Le terme « transformation
numérique » n’est plus qu’un simple buzzword. Il devient de jour en jour
un sujet de plus en plus chaud et il devient même brûlant. Les entreprises,
après avoir longuement discourues sur le sujet, commencent à rentrer dans le
cœur du sujet et découvrent toute sa complexité.
Nous avons déjà
évoqué sur ce blog ce thème depuis deux ans dans deux posts. Le premier en
septembre 2015 : « Quelques réflexions à propos de la transformation
numérique » (Pour lire ce texte cliquez ici) Nous avons poussé l’analyse dans un deuxième post en septembre 2016 :
« Les stratégies de transformation
numérique gagnantes » (Pour lire ce texte cliquez ici ).
Mais, pour
l’instant, il faut bien l’admettre, les réalisations opérationnelles
rencontrant un large succès sont encore assez rares. On a beau chercher on ne
trouve aucune entreprise française parmi le classement des entreprises leader
du numérique. On cherche encore les Amazon, les Facebook et les Google
français.
Aujourd’hui on
commence d’entrer dans le « gras du sujet » et un certain nombre de
problèmes jusque-là ignorés surgissent. Ce troisième post a pour objectif de
mieux les cerner et de suggérer des solutions possibles.
La transformation numérique n’est pas qu’un
buzzword
Le terme « transformation
numérique » tend à être mis à toutes les sauces : Big Data, IoT, IA, Robot,
VR, Cloud, ... C’est mode. Mais au-delà des termes il faut voir que c’est, en
fait, une nouvelle vague de l’informatique. Après avoir connu l’ère des
mainframes, dans les années soixante soixante-dix, puis le déferlement des PC,
dans les années quatre-vingt, qui a ensuite été amplifié par Internet, dans les
années quatre-vingt-dix, et plus récemment, à partir de 2007 avec l’apparition
des smartphones on arrive à un cinquième stade qui est celui du développement
de nouveaux produits et de nouveaux services basés sur la conjonction de
l’informatique et des télécommunications.
Chaque vague de
l’informatique s’est traduite par l’apparition d’un certain nombre de nouvelles
applications :
1.
Les mainframes ont permis de traiter la
facturation, la paie, la comptabilité clients et la comptabilité générale, la
gestion des stocks, …
2.
Les micro-ordinateurs sont développés grâce aux tableurs,
au traitement de texte, les logiciels de présentation de diapositives, les
tableaux de bords, …
3.
Internet a permis l’apparition et le
développement très rapide du Web, des mails, le commerce électronique, ….
4.
Les smartphones et les tablettes ont permis le
développement des usages qui s’est traduit par de nouvelles applications. On
assiste même à une explosion du nombre et de la variété des applications. Pour
s’en assurer il suffit de consulter le contenu des app store. Ainsi Google Play
propose 2,7 millions d’applications, App Store dispose de 2,2 millions
d’applications, Windows Store offre 700.000 applications, …. Au-delà du nombre on
ne peut qu’être impressionné par leur variété.
Cette explosion du
nombre des applications a un impact direct sur les entreprises et les
administrations. Ils agissent de deux manières différentes :
- Une
multiplication des offres de services ou de produits,
- Un
changement radical dans les process de création, de production et de
distribution des produits et des services.
Comme on le voit,
c’est une mutation profonde, signe indiscutable d’un changement radical de
l’organisation et du fonctionnement des entreprises. Il est évident qu’elles entrent
dans un nouveau monde. Et c’est bien le problème posé par la transformation
numérique.
Un vrai sujet
Les entreprises
et les administrations sont donc face à une mutation de grande ampleur qui va
modifier en profondeur leur stratégie, leur organisation, leurs procédures, les
compétences mises en œuvre et les savoirs faires nécessaires pour les mettre en
œuvre, …. C’est un profond bouleversement. Certain parlent même de révolution.
Mais tout ceci. Cela
fait plusieurs années que les observateurs attentifs voient cette révolution
arriver. Elle est, en grande partie due aux progrès technologiques notamment en
matière de micro-électronique et de télécommunication. Elle a permis de créer des
systèmes d’exploitation, des environnements de développement (SDK : Software
Development Kit), des protocoles de communication, des bases de données, …. de
plus en plus puissants, capables de supporter des applications de plus en plus
sophistiquées.
Ce qui est
nouveau, c’est la réaction des entreprises à ces changements. C’est la grande peur
de l’Uberisation ([1]),
c’est-à-dire la crainte de voir subitement disparaître le marché traditionnel
de l’entreprise. Le terme exact décrivant ce phénomène est celui de la disruption
([2]).
Pour Jean-Marie Dru "L’innovation disruptive est une innovation de
rupture, par opposition à l’innovation incrémentale, qui se contente d’optimiser
l’existant ". Elle peut être faite par une start-up mais elle est plus
souvent faite par une grande entreprise comme IBM qui a réalisé le PC, Apple
avec le Smartphone, SpaceX avec la récupération du 1er étage de la
fusée Falcon, Tesla avec le pilotage automatique du modèle S ([3]),
….
Ceci dit la
disruption n’est pas une nouveauté. Il y a 250 ans elle était déjà au cœur de
la Révolution Industrielle avec l’invention par James Watt de la machine à
vapeur, John Kay avec la navette volante, Richard
Arkwright avec la
« water-frame », première machine à filer, Edmund
Cartwright, invente le métier à tisser mécanique, Abraham Darby avec l’idée de faire de
la fonte avec du coke, George Stephenson avec la locomotive, …. Ce sont toutes
des innovations qui rendent rapidement obsolètes toutes les solutions antérieures.
Les dirigeants des
grandes et des moyennes entreprises ont très vite compris que celles-ci risquaient
d’être toutes uberisées et de disparaître. En quelques mois la plupart des entreprises
se sont dotées de CDO, Chief Digital Officer, chargés d’assurer leur
transformation numérique. Mais on constate que d’une entreprise à l’autre leur
mission est très variable. Certains s’occupent de Big Data, d’autres imaginent
de nouveaux services, pendant que d’autres font de l’évangélisation, …
Trois questions clés
Comme nous
l’avons vu dans le post : « Quelques réflexions à propos de la
transformation numérique » cette dernière pose aux directions des
entreprises trois problèmes de fond (Pour lire ce texte cliquez ici ) :
·
Est-ce
que l’entreprise a la capacité de saisir les opportunités rendues possibles par
la technologie ? Si on analyse les opérations de ce type lancées par
les entreprises du CAC 40 on s’aperçoit que moins de 10 ([4])
ont lancé des opérations de transformation numériques qui fonctionnent
réellement et donnent effectivement des résultats. De plus, à ce jour aucune
entreprise de grande taille n'a annoncé un succès indiscutable et visible dans le
domaine du numérique. Quant aux trois - quart des autres entreprises ils
parlent ou annoncent des plans très ambitieux mais il y a peu de chance qu’ils les
réalisent.
·
Dispose t’on
dans les entreprises les compétences nécessaires pour mettre en œuvre les
solutions numériques ? Quels sont les savoirs et les savoirs faires
nécessaires ? Où le les trouver ? L’inculture informatique de la
majorité des décideurs (pour ne pas dire de la quasi-totalité) est un vrai
problème. Nous constations dans un précédant post que : « n'ayant pas
les concepts de base de l'informatique et des systèmes d'information ils ne
peuvent que rester dubitatif devant tous ces changements. Le flou des
responsabilités en matière de transformation numérique » est un autre
problème. « Qui doit avoir l’initiative de lancer de nouveaux produits ou
de nouveaux services ? Dans ce contexte dominé par l'ignorance comment peut-on
envisager de développer les idées qui feront le chiffre d'affaires de demain. »
·
Quel est
le rôle des informaticiens dans le cadre des transformations numériques ? Nous
constations dans le même post que : « curieusement on voit peu
d'informaticiens dans le cadre des opérations de transformation numérique. Quel
rôle leur est dévolu ? L'informatique serait-elle une chose trop sérieuse pour
la confier aux seuls informaticiens ? Il faut être raisonnable, peut-on sérieusement
faire de l'informatique sans informaticien ? A l'inverse on peut s'interroger
sur la capacité des DSI à prendre en charge des opérations de transformation
numérique ? »
Ces trois
questions méritent quelques réflexions.
Les opportunités ne se présentent pas deux fois
Chaque année de
nombreuses opportunités se présentent. Elles sont, en grande partie, dues aux progrès
de la technologie et des environnements de développement informatique. Elles permettent
de créer de nouvelles applications très différentes de toutes celles qui existent.
Ce peuvent être de nouveaux produits comme le smartphone, les véhicules
autonomes, le management de la climatisation à distance et la sécurité, les
compteurs intelligents, …. ([5])
Ces opportunités peuvent être des logiciels comme les systèmes d’exploitation tel
qu’Android, les bases de données, les jeux électroniques, … Mais surtout on
assiste au développement de nombreux nouveaux services comme le Cloud, la
maintenance des équipements à distance (comme Predix de GE), le monitoring des
malades, le management d’installations à distance, le diagnostic à distance des
véhicules, … Cette liste est incomplète et évolue en permanence.
Ces innovations
se traduisent par l’apparition de nouveaux « business model » basés
sur ces nouvelles applications. Dans le passé cela a été le cas d’Amazon, de Google,
de Skype, de Facebook, d’Airbnb, d’Uber, …. Tous les ans, parmi les centaines
et les milliers de start-ups apparaissant on constate l’apparition de quelques nouveaux
« business model » différents. On constate que peu de grandes
entreprises traditionnelles ont jusqu’à ce jour réussi à changer profondément de
modèle économique. Parmi les plus grandes entreprises mondiales ([6])
on constate qu’il y a peu de leaders en matière de nouveaux modèles d’affaires.
Si on liste les plus grandes entreprises mondiales on constate que très peu ont
sauté le pas :
1. Wall-Mart,
2. SGCC (State Grid Corporation of
China),
3. CNPC (China National Petroleum
Corporation),
4. Sinopec,
5. Royal Dutch Shell,
6. ExxonMobil,
7. Volkswagen,
8. Toyota Motor,
9. Apple,
10. BP,
11. Berkshire Hathaway,
12. McKesson,
13. Samsung Electronic,
14. Glencore
Xstrata,
15. ICBC
(Banque Industrielle et Commerciale de Chine),
16. Daimler AG,
17. UnitedHealth,
18. CVS Health,
19. EXOR (Fiat Chrysler),
20. General Motors,
21. Ford,
….
Les 21 plus grandes entreprises mondiales
En analysant
cette liste on constate qu’en dehors des fournisseurs comme Apple ou Samsung
les autres entreprises ont du mal à trouver des « business model »
adaptés. On note dans cette liste la présence de McKesson, un très important distributeur
pharmaceutique, qui a eu l’idée intéressante de créer une division
technologique chargée de vendre des services numériques. Toutes les autres
entreprises de cette liste ont du mal à entrer dans le nouveau monde.
Risques ou opportunités
Pour toutes les
entreprises le numérique est une opportunité mais c’est aussi une véritable
menace. Elles risquent la disruption qui se traduira, un jour ou l’autre, par la
perte de contact avec leur marché. C’est notamment le cas des grands
distributeurs, des banques, des constructeurs automobiles, … Même les
pétroliers et les producteurs de minerais sont menacés.
Cependant, bonne nouvelle,
les opportunités sont nombreuses comme la possibilité de trouver de nouveaux
clients, de mieux fidéliser les clients existants, de créer de nouveaux
services et d’améliorer les process. Examinons ces différents points :
1.
Trouver
de nouveaux clients. A côté les clients habituels de l’entreprise il existe
des millions de personnes qui pourraient être clients mais qui ne la connaissent
pas ou qui habitent trop loin d’une boutique, d’une agence ou d’un bureau pour
être un client. Même s’ils connaissent l’entreprise ils ignorent le détail de ses
produits et de ses services. Cela se traduit par une augmentation significative
du chiffre d’affaires.
2.
Fidéliser
les clients. Chaque client est un cas particulier avec ses préférences, ses
attentes, ses comportements, … Il est aujourd’hui possible de suivre individuellement
chaque client, de le relancer régulièrement, de lui faire des offres
personnalisées, …. Les outils et les méthodes du Big Data permettent de suivre
pas à pas chaque client.
3.
Créer de
nouveaux services. Dans toute entreprise, quel que soit son secteur d’activité,
il est possible de trouver de nouvelles activités de service reposant sur
l’information et complétant tous les produits et les services existants.
Certains seront fournis gratuitement et d’autres seront payants. Ils
permettront d’augmenter de manière importante le chiffre d’affaires des entreprises.
4.
Améliorer
les process. Grâce à des systèmes d’information alimentés en temps réel et aux
robots capables de dialoguer avec les clients il est possible d’améliorer de
manière significative l’efficacité des processus que ce soit la fabrication des
produits, la logistique, la gestion des commandes, … C’est une réserve
importante de gains de productivité.
Comme on le voit ce n’est pas le nombre des opportunités intéressantes qui
manquent mais les entreprises ayant la volonté et le courage de les saisir.
Le problème des compétences
En fait la
véritable limite de la transformation numérique n’est pas liée à la technologie
mais elle est due au manque de personnes ayant les connaissances et les savoirs
faires nécessaires pour détecter et réaliser les opportunités qui se présentent.
C’est un point
très important et un peu inquiétant. Il est en effet nécessaire que l’entreprise
dispose de personnels capables d’imaginer ces nouvelles applications, de les
réaliser, de les mettre en œuvre et de proposer la manière de les vendre. Pour
certains travaux, notamment la réalisation des nouvelles applications, les
informaticiens sont les seuls à pouvoir les prendre en charge. Mais pour les
autres personnes de l’entreprise l’absence de compétences est une situation délicate
et dommageable.
Ce manque ne
concerne pas seulement les exécutants mais surtout les managers et les
décideurs. Or, très souvent, les dirigeants de haut niveau ont des relations
difficiles avec la technologie. C’est une situation assez paradoxale car la
plupart d’entre eux ont reçu dans leur jeunesse une formation d’ingénieur mais
depuis du temps est passé ([7]).
Bien entendu il existe
des dirigeants qui sont à l’aise avec la technologie. Mais ces cas sont encore assez
rares. C’était, par exemple, le cas de Jeffrey Immelt de GE ou de Maurice Levy
de Publicis. Cependant Maurice Levy avant d’être un PDG à succès a été
informaticien. Les autres décideurs ont une relation complexe et distante avec
l’informatique. La plupart des décideurs considèrent que c’est de l’intendance
et certains pensent même que les informaticiens posent plus de problèmes qu’ils
n’apportent de solutions. Dans ces conditions on comprend qu’ils ont du mal à
appréhender les transformations numériques à mettre en œuvre.
Il y a ensuite le
cas des responsables métiers comme le marketing, le commercial, la production, la
logistique, … On constate qu’ils ont, eux aussi, du mal à comprendre ce qu’ils
doivent faire et quel doit être leur rôle exact dans l’ensemble du processus.
Ce n’est pas nouveau. Ils avaient déjà eu du mal avec l’informatique classique.
Cependant ce n’est pas le cas de tous les responsables métiers. Depuis
longtemps les directeurs financiers, les chefs comptables, les responsables de
l’administration des ventes, …. ont depuis longtemps appris à maîtriser leurs
applications informatique. Mais, leur influence est limitée car ils sont
minoritaires dans les comités de direction. Pendant ce temps les autres responsables
pataugent.
Quant au reste du
personnel de l’entreprise, cadres et employés, ils voient bien que leur
compagnie a du mal avec sa future transformation numérique. Il y a trente ans
on avait connu le même phénomène avec le PC et il avait fallu plus de dix ans
pour qu’une politique claire soit défini et mise en œuvre.
Très souvent on
constate qu’il y a un écart significatif entre les déclarations de principes
des dirigeants et des CDO (Chief Digital Officer) et la réalité de la
transformation numérique dans leurs entreprises. Ceci est dû au fait que les
entreprises butent assez vite sur des problèmes de compétence. Pour faire
avancer ce type d’opérations il faut des connaissances et de l’expérience. Bien
entendu il est possible de palier à ces difficultés mais cela risque de prendre
du temps. Or nous sommes dans une course mondiale avec des entreprises américaines,
qui ont pris une solide avance, et des chinoises qui mettent les bouchées
double mais rassurez-vous l’Europe et notamment la France ont encore des
avantages à faire valoir mais le temps passe.
Les informaticiens face à leur avenir
Pendant ce temps
les informaticiens manifestent leur perplexité et même certains sont assez
inquiets par ces changements qui ne leurs disent rien de bien. En effet le coup
est parti sans eux. Alors qu’ils étaient occupés par de nombreux travaux de maintenance
et de migration des applications existantes et d’assurent l’évolution des
configurations le processus de la transformation numérique s’est développée
sans faire appel à leurs compétences. Certains responsables marketing ont, par
exemple, mis en place Salesforce alors que d’autres ont recouru au « reciblage publicitaire » assuré par
Criteo. On pourrait multiplier les exemples de développement recourant au Big
Data, au Cloud, à l’IoT, …
Ceci se passe
dans un contexte évolutif. Le métier informatique change : la technologie
se simplifie. On assiste a une série d’évolutions des matériels, les logiciels
de base et des protocoles. Windows, Linux, Internet, Java, PHP, les processeurs
Intel, … sont entrain de rationaliser et de simplifier les architectures. Ce
n’est pas parfait mais c’est un progrès notamment par rapport à la situation
antérieure. L’accès aux solutions s’est considérablement simplifié et a
facilité l’accès aux applications par les utilisateurs grâce au Cloud. Dans ces
conditions les informaticiens ont eu le sentiment d’être court-circuités
Dans ces
conditions les DSI s’inquiètent pour leur avenir. Les plus pessimistes
annoncent la fin des services informatiques. D’autres déplorent d’être réduit
au rôle de supplétifs. Il faut se rappeler que depuis les années soixante les
informaticiens ont pris l’habitude d’être les leaders. La mise en place des
relations maîtrise d’œuvre-maîtrise d’ouvrage s’est fait avec difficultés. Il
est certain que l’autonomie croissante des divisions, des départements et des
services des entreprises risquent de mettre en difficulté un certain nombre de
responsables informatique.
Mais ce n’est pas
pour autant la fin de l’informatique. Au contraire c’est une accélération de
son développement. Dans ce contexte les informaticiens disposent d’un certain
nombre d’avantages et notamment leurs compétences techniques et la maîtrise de
la gestion de projet. Il est certain qu’ils sont en train de perdre l’initiative
des nouvelles applications. Mais ils conservent des atouts importants en
matière de réalisation, d’exploitation et de maintenance.
Et maintenant que faire ?
On peut envisager
différentes mesures simples permettant d’améliorer la situation des entreprises
afin de faire face aux contraintes de la transformation numérique :
1.
Observer
les concurrents et en particulier les nouveaux venus. Il est nécessaire de repérer
très rapidement les innovations qui peuvent apparaître sur le marché afin
d’éviter l’uberisation et la disruption de leur entreprise. Pour cela il est
nécessaire de comprendre ce qui se passe non seulement en France mais aussi en
Europe et dans le monde. Elles peuvent venir des grandes entreprises mais aussi
de start-ups. L’objectif est d’avoir une vision mondiale des innovations
concernant l’activité de l’entreprise.
2.
Imaginer de
nouvelles opportunités offertes par la technologie. Sans attendre qu’à
l’autre bout du monde une entreprise fasse une innovation majeure il est
possible d’imaginer en interne de nouveaux services ou des produits originaux.
Il est pour cela nécessaire de détecter s’il existe dans l’entreprise des
personnes créatives et imaginatives. Souvent cette quête est décevante. Autre
solution : rechercher des compétences externes. Très souvent les
entreprises les trouvent en rachetant des start-ups ayant en leur sein des
personnes ayant les profils recherchés.
3.
Analyser
la rentabilité des opportunités. Cependant toutes les idées ne sont pas
bonnes. Il faut faire le tri et ne pas mettre en place des solutions qui ne
sont pas rentables. On a multiplié ces dernières années les sites Web mais ils
n’ont pas été tous aussi rentables que ce qui était espéré et certains ont même
été à l’origine de pertes massives. De même il n’est pas toujours raisonnable
de miser sur la publicité pour arriver à rentabiliser les sites car le volume
de la publicité sur Internet n’est pas illimité et les part du marché de la
publicité sont déjà prises.
4.
Importance
des études amont. Une fois l’opportunité détectée il est nécessaire de trouver
le bon « business model ». Ainsi Blablacar avant de trouver la bonne
formule avait essayé six « business model » différents. Dans certains
cas il est possible de réaliser un prototype et le tester. Mais c’est une
approche coûteuse et qui prend du temps. Pour aller plus vite il est préférable
de commencer le projet par une analyse de faisabilité afin de s’assurer de
l’intérêt de la solution envisagée, d’apprécier si la solution technique est
réaliste et surtout de vérifier la rentabilité de l’opération (chiffres
d’affaires, coûts directs, marge brute).
5.
Privilégier
la recherche de compétences. C’est un point clé car le manque de compétence
risque de freiner le processus de transformation numérique. Pour les trouver deux
approches sont possibles. La première consiste à rechercher les compétences en
interne mais ce n’est pas évident car on a souvent une politique de recrutement
qui ne privilégie pas la créativité et l’imagination. Il est bien entendu toujours
possible de former le personnel de l’entreprise mais cela risque de prendre du
temps. Deuxième approche possible : recruter ces compétences en externe. Ceci
peut être fait par le recrutement de nouveaux salariés, la recherche
personnalisée de personnes de haut niveau, l’achat de start-ups, l’appel à des
sociétés de service (s’il en existe dans ce domaine), ...
6.
La
transformation numérique représente de vrais investissements. Il est
nécessaire de développer des volumes importants de logiciels, d’acheter des
équipements conséquents et des logiciels coûteux, de disposer des équipes
d’assistance technique et fonctionnelle et d’assurer la maintenance des
équipements et des logiciels, ... Il est possible que ces investissements
laissent espérer des gains importants mais faut-il encore s’en assurer car les risques
sont eux aussi conséquents. Pour cette raison il est nécessaire de mettre en
place un management rigoureux à la hauteur des enjeux stratégiques.
7.
Gérer le
déploiement. C’est une étape importante et c’est, probablement, une des
raisons du succès des start-ups américaines. Il est nécessaire, même pour une
PME, d’avoir une vision mondiale et non local. La force des start-ups US est
leur capacité à avoir très vite une vision large de leur activité et de se
déployer très rapidement. L’ubiquité d’Internet facilite les opérations. Pour
réussir un déploiement international il est nécessaire de disposer très rapidement
d’une application multi-langues et multidevises. C’est toujours un projet
complexe et coûteux.
8.
Piloter
le changement. La gestion des changements est toujours une opération délicate.
À tout moment des problèmes nouveaux peuvent surgir. Le personnel est souvent
inquiet car il est face à des difficultés insoupçonnées car « on n’a
jamais fait comme ça ». Pour cette raison la transformation numérique
risque de coincer à de nombreux endroits. Il est pour cela nécessaire de piloter
les opérations en permanence. Il est notamment important de gérer leur enchaînement
en s’assurant que les mesures prévues soient effectivement appliquées à ce
qu’il n’y ait pas de goulet d’étranglement ou de passages à vide.
9.
Cultiver
les compétences. C’est le cœur du processus de développement. Sans disposer
des compétences nécessaires les projets de transformation numérique s’essoufflent
assez vite. Avoir la bonne idée n’est pas suffisant. Il faut aussi disposer des
compétences nécessaires pour la mettre entre œuvre. Il est pour cela indispensable
de relever le niveau des compétences. Comme nous l’avons vu ceci peut se faire
par différents moyens notamment le recrutement et la formation des
collaborateurs mais aussi des recrutements.
10. Réorganiser l’entreprise autour des
nouveaux produits et services. L’arrivé de ces nouvelles applications
nécessite de repenser les manières de travailler. On doit refonder les
processus, modifier les rôles et les responsabilités de chacun, définir de
nouvelles règles de contrôle interne, … C’est un travail long et difficile. Tout
cela prend du temps et nécessite des efforts importants. C’est si compliqué que
certaines entreprises sont tentées de créer une nouvelle entreprise à côté de
l’ancienne. Ce fut par exemple le cas d’IBM lorsqu’au début des années 80 il a
créé le PC. Par contre Apple a intégré le développement des Smartphones et
d’App Store dans son organisation en place.
11. Définir une gouvernance de la transformation
numérique. Beaucoup d’entreprises nomment des CDO, Chief Digital Officer.
Comme la transformation numérique touche toutes les unités de l’entreprise il
doivent avoir un positionnement suffisant pour leur permettre d’agir
efficacement. Très souvent c’est un manager noyé dans une entité comme le
Marketing ou le Commercial. Assez vite il risque de s’épuiser. La solution
consiste à confier cette mission au Président ou au Directeur Général quitte à
ce qu’il se fasse assisté par un petit groupe de professionnels fonctionnant en
mode mission. Mais ce n’est pas toujours possible à cause de la faible maîtrise
du sujet par les dirigeants.
12. Organiser la mission transformation
numérique. Trois domaines doivent être privilégiés :
·
Les nouveaux produits. L’objectif est d’identifier
les nouveaux produits, confier leur développement à une unité efficace, dégager
les ressources nécessaires, mettre rapidement ces nouveaux produits sur le
marché, …
·
Les nouveaux services. Pour cela on doit identifier
les nouveaux services à proposer aux clients, choisir les unités qui vont les
développer notamment assurer la réalisation des applications et assurer la mise
en œuvre des bases de données, dégager les ressources nécessaires, piloter le
déploiement, …
·
Les changements des process (production,
administratif, commercial). C’est la partie la plus délicate de la mutation. En
matière industrielle on appelle cela Usine 4.0. A coup de robots et d’Intelligence
Artificielle on restructure complètement le processus de production.
La transformation
numérique est, pour toutes les entreprises et les administrations, le challenge
des prochaines décennies. Les entreprises qui ne commencent pas aujourd’hui
cette longue évolution risquent de rencontrer assez vite des difficultés :
perte de chiffre d’affaires, dégradation de la marge, …. Avec le temps elles
vont devenir croissantes. Mais c’est aussi une opportunité remarquable leur
permettant d’assurer un développement important de leur activité tout en améliorant
leurs marges de manière significative.
[1]
- Le terme d’ubérisation a été inventé par Maurice Levy en 2014 alors qu’il
était Président du Groupe Publicis (Pour en savoir plus voir la page Wikipédia.
Pour cela cliquez ici ). Le terme a plu et son emploi c’est rapidement généralisé.
[2]
- On attribue le concept de « disruption » à Clayton Christensen,
professeur à Harvard, qui s’est fait mondialement connaître par son best-seller
"Innovator’s Dilemma" (1997). En fait ce terme a été défini 5 ans
plutôt, en 1992, par un français Jean-Marie Dru, co-fondateur de l’agence
française BDDP, aujourd’hui Président non exécutif de TBWA, dans son livre
« New : 15 approches disruptives de l’innovation" (Edition
Pearson) (Pour en savoir plus cliquez ici).
[3]
- Elon Musk, PDG de SpaceX et de Tesla, est un serial disrupteur (Voir le post
de Christophe Legrenzi « L’ADN des nouveaux managers : le cas d’Elon
Musk » sur le site GouvSI : http://gouvsi.blogspot.fr.
( Pour lire ce texte cliquez ici )
[4]
- Ce chiffre usuellement dit et répété me semble très optimiste. 3 ou 4 serait,
probablement plus réaliste.
[5]
- Sans tenir compte de nombreux gadgets qui ont un succès pendant quelques
jours et disparaissent quelques mois après.
[6]
- Voir le classement des 500 plus grandes entreprises établi par Fortune dans
Wikipédia cliquez ici.
[7]
- Tous les responsables informatiques et les consultants ont des stocks d’histoires
mettant en avant les bévues et l’incompréhension des décideurs face à l’informatique,
aux nouvelles technologies et maintenant à de la transformation numérique.
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