Comme tous les
ans le World Economic Forum (Davos) publie son classement annuel du
développement informatique : The Global Information Technology Report 2014.
Page de garde du rapport 2014 du WEF |
L’an passé nous
avions constaté le dévissage de la France dans ce classement (Voir sur ce
blog le message du 6 juillet 2013 : Economie numérique : la France classée au26ème rang mondial par le Forum de Davos,
voir aussi le message du 19 mars 2012 : Le classement informatique duWorld Economic Forum : Une triste réalité).
Entre 2009 et 2013 la France était passée de la 18ème à la 26ème
place. Nous écrivions alors « Ce dévisage était prévisible. C’est la
conséquence d’une série d’erreurs stratégiques faites depuis de nombreuses
années notamment par les gouvernements successifs mais aussi par les nombreuses
entreprises intervenant dans le domaine de l’économie numérique sans compter
les universités et les grandes écoles. A force de ne pas apprécier correctement
les enjeux, on finit par prendre des mesures peu efficaces, voir
contre-productives ». Et nous concluions : « Il serait temps de
prendre au sérieux l’économie numérique. »
Une hirondelle fait-elle le Printemps ?
Cette année on a
deux nouvelles et, selon la formule classique, une bonne et une mauvaise. La
bonne est que la position de la France s’est stabilisée et à même regagné une
place au 25ème rang. La chute semble enrayée. Est-ce l’impact de la "feuille de route" de Fleur Pèlerin lancée en Février 2013 ? (Voir sur ce
blog le message du 11 avril 2013 : « Est-ce le début du commencement ?» )
Nous disions l’an passé : « il est trop tôt pour porter un jugement
sur l’impact du plan de Fleur Pellerin. On verra l’an prochain si elle a eu un
impact et quel est son ampleur ». Aujourd’hui on peut observer l’arrêt de
cette dégradation. C’est déjà pas mal. Mais il faut encore un peu de temps pour
constater un redressement.
La mauvaise nouvelle
est que la France n’est remontée que d’une place et elle se trouve loin
derrière les premiers de la classe. Elle est encadré d’une part par le Qatar et
les Emirats Arabes Unis, et de l’autre par l’Irlande et la Belgique.
Classement 2014 des pays selon le Networkeed Readiness Index |
Le "Top ten" du classement |
Les dix premiers
pays de la liste sont : la Finlande, Singapour, la Suède, la Hollande, la
Norvège, la Suisse, les Etats-Unis, Hong-Kong, la Grande-Bretagne et la Corée. Cette
liste est assez stable dans le temps. Les six premiers du classement sont les
mêmes qu’en 2013 et sont aux mêmes places.
Deux pays
rentrent dans ce classement : Hong-Kong qui est passé de la 14ème
place au 8ème et la Corée qui passe du 11ème rang au 10ème.
Deux pays sortent de la liste : le Danemark qui passe de la 8ème
à la 13ème place et Taiwan du 10ème à la 14ème
place. La Grande-Bretagne et les Etats-Unis ont permuté entre la 7ème
à la 9ème place.
Une fois de plus
on constate que sur les dix premiers pays du classement six sont européens et ce
sont tous des états de l’Europe du Nord ou assimilé : la Finlande, la
Suède, les Pays-Bas, la Norvège, la Suisse et la Grande Bretagne. En tête du
classement il n’y a aucun pays de l’Europe du Sud !
Les 28 premiers pays du classement |
L’Europe du Sud
commence à partir de la 25ème place avec la France, suivie par le
Portugal (33ème), l’Espagne (34ème), l’Italie (58ème)
([1]), la
Grèce (74ème),…. On observe qu’en Europe il y a manifestement deux
approches différentes des TIC comme on le constate en matière financière. L’Europe
du Nord fait les bons choix, réalise les bons investissements, dégage une
contribution significative des TIC à l’augmentation de la valeur ajoutée et
crée de nombreux emplois qualifiés. Les autres ont plus de mal à dégager des
résultats significatifs. Ce sont les PIGS.
Il est à noter
que les BRICS, qui sont habituellement présentés comme les espoirs de la
croissance de demain, se situent dans le classement du WEF entre la 50ème
et la 83ème place : Brésil (69ème), Russie (50ème), Inde (83ème
au lieu de la 68ème en 2013), Chine (62ème) et l’Afrique du Sud
(70ème). Manifestement ces pays, qui sont censés prendre dans les années à
venir le relais des pays développés, seront tôt ou tard freinés par leurs
retards dans le domaine des investissements en TIC.
Les pays se
trouvant dans la deuxième partie du tableau (à partir du 75ème rang)
sont pour l’essentiel des états d’Afrique, d’Amérique Latine ou d’Asie comme le
Mexique (79ème), l’Egypte (91ème), le Maroc (99ème),
l’Argentine (100ème), l’Iran (104ème), le Venezuela (106ème),
le Pakistan (111ème), le Nigéria (112ème , le Bengladesh
(119ème), l’Algérie (129ème), … Ces états n’ont pas de
politique claire dans le domaine des TIC et n’ont pas effectué les
investissements nécessaires. De plus, ils sont pénalisés par le faible niveau
de leur PIB et par le médiocre niveau de leurs investissements. Dans ces
conditions ils auront beaucoup de mal à bénéficier des avantages des TIC dans
les années à venir et on peut craindre que leur position va continuer de se
dégrader comme l’Inde qui est passée en un an du 68ème rang au 83ème,
le Brésil du 60ème au 69ème, l’Egypte du 80ème
au 91ème, le Maroc du 89ème au 99ème, ….
La France : Une grande continuité dans
la fragilité
La France n’est
pas dans ce cas. Mais il est difficile de se contenter de la 25ème place
quand on prétend être la 5ème nation dans le monde. On notera que son
rang a varié dans le temps mais la valeur de son indicateur NRI est très stable
dans le temps. Il est aujourd’hui égal à 5,1 comme l’an passé. Mais en 2007 il
avait déjà la même valeur. Il a légèrement augmenté en 2008 à 5,2 puis il est
retombé à 4,9 en 2010. En fait, ce qui a changé ce n’est pas l’index de la
France mais ceux des différents autres pays qui ont profité de l’après-crise
pour effectuer des efforts importants dans le domaine des TIC et ainsi
améliorer leur position concurrentielle.
Fiche d'évaluation NRI de la France en 2014 |
·
La facilité de mise en
œuvre : 72ème. Ce positionnement calamiteux pèse lourd
dans le médiocre rang de la France. Il est dû aux tarifs des télécommunications
notamment ceux des mobiles qui sont parmi les plus élevés au monde (124ème),
·
L’environnement des
affaires et l’innovation : 47ème. Plusieurs facteurs
expliquent cette mauvaise situation notamment le poids des taxes sur les
bénéfices (la France est au 136ème rang !! avec un taux de prélèvement
de 64,7 %), la « timidité » du venture capital, le faible niveau des
achats publics dans les nouvelles technologies et le nombre faible d’étudiants
dans l’enseignement supérieur (la France est au 45ème rang !).
·
L’impact social :
35ème. Ceci est dû au faible usage d’Internet dans les écoles et l'utilisation
des TIC par l’administration et leur efficacité.
Comme on le voit
il serait assez simple de corriger la plupart de ces faiblesses, il suffit d’en
avoir la volonté. Quasiment toutes dépendent de décisions des instances publiques
sauf la médiocrité du venture capital. Faut-il encore avoir une idée claire des
faiblesses de l’économie numérique en France ! Or « la feuille de
route » de Fleur Pellerin ignore la plupart de ces points.
Heureusement à
côté de ces points faibles il y a quelques points forts. Ils sont au nombre de
trois :
·
Les compétences :
19ème. Ceci est dû au taux de scolarisation dans le secondaire, au
faible taux d’illettrisme et à la qualité de l’enseignement des mathématiques
et des sciences.
·
Les impacts économiques :
19ème. On note le nombre élevé de salariés ayant un haut niveau de
connaissance, le nombre de brevets concernant les applications des TIC et l’impact
positif des TIC sur les nouveaux produits et services.
·
Les usages dans
l’entreprise : 20ème. Ceci est dû à la capacité
d’innovation et le nombre de brevets pris.
Mais ces quelques
points forts ne sont pas suffisants (en nombre et en niveau) pour
contrebalancer l’effet des nombreux points faibles. De plus ils ne concernent
pas directement les TIC mais le contexte social et économique général.
S’inspirer du premier de la classe
Pour la deuxième
année consécutive la Finlande est le 1ère pays du classement. La
comparaison de sa fiche de calcul à celle de la France permettant de constater
une différence fondamentale : la France a peu de points d’excellence et un
nombre élevé de points faibles.
Elle n’a qu’un
seul indicateur sur 54 classée 1er et aucun
indicateur se trouvant entre la 2ème à
la 4ème place. Par contre elle souffre de nombreux
points faibles : 16 des 54 indicateurs du NRI sont au-delà du 40ème
rang. Leur liste est impressionnante, en dehors de ceux déjà cités on note :
·
l'efficacité du système juridique pour régler
les différends,
·
la couverture du réseau mobile,
·
le tarif de l’abonnement fixe à Internet,
·
la qualité du système d’éducation,
·
le taux de souscription au téléphone mobile,
·
l’usage des réseaux sociaux virtuels,
·
l’importance de la formation continue du
personnel,
·
l’importance des TIC dans la vision du
gouvernement,
·
le succès de l’effort public de promotion des
TIC,
·
l’impact des TIC sur les nouveaux modèles
d'organisation.
La Finlande, au
contraire, a 7 indicateurs en 1ère place et au total 21 indicateurs entre
la 1ère et la 5ème place. Elle a aussi des points faibles
mais ils sont nettement moins nombreux que ceux de la France. Ainsi la Finlande
n’a que 5 indicateurs situés au-delà du 40ème rang alors que la France en a 16. C’est le secret :
avoir quelques points d’excellence et ne pas avoir trop de points faibles.
Fiche d'évaluation NRI de la Finlande en 2014 |
Dans les messages
précédents nous avions proposés six mesures :
1.
S’inspirer des pays voisins se trouvant en
tête du classement comme la Finlande Suède, las Pays-Bas, la Norvège, la Suisse
ou la Grande-Bretagne, le Luxembourg,…Il n’y a pas de honte à copier les bons
élèves.
2.
Améliorer l’environnement économique et
notamment en simplifiant le contexte administratif et réglementaire tout
particulièrement en luttant contre les nombreux dysfonctionnements de la
justice commerciale et de l’administration.
3.
Avoir une politique publique positive en faveur
des TIC basée sur une vision claire de l’impact des TIC sur le
développement économique. Il est nécessaire de faire connaître les succès et
diffuser les bonnes pratiques.
4.
Réduire la tarification des télécommunications. L’action
de Free dans le domaine du téléphone mobile est un premier pas mais il y a
encore des progrès importants à réaliser dans ce domaine notamment en ce qui
concerne les tarifs hors-forfaits.
5.
Inciter les entreprises moyennes et grandes
à investir dans les TIC. Tous les plans publics misent sur les PME.
Il faut au contraire miser sur le rôle des grandes entreprises qui ont les
moyens de financer ces projets.
6.
Favoriser les capacités des entreprises du
secteur de l’économie numérique à l’exportation. Il faut développer les
coopérations entre les entreprises pour les inciter à intervenir dans ce
domaine et faciliter leur présence au niveau mondial.
J’ajouterais à
cette liste deux mesures complémentaires :
7.
Inciter les entreprises à investir dans les TIC en
autorisant l’amortissement des études débouchant sur des applications
rentables. Pour favoriser le développement de certaines applications notamment pour
la création de nouveaux services basés sur les TIC il serait souhaitable de mettre
en place un mécanisme de crédit d’impôt.
8.
Développer la formation à l’informatique
notamment en matière de développement et la connaissance des systèmes d’information.
On ne forme pas assez de professionnels de l’informatique et ceux qui sont
formés ne sont pas toujours adaptés aux besoins ([2]).
Il est pour cela indispensable
de mettre en place une « feuille de route » sérieuse qui permettent
de développer réellement le secteur de l’économie numérique.
Voir sur le même sujet sur ce blog :"Le classement informatique du World Economic Forum : Une triste réalité", paru le lundi 19 mars 2012, "Economie numérique : la France classée en 2013 au 26ème rang mondial par le Forum de Davos" paru le samedi 6 juillet 2013 et "Le Classement du World Economique Forum 2015 : La France perd une place" paru le mercredi 10 juin 2015
Voir sur le même sujet sur ce blog :"Le classement informatique du World Economic Forum : Une triste réalité", paru le lundi 19 mars 2012, "Economie numérique : la France classée en 2013 au 26ème rang mondial par le Forum de Davos" paru le samedi 6 juillet 2013 et "Le Classement du World Economique Forum 2015 : La France perd une place" paru le mercredi 10 juin 2015
[1]
- On notera que l’Italie est passée en un an de la 50ème place en
2013 à la 58ème en 2014.
[2]
- On estime qu’on forme chaque année de l’ordre de 3.000 informaticiens du
niveau ingénieur alors qu’il en faudrait 10.000 (Il faut se rappeler qu’on ne
forme en France que 30.000 ingénieurs par an. Pendant ce temps les USA en forme
137.000 et la Chine 350.000). L’objectif de la « feuille de route »
de Fleur Pellerin est de doubler leur nombre d’ici 2017. Mais ce nombre est
surement insuffisant. A cela s’ajoute la formation des programmeurs et des
métiers basés sur l’emploi des systèmes d’information, curieusement appelée dans
la « feuille de route » les « métiers du numérique ».
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