La dernière note de conjoncture de l’INSEE qui vient d’être publiée à la mi-décembre 2011 est préoccupante. Jusqu’alors la presse et les hommes politiques ne cessaient d’évoquer la crise mais la conjoncture résistait assez bien avec une croissance de l’ordre de 1,5 à 1,7 %. Ce n’est pas génial mais ce n’est pas la crise. En fait, la plupart de ces commentateurs mélangent trois crises différentes : il y a d’abord la crise grecque qui est bien réelle, la crise de l’euro qui est en fait une crise de crédibilité des dirigeants européens et une crise économique qui rôde et qu’on craint mais qu’on n’a pas encore vue. On craint le « double dip » ([1]), surtout aux USA mais jusqu’à maintenant on n’avait encore rien vu.
Le critère d’une crise économique est d’avoir deux trimestres de suite connaissant une croissance négative. Eh bien, aujourd’hui, on y est. L’INSEE annonce une baisse du PIB de 0,2 % au quatrième trimestre 2011 suivie d’une baisse de 0,1 % au 1er trimestre 2012. Ce n’est pas l’effondrement qu’on a connu de 2008-2009 mais c’est un craquement significatif. D’autant plus qu’il fait suite à des affirmations répétées des différents membres du gouvernement sur le taux de croissance prévue de 1,7 % à 2 % en 2012, ramenée au mois d’octobre à 1 % mais les plus réalistes pensent qu’on risque d’être aux alentours de 0,5 %. En fait on est probablement aux alentours de 0 %.
En soit ce n’est pas grave si ce n’est que cela va se traduire par une augmentation du chômage de l’ordre de 200.000 à 250.000 personnes. Cela risque surtout d’avoir un impact significatif sur le niveau des investissements des entreprises et notamment ceux concernant l’informatique. La baisse des investissements de 2012 risque d’être de l’ordre de 1,5 % alors qu’en 2011 la croissance était de 3,9 %. C’est un sérieux coup de froid sur les investissements.
Pendant longtemps l’informatique échappait aux crises économiques mais depuis le début des années 90 les crises économiques ont eu un impact significatif sur le montant des investissements informatiques. On a bien vu ces contractions en 1991-1993, en 2001-2002 et surtout en 2008-2009.
En 2009 la baisse globale des investissements des entreprises a été massive avec une diminution de 12,2 % alors que, pendant ce temps, la baisse du PIB était 2,7 % soit une baisse supérieure à 4,5 fois celle de la PIB. C’est un effet multiplicateur inverse ([2]) important. Si on considère l’ensemble des investissements (entreprises, administrations, ménages) ([3]) la baisse globale est plus faible. Elle est de 9 % car les ménages et les administrations jouent le rôle d’amortisseurs. Dans ce cas le multiplicateur est de 3,3. C’est un chiffre encore élevé, signe d’une forte sensibilité des investissements à la baisse.
Si on considère les investissements informatiques on constate qu’ils sont encore plus sensibles à la baisse que l’ensemble des investissements. De plus les différents secteurs de l’informatique ne supportent pas la baisse de la même manière. En 2009 elle a été plus forte dans le domaine du matériel avec une baisse de 23,2 % alors que pour les logiciels et les services la baisse n’a été que de 3,4 %.
Ceci montre que le matériel informatique est particulièrement sensible à la baisse. Elle est deux fois plus élevé que pour le reste des investissements (exactement 2,6 fois ([4])). Ceci veut dire que lorsque les investissements baissent de 1 %, les investissements en matériels informatiques baissent de 2,6 %. En ce qui concerne les logiciels et les services la diminution est nettement plus faible que celles constatées dans le cas de l’ensemble des investissements. Le rapport des baisses est de 0,38 ([5]), c’est-à-dire que lorsque les investissements baissent de 1 %, les investissements en logiciels et en services informatiques ne baissent que de 0,38 %.
Rapporté à la baisse du PIB l’élasticité à la baisse des matériels informatiques est de 8,6 ([6]) alors que pour les logiciels et les services la baisse est du même ordre de grandeur que la contraction économique.
Il est dans ces conditions possible de craindre que l’année prochaine le secteur des logiciels et les services risquent d’être stables alors que la baisse dans le secteur du matériel serait de l’ordre de 13 %. Un sérieux coup de froid.
[1] - Le double « dip » consiste à subir une deuxième récession après être sorti d’une première crise.
[2] - Le terme « multiplicateur inverse » est inexact. En économie politique cela s’appelle l’élasticité-revenu.
[3][3] - Quelques ordres de grandeur : le PIB de 2010 est de 1.933 milliards d’euros, le total des investissements est de 303 milliards d’euros et les investissements des seules entreprises non financières (ENF) de 193 milliards d’euros.
[4] - 2,6 est le rapport entre la baisse des investissements en matériel informatique (23,2 %) par rapport à la baisse des investissements (9 %).
[5] - 0,38 est le rapport entre la baisse des investissements en logiciels et en services (3,4 %) par rapport à la baisse des investissements (9 %).
[6] - C’est le rapport entre 23,2 % (baisse des investissements en matériel informatique) et 2,7 % (baisse du PIB). Ainsi quand le PIB baisse de 1 % les investissements en matériel informatique baisse de 8,6 %.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire