiumOne, Weborama Connect,
Wunderloop,… Leur métier est le « reciblage publicitaire » (Voir sur Wikipédia la définition du reciblage publicitaire). L’analyse de l’historique des consultations des sites Web est riche
d’enseignements ([6]).
4.
Améliorer
les services fournis aux clients. Les clients sont très demandeurs de
services. Le succès de Google est pour l’essentiel dû à la qualité de son
moteur de recherche et de son système de messagerie. Sur Internet le gratuit
est la règle mais il y a de plus en plus d’exceptions. Les clients acceptent de
plus en plus facilement de payer ces services comme les sites streaming musical
(Deezer, Spotify, Apple Music,…), la vente de chansons et de musiques (iTunes
Store, Google Play,…), la TV en ligne (Netflix), la presse (New York Tribune,
Financial Times,…), la vente de livres électroniques (Amazon Kindle, Google
Play, iBooks,…), les jeux électroniques (PlayStation Store, Nintendo eShop,…), la
vente de programmes informatique (Google Play, App Store, Samsung Galaxy Apps,
…), …
Dans
le monde professionnel on retrouve la même démarche. Les fournisseurs de
nombreux équipements mettent à disposition de leurs clients des applications et
des serveurs leur permettant de mieux les utiliser. L’exemple le plus emblématique
est celui de General Electric avec le système Predix qui fonctionne en mode Saas
qui permet de suivre le fonctionnement des moteurs d’avion et prévenir les
risques de pannes. Mais il est possible de suivre avec ce système d’autres
équipements comme des trains, des engins de travaux publics, de
machines-outils, ….
5. Remonter
en gamme. Les marges les plus importantes se font sur les produits haut de
gamme. Il est donc très important d’inciter le client à « remonter en
gamme ». Ainsi quand on achète un billet de train ou d’avion le système de
vente propose « d’upgrader » ce billet pour aller en première ou en
classe affaires, prendre une assurance, réserver une voiture ou une chambre
d’hôtel, …. Autre démarche : de nombreux sites proposent à côté des
services de base gratuits des services « premium » payants. De même
grâce à l’Internet des Objets on introduit des fonctions plus sophistiquées
dans les produits comme dans les voitures, les camions, les engins, les
tracteurs, les avions, les systèmes de climatisation, l’éclairage public, … Une
partie des fonctions sont gérées en local et une autre partie sont traitées en
mode SaaS. Demain les voitures sans conducteur permettront de justifier un prix
élevé et donc des marges plus élevées.
6.
Personnaliser
l’offre. Chaque client souhaite être reconnu comme une personne
particulière. Les sites bien pensés affichent le prénom et le nom du client dès
la connexion. Connaissant ses achats précédents il est possible de lui faire
des suggestions. S’il est membre d’un programme de fidélité il attend que des
offres particulières lui soient faites en lui proposant des prix
« canons » avec des remises substantielles. Lorsqu’il a effectué ses
choix on doit lui faciliter le paiement et enfin s’assurer qu’il est rapidement
livré.
Toutes ces démarches ont en commun de reposer sur des
systèmes d’information performants. Leur développement représente des volumes
très importants de code. Les entreprises qui réussissent sont devenues des
« software compagny » ([7]).On
peut distinguer deux ensembles de logiciels ayant des caractéristiques très
différents :
·
L’infrastructure souvent appelé « The engine »,
le moteur. Cet ensemble est chargé de gérer les données, de les stocker et de
les rendre rapidement accessibles. La rapidité de la recherche d’un ensemble de
données est le critère clé.
·
Les interfaces utilisateurs qui permettent de
consulter et aussi de mettre à jour les bases de données. Le critère d’évaluation
de ce type de programme est assez différent : c’est leur facilité
d’utilisation.
Les critères de qualité de la conception sont
différents dans les deux cas. Les performances du moteur sont profondément
liées aux caractéristiques des bases de données. De plus en plus de données
sont stockées en mémoire centrale et la taille possible des bases de données a
considérablement augmenté avec le standard de facto : Hadoop ([8]).
Les programmes permettant d’accéder aux données
reposent sur une démarche de conception beaucoup plus empirique avec une
approche par essais-erreurs. A partir des « remontées » des
utilisateurs les développeurs améliorent sans cesse la qualité de ces
interfaces.
Comme on le voit les facteurs de succès ne sont
pas les mêmes dans les deux cas. Ils ne font pas appel aux mêmes savoir-faire
ni aux mêmes démarches.
[1]
- En 1993 Marc Andreessen fut le développeur de Mosaic, le premier navigateur Web,
qu’il a créée alors qu’il était encore étudiant à l’Université de l’Illinois.
Il fut un des fondateurs de Netscape. Il dirige actuellement le fond
d’investissement Andreessen-Horovitz, qui joue un rôle important dans le monde
des nouvelles technologies. Voir sur Wikipédia ).
[2]
-
Certains considèrent que la conception relèvent un peu de la magie noire. En
fait, c’est surtout du talent et du travail.
[3] - Ce curieux
débat existe depuis l’origine de l’informatique. Il a été relancé en 1987 par
Robert Solow, prix Nobel d’économie, dans un article du New York Time
Booking : "you can see the computer age everywhere but in the
productivity statistics" "vous pouvez voir l'ère des ordinateurs partout
sauf dans les statistiques de productivité". (Pour lire l’article deRobert Solow cliquez ici ). Cette affirmation est si étonnante qu’elle a été surnommée le paradoxe de la
productivité (voir Wikipedia en anglais : Productivity Paradox).
Elle a été à l'origine de nombreux travaux notamment ceux de Erick Brynjolfson
(« The Productivité Paradox of Information Technology : Review and
Assessment » : Pour lire l’article d’Erick Brynjolfson cliquez ici). Il explique le paradoxe par la difficulté de mesurer la productivité due à
l’informatique. Un article plus récent de Jack Triplett de la Brookings
Institution fait la synthèse sur le sujet (The Solow Productivity
Paradox : What Do Computer Do to Productivity : Pour lire l’article de
Jack Triplett cliquez ici ). Sa conclusion est pour le moins ambiguë : les différents auteurs qui se sont
penchés sur le sujet n'ont pas réussi à démontrer la rentabilité des
investissements informatiques mais ils ont le "sentiment" qu'il
existe un effet entre ces dépenses et les gains de productivité mais
ceux-ci ne sont pas mesurables. Depuis l’OCDE a réussi à calculer la
contribution de l’informatique à la croissance de la productivité globale. Elle
est comprise, selon les pays, entre 20 et 30 % de la croissance constatée et
apporte une contribution à la croissance économique significative qui peut
aller dans le cas des USA jusqu’à 0,8 % soit le quart du taux de croissance
annuelle.
[4] - Voir : “ Is U.S economic growth over ? Faltering
innovation confronts the six headwinds” publié par le NBER en Août 2012. Pour lire l'article de Robert Gordon, Cliquez ici.
[5] - Ainsi
traditionnellement les modes d’emploi fournis avec le matériel sont insuffisants.
Trouver une documentation complète d’un produit relève souvent du parcours du
combattant. Il suffit pourtant de taper le nom du produit sur Google et on
arrive sur le site Web du fournisseur. Malheureusement ces sites sont très
souvent d’une amabilité de crocodile. Ils sont pauvres et difficiles d’emploi.
On commence par fouiller dans le site Web car on ne peut pas faire autrement,
et on finit par trouver quelque chose qui est souvent assez loin du document
recherché. La bonne approche consisterait à indiquer l’adresse du site Web sur
la boite contenant le produit et de mettre à disposition un site simple et agréable
à utiliser de façon à trouver rapidement le document recherché. On peut envisager
de fournir d’autres services comme des vidéos de prise en main, une aide au
dépannage, des FAQ, une assistance téléphonique, un forum, …
[6] - Ainsi un père
américain a un jour été très choqué que sa fille de 16 ans reçoivent de
Wall-Mart des mails de promotion des layettes et de couches culottes. Il s’en
est plaint à la direction du distributeur. Quel n’a pas été sa surprise quand
il a découvert quelques semaines plus tard que sa fille était enceinte. L’ordinateur
de Wall-Mart l’avait détecté avant que son père s’en aperçoive.
[7] - On les appelle aussi des plateformes car
elles utilisent des centres de traitements de grande taille mais ce terme
décrit moins bien leur originalité que celui de « software compagnY »
car elles ont toutes en commun de reposer sur un ensemble de logiciels bien
conçus et performants.