mercredi 4 octobre 2017

Urgent : la transformation numérique est à nos portes

Le terme « transformation numérique » n’est plus qu’un simple buzzword. Il devient de jour en jour un sujet de plus en plus chaud et il devient même brûlant. Les entreprises, après avoir longuement discourues sur le sujet, commencent à rentrer dans le cœur du sujet et découvrent toute sa complexité.
Nous avons déjà évoqué sur ce blog ce thème depuis deux ans dans deux posts. Le premier en septembre 2015 : « Quelques réflexions à propos de la transformation numérique » (Pour lire ce texte cliquez ici) Nous avons poussé l’analyse dans un deuxième post en septembre 2016 : « Les stratégies de transformation numérique gagnantes » (Pour lire ce texte cliquez ici ).
Mais, pour l’instant, il faut bien l’admettre, les réalisations opérationnelles rencontrant un large succès sont encore assez rares. On a beau chercher on ne trouve aucune entreprise française parmi le classement des entreprises leader du numérique. On cherche encore les Amazon, les Facebook et les Google français.
Aujourd’hui on commence d’entrer dans le « gras du sujet » et un certain nombre de problèmes jusque-là ignorés surgissent. Ce troisième post a pour objectif de mieux les cerner et de suggérer des solutions possibles.

La transformation numérique n’est pas qu’un buzzword

Le terme « transformation numérique » tend à être mis à toutes les sauces : Big Data, IoT, IA, Robot, VR, Cloud, ... C’est mode. Mais au-delà des termes il faut voir que c’est, en fait, une nouvelle vague de l’informatique. Après avoir connu l’ère des mainframes, dans les années soixante soixante-dix, puis le déferlement des PC, dans les années quatre-vingt, qui a ensuite été amplifié par Internet, dans les années quatre-vingt-dix, et plus récemment, à partir de 2007 avec l’apparition des smartphones on arrive à un cinquième stade qui est celui du développement de nouveaux produits et de nouveaux services basés sur la conjonction de l’informatique et des télécommunications.
Chaque vague de l’informatique s’est traduite par l’apparition d’un certain nombre de nouvelles applications :
1.     Les mainframes ont permis de traiter la facturation, la paie, la comptabilité clients et la comptabilité générale, la gestion des stocks, …
2.     Les micro-ordinateurs sont développés grâce aux tableurs, au traitement de texte, les logiciels de présentation de diapositives, les tableaux de bords, …
3.     Internet a permis l’apparition et le développement très rapide du Web, des mails, le commerce électronique, ….
4.     Les smartphones et les tablettes ont permis le développement des usages qui s’est traduit par de nouvelles applications. On assiste même à une explosion du nombre et de la variété des applications. Pour s’en assurer il suffit de consulter le contenu des app store. Ainsi Google Play propose 2,7 millions d’applications, App Store dispose de 2,2 millions d’applications, Windows Store offre 700.000 applications, …. Au-delà du nombre on ne peut qu’être impressionné par leur variété.
Cette explosion du nombre des applications a un impact direct sur les entreprises et les administrations. Ils agissent de deux manières différentes :
-       Une multiplication des offres de services ou de produits,
-       Un changement radical dans les process de création, de production et de distribution des produits et des services.
Comme on le voit, c’est une mutation profonde, signe indiscutable d’un changement radical de l’organisation et du fonctionnement des entreprises. Il est évident qu’elles entrent dans un nouveau monde. Et c’est bien le problème posé par la transformation numérique.

Un vrai sujet

Les entreprises et les administrations sont donc face à une mutation de grande ampleur qui va modifier en profondeur leur stratégie, leur organisation, leurs procédures, les compétences mises en œuvre et les savoirs faires nécessaires pour les mettre en œuvre, …. C’est un profond bouleversement. Certain parlent même de révolution.
Mais tout ceci. Cela fait plusieurs années que les observateurs attentifs voient cette révolution arriver. Elle est, en grande partie due aux progrès technologiques notamment en matière de micro-électronique et de télécommunication. Elle a permis de créer des systèmes d’exploitation, des environnements de développement (SDK : Software Development Kit), des protocoles de communication, des bases de données, …. de plus en plus puissants, capables de supporter des applications de plus en plus sophistiquées.
Ce qui est nouveau, c’est la réaction des entreprises à ces changements. C’est la grande peur de l’Uberisation ([1]), c’est-à-dire la crainte de voir subitement disparaître le marché traditionnel de l’entreprise. Le terme exact décrivant ce phénomène est celui de la disruption ([2]). Pour Jean-Marie Dru "L’innovation disruptive est une innovation de rupture, par opposition à l’innovation incrémentale, qui se contente d’optimiser l’existant ". Elle peut être faite par une start-up mais elle est plus souvent faite par une grande entreprise comme IBM qui a réalisé le PC, Apple avec le Smartphone, SpaceX avec la récupération du 1er étage de la fusée Falcon, Tesla avec le pilotage automatique du modèle S ([3]), ….
Ceci dit la disruption n’est pas une nouveauté. Il y a 250 ans elle était déjà au cœur de la Révolution Industrielle avec l’invention par James Watt de la machine à vapeur, John Kay avec la navette volante,  Richard Arkwright avec la « water-frame », première machine à filer,  Edmund Cartwright, invente le métier à tisser mécanique, Abraham Darby avec l’idée de faire de la fonte avec du coke, George Stephenson avec la locomotive, …. Ce sont toutes des innovations qui rendent rapidement obsolètes toutes les solutions antérieures. 
Les dirigeants des grandes et des moyennes entreprises ont très vite compris que celles-ci risquaient d’être toutes uberisées et de disparaître. En quelques mois la plupart des entreprises se sont dotées de CDO, Chief Digital Officer, chargés d’assurer leur transformation numérique. Mais on constate que d’une entreprise à l’autre leur mission est très variable. Certains s’occupent de Big Data, d’autres imaginent de nouveaux services, pendant que d’autres font de l’évangélisation, …

Trois questions clés

Comme nous l’avons vu dans le post : « Quelques réflexions à propos de la transformation numérique » cette dernière pose aux directions des entreprises trois problèmes de fond (Pour lire ce texte cliquez ici ) :
·       Est-ce que l’entreprise a la capacité de saisir les opportunités rendues possibles par la technologie ? Si on analyse les opérations de ce type lancées par les entreprises du CAC 40 on s’aperçoit que moins de 10 ([4]) ont lancé des opérations de transformation numériques qui fonctionnent réellement et donnent effectivement des résultats. De plus, à ce jour aucune entreprise de grande taille n'a annoncé un succès indiscutable et visible dans le domaine du numérique. Quant aux trois - quart des autres entreprises ils parlent ou annoncent des plans très ambitieux mais il y a peu de chance qu’ils les réalisent.
·       Dispose t’on dans les entreprises les compétences nécessaires pour mettre en œuvre les solutions numériques ? Quels sont les savoirs et les savoirs faires nécessaires ? Où le les trouver ? L’inculture informatique de la majorité des décideurs (pour ne pas dire de la quasi-totalité) est un vrai problème. Nous constations dans un précédant post que : « n'ayant pas les concepts de base de l'informatique et des systèmes d'information ils ne peuvent que rester dubitatif devant tous ces changements. Le flou des responsabilités en matière de transformation numérique » est un autre problème. « Qui doit avoir l’initiative de lancer de nouveaux produits ou de nouveaux services ? Dans ce contexte dominé par l'ignorance comment peut-on envisager de développer les idées qui feront le chiffre d'affaires de demain. »
·       Quel est le rôle des informaticiens dans le cadre des transformations numériques ? Nous constations dans le même post que : « curieusement on voit peu d'informaticiens dans le cadre des opérations de transformation numérique. Quel rôle leur est dévolu ? L'informatique serait-elle une chose trop sérieuse pour la confier aux seuls informaticiens ? Il faut être raisonnable, peut-on sérieusement faire de l'informatique sans informaticien ? A l'inverse on peut s'interroger sur la capacité des DSI à prendre en charge des opérations de transformation numérique ? »
Ces trois questions méritent quelques réflexions.

Les opportunités ne se présentent pas deux fois

Chaque année de nombreuses opportunités se présentent. Elles sont, en grande partie, dues aux progrès de la technologie et des environnements de développement informatique. Elles permettent de créer de nouvelles applications très différentes de toutes celles qui existent. Ce peuvent être de nouveaux produits comme le smartphone, les véhicules autonomes, le management de la climatisation à distance et la sécurité, les compteurs intelligents, …. ([5]) Ces opportunités peuvent être des logiciels comme les systèmes d’exploitation tel qu’Android, les bases de données, les jeux électroniques, … Mais surtout on assiste au développement de nombreux nouveaux services comme le Cloud, la maintenance des équipements à distance (comme Predix de GE), le monitoring des malades, le management d’installations à distance, le diagnostic à distance des véhicules, … Cette liste est incomplète et évolue en permanence.
Ces innovations se traduisent par l’apparition de nouveaux « business model » basés sur ces nouvelles applications. Dans le passé cela a été le cas d’Amazon, de Google, de Skype, de Facebook, d’Airbnb, d’Uber, …. Tous les ans, parmi les centaines et les milliers de start-ups apparaissant on constate l’apparition de quelques nouveaux « business model » différents. On constate que peu de grandes entreprises traditionnelles ont jusqu’à ce jour réussi à changer profondément de modèle économique. Parmi les plus grandes entreprises mondiales ([6]) on constate qu’il y a peu de leaders en matière de nouveaux modèles d’affaires. Si on liste les plus grandes entreprises mondiales on constate que très peu ont sauté le pas :

1.     Wall-Mart,
2.     SGCC (State Grid Corporation of China),
3.     CNPC (China National Petroleum Corporation),
4.     Sinopec,
5.     Royal Dutch Shell,
6.     ExxonMobil,
7.     Volkswagen,
8.     Toyota Motor,
9.     Apple,
10.  BP,
11.  Berkshire Hathaway,
12.  McKesson,
13.  Samsung Electronic,
14.  Glencore Xstrata,
15.  ICBC (Banque Industrielle et Commerciale de Chine),
16.  Daimler AG,
17.  UnitedHealth,
18.  CVS Health,
19.  EXOR (Fiat Chrysler),
20.  General Motors,
21.  Ford,
….
Les 21 plus grandes entreprises mondiales

En analysant cette liste on constate qu’en dehors des fournisseurs comme Apple ou Samsung les autres entreprises ont du mal à trouver des « business model » adaptés. On note dans cette liste la présence de McKesson, un très important distributeur pharmaceutique, qui a eu l’idée intéressante de créer une division technologique chargée de vendre des services numériques. Toutes les autres entreprises de cette liste ont du mal à entrer dans le nouveau monde.

Risques ou opportunités

Pour toutes les entreprises le numérique est une opportunité mais c’est aussi une véritable menace. Elles risquent la disruption qui se traduira, un jour ou l’autre, par la perte de contact avec leur marché. C’est notamment le cas des grands distributeurs, des banques, des constructeurs automobiles, … Même les pétroliers et les producteurs de minerais sont menacés.
Cependant, bonne nouvelle, les opportunités sont nombreuses comme la possibilité de trouver de nouveaux clients, de mieux fidéliser les clients existants, de créer de nouveaux services et d’améliorer les process. Examinons ces différents points :
1.     Trouver de nouveaux clients. A côté les clients habituels de l’entreprise il existe des millions de personnes qui pourraient être clients mais qui ne la connaissent pas ou qui habitent trop loin d’une boutique, d’une agence ou d’un bureau pour être un client. Même s’ils connaissent l’entreprise ils ignorent le détail de ses produits et de ses services. Cela se traduit par une augmentation significative du chiffre d’affaires.
2.     Fidéliser les clients. Chaque client est un cas particulier avec ses préférences, ses attentes, ses comportements, … Il est aujourd’hui possible de suivre individuellement chaque client, de le relancer régulièrement, de lui faire des offres personnalisées, …. Les outils et les méthodes du Big Data permettent de suivre pas à pas chaque client.
3.     Créer de nouveaux services. Dans toute entreprise, quel que soit son secteur d’activité, il est possible de trouver de nouvelles activités de service reposant sur l’information et complétant tous les produits et les services existants. Certains seront fournis gratuitement et d’autres seront payants. Ils permettront d’augmenter de manière importante le chiffre d’affaires des entreprises.
4.     Améliorer les process. Grâce à des systèmes d’information alimentés en temps réel et aux robots capables de dialoguer avec les clients il est possible d’améliorer de manière significative l’efficacité des processus que ce soit la fabrication des produits, la logistique, la gestion des commandes, … C’est une réserve importante de gains de productivité.
Comme on le voit ce n’est pas le nombre des opportunités intéressantes qui manquent mais les entreprises ayant la volonté et le courage de les saisir.

Le problème des compétences

En fait la véritable limite de la transformation numérique n’est pas liée à la technologie mais elle est due au manque de personnes ayant les connaissances et les savoirs faires nécessaires pour détecter et réaliser les opportunités qui se présentent.
C’est un point très important et un peu inquiétant. Il est en effet nécessaire que l’entreprise dispose de personnels capables d’imaginer ces nouvelles applications, de les réaliser, de les mettre en œuvre et de proposer la manière de les vendre. Pour certains travaux, notamment la réalisation des nouvelles applications, les informaticiens sont les seuls à pouvoir les prendre en charge. Mais pour les autres personnes de l’entreprise l’absence de compétences est une situation délicate et dommageable.
Ce manque ne concerne pas seulement les exécutants mais surtout les managers et les décideurs. Or, très souvent, les dirigeants de haut niveau ont des relations difficiles avec la technologie. C’est une situation assez paradoxale car la plupart d’entre eux ont reçu dans leur jeunesse une formation d’ingénieur mais depuis du temps est passé ([7]).
Bien entendu il existe des dirigeants qui sont à l’aise avec la technologie. Mais ces cas sont encore assez rares. C’était, par exemple, le cas de Jeffrey Immelt de GE ou de Maurice Levy de Publicis. Cependant Maurice Levy avant d’être un PDG à succès a été informaticien. Les autres décideurs ont une relation complexe et distante avec l’informatique. La plupart des décideurs considèrent que c’est de l’intendance et certains pensent même que les informaticiens posent plus de problèmes qu’ils n’apportent de solutions. Dans ces conditions on comprend qu’ils ont du mal à appréhender les transformations numériques à mettre en œuvre.
Il y a ensuite le cas des responsables métiers comme le marketing, le commercial, la production, la logistique, … On constate qu’ils ont, eux aussi, du mal à comprendre ce qu’ils doivent faire et quel doit être leur rôle exact dans l’ensemble du processus. Ce n’est pas nouveau. Ils avaient déjà eu du mal avec l’informatique classique. Cependant ce n’est pas le cas de tous les responsables métiers. Depuis longtemps les directeurs financiers, les chefs comptables, les responsables de l’administration des ventes, …. ont depuis longtemps appris à maîtriser leurs applications informatique. Mais, leur influence est limitée car ils sont minoritaires dans les comités de direction. Pendant ce temps les autres responsables pataugent.
Quant au reste du personnel de l’entreprise, cadres et employés, ils voient bien que leur compagnie a du mal avec sa future transformation numérique. Il y a trente ans on avait connu le même phénomène avec le PC et il avait fallu plus de dix ans pour qu’une politique claire soit défini et mise en œuvre.
Très souvent on constate qu’il y a un écart significatif entre les déclarations de principes des dirigeants et des CDO (Chief Digital Officer) et la réalité de la transformation numérique dans leurs entreprises. Ceci est dû au fait que les entreprises butent assez vite sur des problèmes de compétence. Pour faire avancer ce type d’opérations il faut des connaissances et de l’expérience. Bien entendu il est possible de palier à ces difficultés mais cela risque de prendre du temps. Or nous sommes dans une course mondiale avec des entreprises américaines, qui ont pris une solide avance, et des chinoises qui mettent les bouchées double mais rassurez-vous l’Europe et notamment la France ont encore des avantages à faire valoir mais le temps passe.

Les informaticiens face à leur avenir

Pendant ce temps les informaticiens manifestent leur perplexité et même certains sont assez inquiets par ces changements qui ne leurs disent rien de bien. En effet le coup est parti sans eux. Alors qu’ils étaient occupés par de nombreux travaux de maintenance et de migration des applications existantes et d’assurent l’évolution des configurations le processus de la transformation numérique s’est développée sans faire appel à leurs compétences. Certains responsables marketing ont, par exemple, mis en place Salesforce alors que d’autres ont recouru au « reciblage publicitaire » assuré par Criteo. On pourrait multiplier les exemples de développement recourant au Big Data, au Cloud, à l’IoT, …
Ceci se passe dans un contexte évolutif. Le métier informatique change : la technologie se simplifie. On assiste a une série d’évolutions des matériels, les logiciels de base et des protocoles. Windows, Linux, Internet, Java, PHP, les processeurs Intel, … sont entrain de rationaliser et de simplifier les architectures. Ce n’est pas parfait mais c’est un progrès notamment par rapport à la situation antérieure. L’accès aux solutions s’est considérablement simplifié et a facilité l’accès aux applications par les utilisateurs grâce au Cloud. Dans ces conditions les informaticiens ont eu le sentiment d’être court-circuités
Dans ces conditions les DSI s’inquiètent pour leur avenir. Les plus pessimistes annoncent la fin des services informatiques. D’autres déplorent d’être réduit au rôle de supplétifs. Il faut se rappeler que depuis les années soixante les informaticiens ont pris l’habitude d’être les leaders. La mise en place des relations maîtrise d’œuvre-maîtrise d’ouvrage s’est fait avec difficultés. Il est certain que l’autonomie croissante des divisions, des départements et des services des entreprises risquent de mettre en difficulté un certain nombre de responsables informatique.  
Mais ce n’est pas pour autant la fin de l’informatique. Au contraire c’est une accélération de son développement. Dans ce contexte les informaticiens disposent d’un certain nombre d’avantages et notamment leurs compétences techniques et la maîtrise de la gestion de projet. Il est certain qu’ils sont en train de perdre l’initiative des nouvelles applications. Mais ils conservent des atouts importants en matière de réalisation, d’exploitation et de maintenance.

Et maintenant que faire ?

On peut envisager différentes mesures simples permettant d’améliorer la situation des entreprises afin de faire face aux contraintes de la transformation numérique :
1.     Observer les concurrents et en particulier les nouveaux venus. Il est nécessaire de repérer très rapidement les innovations qui peuvent apparaître sur le marché afin d’éviter l’uberisation et la disruption de leur entreprise. Pour cela il est nécessaire de comprendre ce qui se passe non seulement en France mais aussi en Europe et dans le monde. Elles peuvent venir des grandes entreprises mais aussi de start-ups. L’objectif est d’avoir une vision mondiale des innovations concernant l’activité de l’entreprise.
2.     Imaginer de nouvelles opportunités offertes par la technologie. Sans attendre qu’à l’autre bout du monde une entreprise fasse une innovation majeure il est possible d’imaginer en interne de nouveaux services ou des produits originaux. Il est pour cela nécessaire de détecter s’il existe dans l’entreprise des personnes créatives et imaginatives. Souvent cette quête est décevante. Autre solution : rechercher des compétences externes. Très souvent les entreprises les trouvent en rachetant des start-ups ayant en leur sein des personnes ayant les profils recherchés.
3.     Analyser la rentabilité des opportunités. Cependant toutes les idées ne sont pas bonnes. Il faut faire le tri et ne pas mettre en place des solutions qui ne sont pas rentables. On a multiplié ces dernières années les sites Web mais ils n’ont pas été tous aussi rentables que ce qui était espéré et certains ont même été à l’origine de pertes massives. De même il n’est pas toujours raisonnable de miser sur la publicité pour arriver à rentabiliser les sites car le volume de la publicité sur Internet n’est pas illimité et les part du marché de la publicité sont déjà prises.
4.     Importance des études amont. Une fois l’opportunité détectée il est nécessaire de trouver le bon « business model ». Ainsi Blablacar avant de trouver la bonne formule avait essayé six « business model » différents. Dans certains cas il est possible de réaliser un prototype et le tester. Mais c’est une approche coûteuse et qui prend du temps. Pour aller plus vite il est préférable de commencer le projet par une analyse de faisabilité afin de s’assurer de l’intérêt de la solution envisagée, d’apprécier si la solution technique est réaliste et surtout de vérifier la rentabilité de l’opération (chiffres d’affaires, coûts directs, marge brute).
5.     Privilégier la recherche de compétences. C’est un point clé car le manque de compétence risque de freiner le processus de transformation numérique. Pour les trouver deux approches sont possibles. La première consiste à rechercher les compétences en interne mais ce n’est pas évident car on a souvent une politique de recrutement qui ne privilégie pas la créativité et l’imagination. Il est bien entendu toujours possible de former le personnel de l’entreprise mais cela risque de prendre du temps. Deuxième approche possible : recruter ces compétences en externe. Ceci peut être fait par le recrutement de nouveaux salariés, la recherche personnalisée de personnes de haut niveau, l’achat de start-ups, l’appel à des sociétés de service (s’il en existe dans ce domaine), ...
6.     La transformation numérique représente de vrais investissements. Il est nécessaire de développer des volumes importants de logiciels, d’acheter des équipements conséquents et des logiciels coûteux, de disposer des équipes d’assistance technique et fonctionnelle et d’assurer la maintenance des équipements et des logiciels, ... Il est possible que ces investissements laissent espérer des gains importants mais faut-il encore s’en assurer car les risques sont eux aussi conséquents. Pour cette raison il est nécessaire de mettre en place un management rigoureux à la hauteur des enjeux stratégiques.
7.     Gérer le déploiement. C’est une étape importante et c’est, probablement, une des raisons du succès des start-ups américaines. Il est nécessaire, même pour une PME, d’avoir une vision mondiale et non local. La force des start-ups US est leur capacité à avoir très vite une vision large de leur activité et de se déployer très rapidement. L’ubiquité d’Internet facilite les opérations. Pour réussir un déploiement international il est nécessaire de disposer très rapidement d’une application multi-langues et multidevises. C’est toujours un projet complexe et coûteux.
8.     Piloter le changement. La gestion des changements est toujours une opération délicate. À tout moment des problèmes nouveaux peuvent surgir. Le personnel est souvent inquiet car il est face à des difficultés insoupçonnées car « on n’a jamais fait comme ça ». Pour cette raison la transformation numérique risque de coincer à de nombreux endroits. Il est pour cela nécessaire de piloter les opérations en permanence. Il est notamment important de gérer leur enchaînement en s’assurant que les mesures prévues soient effectivement appliquées à ce qu’il n’y ait pas de goulet d’étranglement ou de passages à vide.
9.     Cultiver les compétences. C’est le cœur du processus de développement. Sans disposer des compétences nécessaires les projets de transformation numérique s’essoufflent assez vite. Avoir la bonne idée n’est pas suffisant. Il faut aussi disposer des compétences nécessaires pour la mettre entre œuvre. Il est pour cela indispensable de relever le niveau des compétences. Comme nous l’avons vu ceci peut se faire par différents moyens notamment le recrutement et la formation des collaborateurs mais aussi des recrutements.
10.  Réorganiser l’entreprise autour des nouveaux produits et services. L’arrivé de ces nouvelles applications nécessite de repenser les manières de travailler. On doit refonder les processus, modifier les rôles et les responsabilités de chacun, définir de nouvelles règles de contrôle interne, … C’est un travail long et difficile. Tout cela prend du temps et nécessite des efforts importants. C’est si compliqué que certaines entreprises sont tentées de créer une nouvelle entreprise à côté de l’ancienne. Ce fut par exemple le cas d’IBM lorsqu’au début des années 80 il a créé le PC. Par contre Apple a intégré le développement des Smartphones et d’App Store dans son organisation en place.
11.  Définir une gouvernance de la transformation numérique. Beaucoup d’entreprises nomment des CDO, Chief Digital Officer. Comme la transformation numérique touche toutes les unités de l’entreprise il doivent avoir un positionnement suffisant pour leur permettre d’agir efficacement. Très souvent c’est un manager noyé dans une entité comme le Marketing ou le Commercial. Assez vite il risque de s’épuiser. La solution consiste à confier cette mission au Président ou au Directeur Général quitte à ce qu’il se fasse assisté par un petit groupe de professionnels fonctionnant en mode mission. Mais ce n’est pas toujours possible à cause de la faible maîtrise du sujet par les dirigeants.
12.  Organiser la mission transformation numérique. Trois domaines doivent être privilégiés :
·       Les nouveaux produits. L’objectif est d’identifier les nouveaux produits, confier leur développement à une unité efficace, dégager les ressources nécessaires, mettre rapidement ces nouveaux produits sur le marché, …
·       Les nouveaux services. Pour cela on doit identifier les nouveaux services à proposer aux clients, choisir les unités qui vont les développer notamment assurer la réalisation des applications et assurer la mise en œuvre des bases de données, dégager les ressources nécessaires, piloter le déploiement, …
·       Les changements des process (production, administratif, commercial). C’est la partie la plus délicate de la mutation. En matière industrielle on appelle cela Usine 4.0. A coup de robots et d’Intelligence Artificielle on restructure complètement le processus de production.


La transformation numérique est, pour toutes les entreprises et les administrations, le challenge des prochaines décennies. Les entreprises qui ne commencent pas aujourd’hui cette longue évolution risquent de rencontrer assez vite des difficultés : perte de chiffre d’affaires, dégradation de la marge, …. Avec le temps elles vont devenir croissantes. Mais c’est aussi une opportunité remarquable leur permettant d’assurer un développement important de leur activité tout en améliorant leurs marges de manière significative.





[1] - Le terme d’ubérisation a été inventé par Maurice Levy en 2014 alors qu’il était Président du Groupe Publicis (Pour en savoir plus voir la page Wikipédia. Pour cela cliquez ici ). Le terme a plu et son emploi c’est rapidement généralisé.
[2] - On attribue le concept de « disruption » à Clayton Christensen, professeur à Harvard, qui s’est fait mondialement connaître par son best-seller "Innovator’s Dilemma" (1997). En fait ce terme a été défini 5 ans plutôt, en 1992, par un français Jean-Marie Dru, co-fondateur de l’agence française BDDP, aujourd’hui Président non exécutif de TBWA, dans son livre « New : 15 approches disruptives de l’innovation" (Edition Pearson) (Pour en savoir plus cliquez ici).

[3] - Elon Musk, PDG de SpaceX et de Tesla, est un serial disrupteur (Voir le post de Christophe Legrenzi « L’ADN des nouveaux managers : le cas d’Elon Musk » sur le site GouvSI : http://gouvsi.blogspot.fr. ( Pour lire ce texte cliquez ici )
[4] - Ce chiffre usuellement dit et répété me semble très optimiste. 3 ou 4 serait, probablement plus réaliste.
[5] - Sans tenir compte de nombreux gadgets qui ont un succès pendant quelques jours et disparaissent quelques mois après.
[6] - Voir le classement des 500 plus grandes entreprises établi par Fortune dans Wikipédia cliquez ici.
[7] - Tous les responsables informatiques et les consultants ont des stocks d’histoires mettant en avant les bévues et l’incompréhension des décideurs face à l’informatique, aux nouvelles technologies et maintenant à de la transformation numérique. 

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