Pour évaluer la
rentabilité des projets informatique il est indispensable de recenser l’ensemble
des gains possibles qui leur sont liés et de chercher ensuite à les valoriser. Malheureusement
il n’existe aucune méthode générale pour les repérer et les évaluer. Pour y arriver
il est nécessaire d’avoir une démarche pragmatique basée sur l’observation de
ce qui se passe lorsque les applications sont mises en œuvre.
Elle montre qu’il
existe deux grandes familles de gains :
·
Les gains de productivité,
·
Les gains d’efficacité.
Elles sont très
différentes l’une de l’autre. Pour mieux comprendre leurs spécificités nous
allons les décrire à l’aide d’exemples tirés de la pratique.
La productivité a été au rendez-vous
La productivité consiste à effectuer le même travail
avec moins de ressources. Ce sont par exemples :
– Dans
le domaine industriel. L’exemple type de ces gains est celui de l’ouvrier qui
passe moins de temps à usiner la même pièce mécanique grâce à un matériel plus
performant.
– Dans
les services on fait des gains de productivité. Ainsi dans un restaurant si, en
améliorant la prise des commandes, on arrive à servir plus de clients avec le
même effectif on aura fait des gains de productivité.
– Dans
l’administration il existe aussi des gains de productivité. Contrairement à une
idée fausse souvent répétée, des gains peuvent être obtenus. Ainsi si on arrive
à produire plus d'actes administratifs dans le même délai et avec les mêmes
effectifs en réorganisant les opérations on aura fait des gains de productivité.
Comme on le voit les gains de productivité sont de
nature très variés. Ils ne sont pas uniquement dans l’industrie. On en trouve
dans tous les secteurs d’activité. Il est très nombreux et très difficile à tous
les recenser.
Parmi ceux-ci les investissements informatiques ont jadis
permis d’effectuer des gains de productivité massifs en particulier en
automatisant les tâches administratives. Ils ont eu pour effet de réduire leur
coût. Mais ce ne sont qu'une partie des gains de productivité possibles. Il est
possible de réduire les consommations d’énergie ou de matière première. Ce sont
aussi des gains de productivité.
Tentative de
classification des gains de productivité
Les gains de productivité possibles sont nombreux et
très variés. On peut les classer en trois grands groupes :
– Les coûts directs correspondent pour l’essentiel à la
diminution des coûts de production et de logistique. On peut aussi prendre en
compte les gains obtenus sur les traitements de masse activités administratives.
Ce sont par exemple :
·
Les coûts de
personnel. Ils peuvent être réduits grâce à une diminution des
qualifications nécessaires du personnel pour effectuer le même travail,
·
Une meilleure
utilisation des machines et des équipements. Ces gains sont obtenus grâce
à une meilleure planification des travaux effectués et une réduction des temps
d’attente et de réglage,
·
La consommation de
matière première. Dans la confection on peut chercher à mieux utiliser
le tissu disponible en calculant les plans de découpe à l’aide d’un ordinateur
connecté à une machine de coupe.
·
Une réduction de la
consommation des énergies et des consommables par un pilotage plus
efficaces des machines et des équipements.
Comme on le voit les gains
sur coût direct concernent pour l’essentiel les activités industrielles. Mais
elles peuvent aussi concerner la logistique et les opérations administratives et
comptables de masse. Dans tous les cas l’informatique permet de mieux maîtriser
la complexité des opérations et de mieux utiliser le parc de matériel
disponible
– Les gains obtenus sur la consommation d’unités d'œuvres. Celles-ci correspondent à l’activité nécessaire pour produire
une unité que ce soit un la production d’un bien, le traitement d’une opération
administrative (gestion d’un crédit, établissement d’un contrat d’assurance,
saisie d’une pièce comptable,…), la commercialisation d’un volume de produits
ou de services,… C’est le domaine où les entreprises ont réalisés depuis
cinquante ans les progrès les plus importants. Il y a 20 ans pour produire une
voiture il fallait en moyenne 45 heures de main d’œuvre. Aujourd’hui on est à
25 heures. Une partie de ces gains est dû à l’informatisation des processus.
Ces gains se manifestent de différentes manières :
·
La diminution des
temps de main d'œuvre par pièce. C’est l’exemple type des gains de
productivité et l’informatisation des machines de production a joué un rôle
important dans ce processus. Dans le domaine administratif, grâce à une saisie
interactive et de contrôles efficaces on peut obtenir une diminution du temps
nécessaire pour établir un dossier ou pour passer une transaction. Dans le
domaine commercial on mesure ces gains par un indicateur comme le VHT (Ventes
par heure travaillée) qui mesure le nombre de clients, ou le nombre d’articles
traités par employé en une heure.
·
L’informatisation
des machines de production permet aussi de réduire les temps de
réglages. De même l’équipement des postes de travail de bureaux en PC mais
aussi en serveurs et en systèmes de communication a permis d’augmenter de
manière significative la productivité des cols blancs. Les gains sont peut-être
moins spectaculaires que dans le domaine industriel mais ils sont certains et
conséquents.
·
La réduction des
surfaces de stockage nécessaires. Jadis les entrepôts étaient rangés
dans un ordre logique de façon à retrouver facilement la marchandise recherchée.
Aujourd’hui les palettes sont rangées là où il y a de la place et on les
retrouve grâce au système informatique. Dans le même entrepôt on peut ainsi stocker
entre 30 et 50 % de marchandises en plus. Or un entrepôt de grande taille coûte
des dizaines de millions d’euros. C’est une économie en capital mais aussi des
gains importants sur les opérations de manutention.
·
L’amélioration de la
logistique. Elle se fait en diminuant le nombre de kilomètres parcourus
pour effectuer les livraisons aux clients. La gestion des tournées est un grand
classique de la recherche opérationnelle. Doublée par le « tracking »
des colis il a été possible de réduire le nombre de plis perdus en route et de
mieux maîtriser la dates et l’heure de la livraison.
– Le
développement des systèmes d’information ont permis de lutter contre l’alourdissement des frais généraux. Cela a joué de
deux manières différentes :
·
en stabilisant puis en diminuant le niveau moyen des frais généraux. L’informatique
fait généralement partie des frais généraux des entreprises mais ces coûts supplémentaires
ont permis de réduire les coûts de fonction comme l’administration des ventes,
les achats et approvisionnements, la comptabilité,…. Ceci a eu un effet global
sur la masse des frais généraux. Mais ces gains ont souvent été perdus par des
dépenses somptuaires comme des sièges sociaux ressemblant à des palais des
Milles et Une Nuits. Un peu de sagesse aurait effectivement permis de réduire
le poids effectif des frais généraux.
·
un important travail de rationalisation a permis
de réduire la consommation de certaines ressources
par unité produite comme la comptabilité, la facturation, le taux d’encadrement,…
Il est certain que ces gains auraient pu être obtenus sans recourir à l’informatique.
En fait elle a permis, une fois qu’ils ont été dégagés de les stabiliser et
d’éviter tout retour en arrière.
Ces différents exemples
montrent que les gains de productivité ont été importants. Ils ont justifié les
investissements informatiques effectués pendant de nombreuses années. Depuis le
milieu des années 90 leur importance diminue car ils ont été dépassés par les
gains d’efficacité.
Miser sur l’efficacité
L'efficacité consiste à obtenir un résultat
supérieur en employant les mêmes ressources. Cela se traduit pas une
augmentation du chiffres d’affaires, un accroissement de la valeur ajoutée
créée par l’entreprise, une amélioration de sa marge brute et finalement une
augmentation de sa marge nette. L’observation montre que l’informatique est un
remarquable et puissant moyen d'augmenter l'efficacité des entreprises.
Les gains d’efficacité sont nombreux et massifs. On
peut les classer en quatre groupes :
– Les actions sur le chiffre d'affaires de l’entreprise. Elles
sont très nombreuses et variées comme par exemple :
·
L’augmentation des
quantités vendues aux mêmes clients se fait par de nombreux moyens et
notamment des programmes de fidélités qui snt des systèmes permettant de suivre
le client et d’acheter de préférences les produits de l’entreprise comme les
Miles des compagnies aériennes ou les cartes de fidélité des distributeurs.
·
L’accroissement du
prix moyen par article. Ceci est obtenu se fait en offrant des gammes de
produits comprenant des offres peu coûteuses mais un peu primitives et d’autres
plus sophistiquées et donc vendus à un tarif nettement plus élevés. C’est une
stratégie classique reprise sur les sites de commerce électronique. Il est aussi
possible d’avoir des systèmes de ventes incitant à augmenter les achats par
commande ou incitant le client à acheter plus fréquemment, par exemple par des
remises, des promotions, des ventes flash,…. L’informatique facilite ces
démarches surtout si le client est « on-line ».
·
L’approfondissement
de l’offre. Cette approche est assez difficile dans un magasin physique
car la place d’exposition coûte chère. Par contre sur un site Web on peut
multiplier les offres. On n’est limité que par la place disque et le coût de
saisie de la fiche produit. Il n’est même pas nécessaire d’avoir la marchandise
en stock il suffit d’avoir un accord avec un partenaire qui en dispose et à qui
on transfert la gestion de la commande.
·
L’augmentation du
nombre de clients grâce à des mailings ciblés, des bandeaux sur les
pages Web ou des offres « personnalisées », offres liées à des mots
clés,…Cela joue bien entendu dans le domaine du commerce électronique mais cela
joue aussi dans le commerce physique et les services, moins dans celui de
l’industrie.
·
La vente de nouveaux
services liés au produit acheté. Lorsqu’on achète une voiture le vendeur
peut proposer au client un crédit, une assurance, voir un contrat d’entretien.
Ce sont à chaque fois des systèmes d’information développés par des
fournisseurs et adaptés aux demandes des clients
– La valeur ajoutée crée qui permet de mesurer la capacité de
l’entreprise à créer des richesses ([1]).
Elle est évaluée par le ratio entre la valeur ajoutée crée par l’entreprise et
son effectif. Les systèmes d’information constituent un levier puissant de
création de valeur :
·
La recherche de
produits plus sophistiqués. Cela s’appelle la remontée en gamme. Dans le
cas de l’automobile c’est une voiture standard mais avec plein de fonctions
sophistiquées permettant de majorer significativement le prix de vente jusqu’à
ce service se banalise et fasse partie du produit standard comme l’ABS, l’EPS ([2])
ou le GPS. Demain des systèmes informatique prendront en charge la sécurité,
voir la conduite de véhicule. Ils s’intègrent dans de véritables systèmes
d’information.
·
La demande de
services plus qualifiés correspond à une clientèle évoluée qui a besoin
de conseils et d’assistance. Elle fuit le vendeur trop habile et cherchent
l’avis des lecteurs (Amazon), des voyageurs (Tripadvisor), … Ce sont à chaque
fois des systèmes d’information ciblés.
– La marge brute est un concept très proche de la valeur
ajoutée. C’est une notion surtout utilisée par les commerçants. C’est la
différence entre le prix de vente et le prix d’achat d’un bien. Les systèmes
d’information sont des moyens très efficaces d’amélioration de la marge brute.
·
La réduction du prix
d'achat des produits en améliorant les capacités de recherche de
fournisseurs potentiels à travers le monde. Mais le principal levier consiste à
créer des places de marchés qui permettent de regrouper ses achats avec ceux
d’autres entreprises de façon à augmenter les volumes achetés.
·
L’augmentation des
prix de vente des produits est l’autre grand levier d’augmentation de la
marge brute. Elle est obtenu en améliorant leur valeur grâce à leur « électronisation »
des biens comme les voitures, les téléphones, les téléviseurs, les machines à
laver, …. Mais ceci se fait aussi en développant des services d’information
complémentaires.
·
Le suivi des ventes permet
de connaitre les chiffres d’affaires et les marges par articles, par famille
d’articles, par client ou par groupes de clients,… Les analyses peuvent se
faire en temps réels mais très souvent elles se font à la semaine ou à la fin
de chaque mois. Elles permettent de lancer des actions comme des promotions,
des rabais,… C’est ce qu’on appelle le mix-produit.
·
Le suivi des
clients. Il est possible de suivre chaque client et de lui faire des
offres ciblées au moment souhaitable en fonction de leurs achats antérieurs et
de leurs centres d’intérêt. Avec les outils de suivi de la navigation il est
possible de suivre de la même manière les prospects et de leur faire des offres
ciblées.
– La marge nette est le bénéfice de l’entreprise. C’est
la différence entre la marge brute et le montant des frais généraux. Le levier
le plus important consiste à diminuer le niveau de ces frais. Dans de très
nombreuses entreprises il est possible d’effectuer des efforts important dans
ce domaine notamment en cherchant à augmenter la productivité des différentes
fonctions concernées : comptabilité, administration des ventes, achats et
approvisionnement,… Mais aussi à réduire le coût des locaux, les dépenses de la
direction générale,…
Comme on le voit
les gains d’efficacité liés aux systèmes d’information sont des enjeux considérables.
Ils sont aujourd’hui le moteur du développement du commerce électronique et les
nombreux services basés sur des systèmes d’informations. Ce qu’on appelle improprement
« la transformation numérique » est en fait la recherche de nouveaux
gains d’efficacité. Leur impact se mesure in
fine sur le compte de résultat de l’entreprise mais pour les isoler il est souhaitable
de disposer d’indicateurs significatifs permettant d’évaluer de manière
ponctuelle la contribution de l'informatique à l'amélioration de l'efficacité
de l’entreprise.
Que faire des autres gains ?
A côté de ces
deux familles de gains on se demande souvent s’il n’existe pas d’autres types
des gains comme le confort des utilisateurs, la qualité des programmes et des
données, la sécurité de fonctionnement,… Ce sont des avantages indiscutables
mais sont-ils pour autant valorisables ? Rien n’est moins sûr. Dans ces
conditions est-il est possible de considérer que ce sont des gains ?
Que rapporte un
système bien sécurisé ? Il est très difficile de chiffrer ce type de gains.
Par contre on sait très bien ce que peut coûter un système mal sécurisé. Il est
certain que les pertes peuvent atteindre des niveaux très élevés notamment si
des informations importantes sont détruites ou volées. Mais ces montants ne
sont pas des gains, ce sont, tout au plus, des coûts évités.
De même
l’amélioration de la qualité des écrans de saisie se traduit par un meilleur
confort pour les utilisateurs. Mais comment chiffrer en euros l’augmentation de
leur satisfaction ? S’ils arrivent à être plus productifs il doit être possible
de le mesurer. Si dans l’ancienne application il fallait 10 minutes pour saisir
un nouveau client et qu’il n’en faut plus que 5 dans le nouveau on peut sans
risque estimer qu’il y a un gain de productivité de 50 %. Mais si les temps de saisie
sont les mêmes comment valoriser ces gains ?
Ces exemples
montrent qu’il est très difficile de chiffrer les gains qui ne sont pas des
améliorations de la productivité ou de l’efficacité. Dans ces conditions il est
toujours possible de les signaler dans l’étude d’expression des besoins mais en
précisant qu’ils ne sont pas chiffrables.
Le bon sens est
de considérer comme nul ce qu’on ne sait pas mesurer.
Mais, rassurons-nous,
les gains liés à l’informatique sont là et ils sont massifs. Si ce n’était pas
le cas pour quelle raison les entreprises, les administrations et les
particuliers dépenseraient en France 124 milliards par an selon l’INSEE (http://rapportsalzman.blogspot.co.uk/2012/01/enfin-linsee-prend-en-compte.html)
Au niveau mondial on peut estimer la dépense informatique à un montant compris
entre 5.000 à 5.500 milliards de dollars ([3]).
C’est plus que l’industrie automobile (2.000 milliards de dollars), l’électronique
(1000 milliards de dollars) ou la pharmacie (640 milliards de dollars). C’est
aujourd’hui un secteur moteur du développement car ce sont des investissements très
rentables. S’il ne l’était pas, il y a bien longtemps que les ordinateurs
auraient été rangés au musée à côté des diligences et des lampes à pétrole.
[1]
- La valeur ajoutée est la différence entre le chiffre d’affaires et l’ensemble
des achats effectués. C’est la somme des salaires, des charges sociales, des
amortissements, des frais financiers et des impôts directs,
[2]
- EPS : Electronic Stability Program ou en franàais correcteur
électronique de trajectoire. En fait c’est un dispositif d’antipatinage.
[3]
- La Gartner estime les achats de matériels, de logiciels, de service, de
communication à 3.700 milliards de dollars (Voir le site de Zdnet).
A ce montant il faut ajouter les salaires et les différents coûts :
locaux, frais généraux,… qui sont de l’ordre de 1.000 milliards de dollars,
soit un total de 4.700 milliards de dollars. De son côté l’OCDE estime que les
dépenses d’informatique et de télécommunication sont de l’ordre de 6 % du PIB. Or
ce dernier est estimé par le Cepii à 76.000 milliards de dollars en 2013 soit une dépense informatique de 4.560 milliards de dollars. Ces deux
estimations donnent des résultats très voisins.
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